DOMINIC77

Un peu de tout

Category: OPINION (page 1 of 15)

Toutes les choses, si possible politique et malvenues, que j’ai envie de dire au monde.

Que faire (de la NUPES)

Ces dernières semaines les contributions ont fleuri sur le thème « que faire de la Nupes ? ». Toutes expriment le souhait que l’aventure se poursuive et la crainte que nous ne gaspillions cette embellie ressentie le temps d’un printemps de campagne, que l’espoir encore une fois ne retombe avec la grisaille de l’automne dans les ornières boueuses de l’Histoire.

====

Avant de venir aux considérations politiques je sens nécessaire de simplement raconter l’histoire vécue de ce printemps.

J’ai soixante-quatorze ans. Je suis entré en militance active au sein d’une organisation d’extrême-gauche trotskyste à l’automne de l’année 1967. J’avais vingt ans.

Au fil de ces quelques cinquante-cinq années les aventures syndicales, politiques et humanitaires m’ont apporté parmi les plus belles de mes émotions et m’ont aussi laissé quelques cicatrices. La politique fait saigner, souvent, à chacun de ceux qui s’y frottent, à nos proches et souvent à ceux que nous entraînons en des combats parfois douteux.

Je m’étais laissé allé depuis des années à la paresse, la dormance militante quand en 2015 l’agression néolibérale contre le peuple grec m’a reconduit sur le pavé manifestant. Qu’elle était triste cette saison quand je partais seul rejoindre mes amis de circonstance avec le sentiment de crier dans le désert. Le relais pris par François Hollande avec les lois « travail » n’a pas été plus plaisant quand nous défilions entre des rangs de robots en armes et sous l’omniprésente menace médiatique des « casseurs » prétextes à toutes les violences. Paradoxalement le redoublement des attaques avec la réforme des retraites d’Emmanuel Macron a changé la donne. Nous étions plus nombreux, plus déterminés, plus unis peut-être, enfin souriants d’être ensemble.

Et ce printemps de 2022 me tombe sur le dos ce que je n’attendais plus. Alors que j’avais exprimé ma volonté de participer à une campagne législative de rassemblement sous mes yeux se produit l’impensable, l’union d’à peu près tout ce que le pays compte de forces de progrès dans un cadre ouvert sous l’improbable nom de NUPES (que chacun prononcera à sa manière).

Motivés par l’idée de l’union nous nous sommes retrouvés dans notre étonnante diversité sur le terrain, oubliant la fatigue, devant les quais des gares, sur les parkings de centres commerciaux, sur les marchés ou devant les portes des appartements. La réponse des gens, peut-être facilitée par la sortie de deux ans de confinements, nous encourageait à continuer. Combien ai-je appris en quelques semaines ? La plus grande leçon : écouter ces gens qui ont besoin de dire leur situation (et nous de les écouter).

Nous n’étions pas bien nombreux mais nous étions heureux ensemble.

Cette chaleur a sans aucun doute été utile quand nos candidats ont perdus l’élection (dans ma circonscription) et nous a fait réaliser que nous avions quand même gagné quelque chose d’inédit.

====

La centralité de la question écologique.

Pour nous unir ne perdons pas de vue la question climatique qui nous donne l’arme pour combattre le plus grand risque de fracture entre nous. Risque qui prend sa source dans l’attachement idéaliste, plus affectif que politique, d’une partie des militants, en particulier écologistes à l’Union Européenne mythiquement vécue comme la fusion des peuples de l’Ouest du continent eurasiatique.

L’effort pour contrer les effets meurtriers du désordre climatique est devenu impératif aux yeux de tous avec les chaleurs, sécheresses, intempéries et inondations récentes.

La démonstration du lien entre les activités humaines industrielles, touristiques, etc et le désordre climatique se confirme de jour en jour mais la racine du mal n’est pas circonstancielle. Le premier article de la livraison de Juillet-Août 2022 de la Monthly Review (magazine de gauche fondé aux E.U.A. en 1949) a pour titre « Écosocialisme ou Barbarie », comme une mise à jour du vieux slogan « Socialisme ou Barbarie ». Il s’inscrit dans un travail persistant des auteurs de la revue autour de l’idée de « capital-nature », la place de la nature dans la pensée économique. L’objectif n’est pas de fantasmer Karl Marx en père de tous les écologistes mais de retracer théoriquement l’incompatibilité de l’accumulation capitaliste, forcément effrénée, avec un monde aux ressources finies.

Le combat écologiste et le combat contre les forces de l’argent ne sont pas cohérents et compatibles. Ils constituent deux faces d’une même nécessité pour la survie et le bien-être de nous tous.

====

Sur l’organisation.

Après un été de plomb nous nous retrouvons avec la question : et maintenant ? Nous la poser sans avoir de réponse toute faite ne peut que nous réjouir. Il nous appartient d’inventer la suite.

Au cœur du débat, personne n’est dupe, gît la relation entre La France Insoumise et le mouvement sans précédent, bigarré qui s’est déployé sous la bannière de la Nouvelle Union Populaire Économique et Sociale. La bizarrerie même de ce nom de circonstance augure plutôt bien du futur. Elle montre qu’il ne s’agit pas d’un de ces projets marketing auxquels la politique récente nous a accoutumé.

Le moment de parler d’organisation formelle, de structuration définitive est-il venu ? Passés la phase activiste de la campagne électorale législative et le recul de l’été ne serait-ce pas plutôt aujourd’hui le temps de la réflexion, des expériences, le temps de faire fleurir nos spécificités locales ?

La séquence et la géographie de la campagne nous ont été imposées par l’institution électorale et nous ont contraint à l’action immédiate. Nous ne savons pas comment les calendriers vont se déployer (dissolution ? mouvements sociaux,…). Cet automne pourrait bien être la bonne période pour faire fumer nos cerveaux.

Clémentine Autain a avancé avec pertinence quelques sujets sur la base organisationnelle (les Groupes d’Action) et géographique (les circonscriptions législatives).

Groupes d’Action.

Les Groupes d’Action, si nous les entendons bien comme des G.A. Union Populaire et non LFI s’imposent en effet comme la base naturelle, celle qui existe, où les gens se connaissent et ont pu commencer à se faire connaître de la population. Leur diversité, d’opinions politiques, de tailles, leur structure parfois hiérarchisée (du local au plus large : la circonscription) en font des organes opérant, simples et capables d’attirer des personnes qui se sentent déjà motivées par une forme ou une autre d’engagement sans entrer dans une logique partisane. La question de leurs moyens (finances et matériel de propagande) cristallise sans aucun doute la discussion sur l’organisation globale, le type d’affiliation à des structures centrales et les structures de rattachement. Nous semblons tous d’accord sur l’objectif de faire vivre la NUPES. Nous avons donc à poursuivre le débat sur son organisation nationale et les rapports avec les partis politiques impliqués (dont LFI). Pouvons-nous sans risque de perdre tout notre dynamisme faire l’économie d’un débat sur ces sujets ?

Circonscriptions.

Calquer la géographie de l’organisation des groupes sur les circonscriptions est-il pertinent ? Les circonscriptions électorales législatives sont par nature dans une France de plus en plus péri-urbaine des réalités artificielles, politiciennes toujours provisoires. Elles ne reflètent que partiellement la réalité sociale, économique, culturelle des territoires. Elles présentent des trous (telles communes excluent d’une zone par ailleurs fonctionnellement unitaire), des excroissances (à l’inverse des communes rattachées pour faire masse électorale), des hétérogénéités (économiques, d’habitat, …) et des externalités (des flux économiques ou culturels qui les traversent ou les dépassent). Si la circonscription est un périmètre d’action coordonnée obligatoire lors de l’élection elle est en général trop étendue (en particulier en zones rurales) et trop diverse pour fournir le cadre naturel de militantisme quotidien (hors zones urbaines concentrées). Cette double contrainte de l’efficacité électorale (et administrative entre deux élections) et de l’efficacité militante au jour le jour devrait nous contraindre à continuer à fonctionner à deux niveaux. Les Groupes d’Action demeurent les noyaux de base, capable de tisser des liens horizontaux avec leurs voisins en cas de besoin hors contexte de circonscription mais aussi coordonnés au sein de celle-ci. Mon secteur de Seine et Marne semble un exemple typique. La partie orientale, plus rurale, présente des motifs de mobilisation en commun avec les territoires plus à l’est (artificialisation des sols par exemple) complètement absents de l’ouest.

Et au-delà du local ?.

Si l’organisation locale ne semble pas présenter de difficultés insurmontables la structuration verticale du mouvement va se révéler bien plus délicate.

A partir d’un niveau de base fort qui assure le lien avec la population tout est à construire pour répondre à des besoins contradictoires au moins en apparence. La bonne vieille opposition de la verticalité ascendante et descendante. Et nous avons besoin des deux.

Le paradoxe apparent de notre affaire consiste à avoir fait fleurir l’idée que tout doit être reconstruit et que cette idée vienne « d’en-haut » (Mélenchon).

Comment articuler les trois étages de notre construction ? Ces éléments existent et peu ou prou sont incontournables.

-Au « sommet » les parlementaires (et les partis politiques).

-Intermédiaire : le « Parlement de la Nupes»,

-En bas : les groupes locaux tels qu’ils sont dans leur diversité.

Je ne suis ni magicien ni omniscient. Je ne connais pas la bonne formule mais je suis conscient de quelques besoins. Nous devons tous mettre en commun nos expériences et nos suggestions sans perdre la richesse que constituent nos différences liées à nos histoires et nos territoires. Par exemple nous avons entrepris localement après le second tour des législatives un début d’étude statistique et sociologique des votes et de l’évolution entre les deux passes de l’élection. Nul doute que nous ne sommes pas les seuls et que la collecte nationale de tous ces travaux nous apprendra beaucoup. Voici un exemple de ce que l’étage « Parlement de la Nupes » a vocation à mener sans préjudice des appartenances partisanes. Cette structure intermédiaire ne peut que rester nécessairement floue pour jouer son rôle d’intermédiaire entre le mouvement et les « corps constitués » que sont les parlementaires (politiques institutionnalisés) et les partis. Activer des structures temporaires thématiques comme une commission sur l’étude des résultats électoraux peut être un mode de fonctionnement.

Clémentine Autain a justement évoqué la question des moyens matériels des groupes locaux et de la défiscalisation de leur financement. L’argent restant le nerf de la guerre trouver une solution satisfaisante qui n’induise pas une sujétion insupportable des groupes locaux risque de ne pas être aisé. Très concrètement la question des thèmes et des matériels nationaux (tracts, affiches, etc.) de campagne implique que l’instance émettrice soit bien Nupes et non-partisane. Encore un sujet à débattre et à expérimenter.

Quand Cédric Durand et Razmig Keucheyan insistent sur le rôle de la Nupes de faire entrer le mouvement social au Parlement ils mettent en avant également le rôle de passeur du Parlement de la Nupes sans en approfondir la description des moyens. Nous sommes incapables de le faire actuellement car figer des solutions revient à revenir à la vieille conception de la politique, celle des gens qui savent tout, qui ont lu la solution dans leurs grimoires, souvent écrits il y a un siècle. Aussi inconfortable qu’elle soit l’image de la bicyclette s’impose. On trouve l’équilibre parce que l’on avance…Mais le risque de la chute est toujours présent.

====

Le débat sur l’éducation.

Plusieurs contributions insistent sur « l’école de la Nupes », « l’Education Populaire », ou une « école de formation du parlement ». Sans pointer vers la même solution elles dévoilent une préoccupation commune : amplifier le mouvement créé ce printemps par l’approfondissement de sa propre compréhension de la situation et son écoute de la population et répandre ces idées.

J’y vois au moins deux dimensions.

La première est l’éducation au sein de nos groupes. Dans notre diversité se croisent des gens qui ont beaucoup à s’apprendre. Les livres (édités par Attac, par Fakir, d’autres, peut-être même les vieilles brochures de ma jeunesse) qui prennent la poussière sur mes étagères et s’ennuient ne demandent qu’à circuler et à être discutés. Et cela va au-delà de contenus strictement politiques. Avant de faire redescendre la bonne parole échanger horizontalement et nous armer entre nous.

Cette approche n’empêche pas que l’enrichissement de nos savoirs et de nos pratiques à partir du contenu du programme initial (Avenir en Commun), des débats parlementaires et des contenus élaborés à partir du travail du Parlement de la Nupes soit nécessaire.

Nous avons appris pratiquement lors de la campagne (moi en tout cas) combien écouter les gens est important. Mais la véritable dimension d’Éducation Populaire existe indépendamment de nous comme le rappelle ce billet de Marcuss. D’autres avaient déjà tenté ce genre de démarche comme le groupe Émancipation Collective avant la pandémie. Peu importe que des compréhensions manifestement opposées de l’Éducation Populaire s’expriment elle reste un outil nécessaire pour « construire le nous » populaire qui seul peut nous conduire à une victoire durable. Cet effort nous oblige à sortir de l’entre-soi militant politicien et à parler à d’autres forces, d’autres mouvements souvent non explicitement politiques. Cela ne peut en général se faire que par des actions ponctuelles, locales.

====

Dépasser nos limites.

Ce dépassement de notre cercle initial, naturel, d’activité ne peut pas se limiter à une perspective éducative.

Les autres sont là tout autour de nous. Les maires macronistes ou autres, les divers « leaders d’opinion » traditionnels qui tous les jours parlent à la jeunesse, aux anciens, à toute la population avec des moyens bien supérieurs aux nôtres. Naturellement ils ne peuvent que répandre l’idéologie dominnante.

Pour espérer dépasser le plafond auquel nous nous sommes heurtés ce printemps il est indispensable de nous faire connaître et reconnaître socialement, pas uniquement comme des militants actifs et plus ou moins enragés. Nous investir dans des activités diverses, associatives sans doute, qui ont un sens dans le cadre global de notre combat (écologique par exemple) devient d’autant plus utile que nous savons que le temps nous est compté et que nous ne sommes pas maîtres des horloges (épée de Damoclès de la dissolution).

A chacun de faire ses choix et allons-y.

Je me fais une petite violence en citant une des plus belles chansons de tous les temps.

« … We shall overcome…Some day… ».

Traduction brutale : « … à la fin c’est nous qu’on gagne… » en plus poétique.

====

Ce que j’ai lu ou écouté avant d’écrire.

Consolider la NUPES

https://blogs.mediapart.fr/clementine-autain/blog/120722/consolider-la-nupes

http://www.regards.fr/la-midinale/article/clementine-autain-le-gouvernement-c-est-le-cercle-de-la-deraison

http://www.regards.fr/tribunes/article/tribune-pour-perpetuer-la-nupes-il-faut-la-faire-vivre

https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/la-nupes-doit-faire-entrer-le-mouvement-social-au-parlement-20220624_RPPF4AMNX5AQ5HCSMSRX5GUEJM/

https://www.liberation.fr/politique/elections/a-gauche-un-programme-partage-pour-la-nupes-20220519_GDTQJW5RMVGKLFBKNE63EI6WVE/

NUPES et éducation (populaire)

https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/230822/creons-lecole-de-la-nupes-2

https://blogs.mediapart.fr/marcuss/blog/290822/lecole-de-la-nupes-et-leducation-populaire

https://blogs.mediapart.fr/marcuss/blog/220721/la-culture-est-tout-ce-qui-nous-permet-de-resister-la-domination

https://blogs.mediapart.fr/pauldu44300/blog/040120/appel-faire-de-la-pedagogie-en-dehors-de-lentre-soi-militant

http://ep.cfsasbl.be/IMG/pdf/etude2014_en_ligne_.pdf

Généralités politiques

https://www.mediapart.fr/journal/france/300822/gauche-quatre-nuances-de-nupes //Et Mediapart continue à faire de l’analyse politicienne à partir des vieux partis sans vision politique et sans prendre en compte le pays réel.

https://blogs.mediapart.fr/romain-jehanin/blog/290822/cherir-perenniser-et-elargir-la-nupes-pour-permettre-lalternance-0

https://blogs.mediapart.fr/gilles-kujawski/blog/310822/revoila-les-sociaux-mediocrates //Billet médiocre et anachronique qui ressasse les vieilles lunes gauchistes qui nous ont bloquées dans l’impasse.

Contribution (François Ruffin).

https://www.lemediatv.fr/emissions/2022/diviseur-ou-lanceur-dalerte-francois-ruffin-se-defend-et-argumente-szAbQKR9Qm2S55ElBzH28A //Entretien avec François Ruffin sur nos tâches dans la période.

Les organes cités.

La Monthly Review.

https://monthlyreview.org/

Le Media.

https://www.lemediatv.fr/

Copinage.

http://michaelkoppy.com/ //Mon ami Michael Koppy joue et chante la plus belle version que je connaisse de « We shall overcome ». Je ne connais pas de copie audible sur Internet. Son album « Ashmores’s store » vaut le coup.

Crise russe : que signifie-t-elle?

La crise russe révèle l’état du monde que nous voulions ignorer. La dissuasion nucléaire ne fonctionne plus. Les Nations Unies sont cassées. Le militarisme est en roue libre contre la démocratie.

 

Le réveil est sévère. Pourra-t-il être salutaire? Endormis dans nos illusions généreuses d’enfants de l’après seconde guerre mondiale nous n’avons pas voulu croire au pire. Il est donc advenu.

La fin de la dissuasion nucléaire.

La guerre.

La destruction d’habitations, d’écoles, de routes, d’ouvrages d’art. La brutalité de l’offensive russe mise en échec par la résistance nationale des ukrainiens a ramené l’état-major et le président russes à la réalité. Ils n’ont donc plus  d’autre option dans leur logique qu’encore plus de brutalité aveugle au risque d’avoir à se dédire.

Comment faire entendre une voix pacifique dans un contexte où ne résonne que le bruit des des explosions et ne s’entend que la logique de la force?

Nous ne sommes plus au temps de la recherche des causes ni même aux illusoires  justifications par le droit. Déclarer que Poutine a violé les règles internationales est-il autre chose qu’une excuse pour ne pas dire que les troupes russes assassinent des ukrainiens qui ne les ont pas agressés?

La seule réponse possible serait-elle donc vraiment  d’opposer aux envahisseurs encore plus de forces de destruction? Et d’autre part pouvons-nous laisser les assassins gagner?

Dans le contexte de l’équilibre de la terreur constitutif de la guerre froide la crainte de destruction mutuelle assurée provoquait la retenue. Cette crainte apportait la conviction que personne n’appuierait sur le bouton rouge. Il a suffi que l’un des protagonistes convainque les autres qu’il est assez déterminé, convaincu de son bon droit pour le faire. Et tout le système de la dissuasion est par terre. Il ne fonctionne pas. Il est devenu intrinsèquement inopérant et la démence supposé d’un protagoniste ne constitue pas une explication.

Quand nous serons sortis de la phase aigue  de la crise, si nous en sortons, construire un nouveau système ne sera pas facile, ne sera pas rapide. Pour être réaliste il devra en finir avec le nucléaire et avec les égoïsmes (économiques) nationaux.

La fin des Nations Unies.

En même temps que le système de la dissuasion le système des canaux de dialogue qui permettaient au monde de vivre vaille que vaille ont été gravement endommagés. L’Organisation des Nations Unies fournissait un cadre reconnu, plus ou moins bancal mais réel, de discussions et de présentation aux opinions publiques.

La dimension du spectacle l’a définitivement emporté. Sans doute depuis la pitoyable prestation de Colin Powell présentant sa preuve des armes de destruction massive  qui visait à justifier l’invasion de l’Irak voulue par le  Petit Bush.  Cette invasion a d’ailleurs certainement joué un rôle déclencheur  dans l’esprit des dirigeants russes. La puissance dominante pouvait en faire à sa guise, envahir qui elle voulait et en particulier un pays souverain riche en hydrocarbures.

L’organisation même des Nations Unies dirigées par un Conseil de Sécurité archaïque avec son système des vetos issu de l’équilibre précaire de la guerre froide a beaucoup servi aux ténors des grands pays pour montrer leurs muscles à leurs populations et celle des états amis et clients sans toujours prendre en considération les conséquences internationales.

Forts de leur passé colonialiste et impérialiste les états occidentaux n’ont pas voulu voir la dégradation de leurs positions. La France a laissé la Russie coloniser la quasi-totalité de son ancien empire africain avec une force militaire occulte et violente. Les Etats-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni n’ont pas vu la Chine pourtant vaste effectuer une OPA  massive sur des terres agricoles africaines et même sud-américaines.

Obsédés par une lutte militaire frontale contre  un islamisme envahissant les puissances occidentales ont renoncé ce qui aurait pourtant du être l’arme préférentielle des tenants de l’économie libérale : l’intégration à la communauté des nations par le développement.

Les canaux de dialogue multilatéraux vidés de leurs efficacité, réduits à la fonction d’écrans médiatiques et la mise au premier plan du commerce des armes comme outil de collaboration économique ont entretenu la guerre des civilisations dans un monde qui n’a jamais tiré leçons du passé colonial.

Au sein même du continent européen on a voulu faire passer la construction bureaucratique d’un ensemble essentiellement économique vidé de tout contenu politique pour une avancée démocratique majeure. Il n’était pourtant pas besoin de fortes lunettes pour voir que cela menait au gouvernement pas les lobbyistes et non par les peuples.

La destruction des canaux de dialogue, l’affaiblissement du débat politique, le primat du commerce dont celui des armes ont permis la montée en puissance d’une Chine aveugle aux droits humains et la résurgence furtive d’une Russie revancharde. Nous devrons maintenant faire avec.

La peur qui conduit au militarisme.

Pour les peuples, pour nous gens ordinaires, il ne reste que la crainte, la peur des bombes, peut-être nucléaires, sur nos enfants. L’effroi à l’idée d’un futur à jamais compromis que mes petits-enfants pourraient ne jamais connaître.

Cette peur justifie toutes les aventures militaristes, l’armement généralisé. Elle va renforcer un complexe militaro-industriel qui n’en avait pourtant pas besoin. Elle fait taire toutes les oppositions, fait réélire les gens en place, chloroforme le débat politique et fait accepter la militarisation sociale. En cela Poutine, Lockheed-Martin (société de l’armement) et Xi-Jiping sont objectivement  complices. Cette militarisation généralisée ne peut conduire qu’à un accroissement des tensions et des affrontements. Elle efface la souveraineté populaire.

La démocratie ne  peut vivre que dans la paix. La paix seule peut nous permettre de verdir notre économie avec la nécessaire fin des carburants fossiles et nucléaires (dont la guerre en Ukraine vient de nous rappeler le danger). Le complexe militaro-industriel est au cœur  des économies développées. Aussi longtemps qu’il occupera une position dominante nous serons en danger permanent.

Si nous ne substituons pas les Droits Humains au profit dans l’échelle de nos priorités nous sommes foutus.

Crise russe : Avons-nous un autre choix que la retraite ou l’apocalypse?

Il y a quelques jours j’ai publié un billet provocateur  sous le titre « crise russe : pourquoi faisons-nous comme si l’Ukraine existait encore? ». J’espérais bien un peu être un Cassandre ridicule après  quelques temps.

Le récent entretien de Noam Chomsky lu sur Truthout  et traduit sur ballast.fr va dans le même sens. La conduite obstinée des opérations par l’armée russe et la cohérence des affirmations de Vladimir Poutine confirment la bien étroite fenêtre des possibles.

Comment en sortir.

Si nous examinons les issues possibles elles semblent se circonscrire autour de trois possibilités.

1-L’apocalypse.

A court terme l’affrontement escalade quelles que soient les circonstances, des incidents non prévisibles ou le jusqu’auboutisme de russe surtout si Vladimir Poutine se sent coincé dans une impasse sans issue.

2-Un apaisement plus ou moins provisoire.

Il se paiera obligatoirement de concessions à la partie russe. Elles sont sans doute inévitables ainsi qu’une porte de sortie pour Poutine. Le statut de l’Ukraine devrait être le principal objet de tractations. Elle n’achapera pas à une démilitarisation. Cette issue sauverait des vies mais accorderait une victoire de court terme aux assaillants.

3-Une forme de coup d’état en Russie qui élimine Poutine.

Cette situation extrêmement improbable dans le court terme ne garantirait pas une évolution vers la situation & dans la période d’instabilité qui s’en suivrait. Le déclenchement de l’attaque sauvage sur l’Ukraine n’a été possible que quand la direction poutinienne s’est jugée à l’abri de cette hypothèse.

La situation au soir du 5 Mars.

La principale caractéristique de la situation est que Poutine est allé trop loin pour reculer. Plus les sanctions auront des effets ressentis par la population russe plus il se sentira obligé d’aller plus loin, plus fort pour présenter des résultats probants à ses compatriotes.

Il joue de ses armes et en particulier de la menace nucléaire comme d’un coup à plusieurs bandes. Il vise non pas ses interlocuteurs homologues mais bien les opinions publiques, vous et moi. Nous faisant peur il pense que nous ferons pression sur nos gouvernants pour accepter ou offrir des concessions et moins soutenir les ukrainiens. Nous sommes encore dans la phase d’escalade dont les ukrainiens font les frais. Les difficultés que semblent rencontrer l’armée russe à ce stade incitent Poutine à à insister à ce stade dans lequel il mène la danse. Il est possible qu’avec le temps son état-major et son environnement puissent lui faire prendre en compte la réalité. Mais même dans cette situation il ne se retirera pas sans concessions.

Les possibles médiateurs.

Dans une situation bloquée l’intervention de tiers peut faciliter l’évolution vers une sortie acceptable par tous. Dans l’état actuel d’extrême violence sur le terrain le passage à une autre phase sera obligatoirement difficile à organiser. Plusieurs acteurs pourraient être en position d’intervenir de manière plus ou moins formelle.

1-Le premier ministre israélien a visité Poutine ce jour et lui a parlé trois heures avec sinon une sorte de mandat informel des Etats-Unis d’Amérique du moins leur bénédiction (The guardian). Bennett s’est ensuite entretenu au téléphone avec Volodymyr Zelensky avant de partir à Berlin rencontrer Olaf Scholtz. Le gouvernement israélien dirigé par l’extrême-droite figure parmi les rares en situation de parler avec la plupart des parties.

2-Le président turc, Erdogan, a manifesté sa disponibilité à servir de médiateur si une opportunité s’ouvrait. Allié  plus ou moins stable de Poutine la Turquie a fourni à l’Ukraine des drones qui se sont révélés efficaces dans les opérations militaires.

3-Il existe un troisième médiateur possible, encore dans l’ombre, l’Iran. Allié de la Russie sur le terrain moyen-oriental (Syrie)  l’Iran est engagé dans une négociation de longue haleine pour la réactualisation de l’accord sur le nucléaire. Pour les occidentaux européens, s’ils voulaient bien abandonner la rigidité de leurs positions idéologiques dans ce  dossier, l’opportunité de récupérer une source majeure alternative à la Russie d’approvisionnement en hydrocarbures et d’ébranler la relations russo-iranienne présente des enjeux majeurs. Les russes et les chinois se sont d’ailleurs inquiétés de la préservation de leurs relations commerciales avec l’Iran dans le contexte des sanctions du dossier ukrainien. Les  Etats-Unis d’Amérique moins touchés par la dépendance au pétrole et au gaz russe seront sans doute moins sensibles à cet aspect.

A suivre…

Crise russe : pourquoi faisons-nous comme si l’Ukraine existait encore?

L’Ukraine est perdue. Les seules inconnues sont le nombre d’heures et le nombre de morts. Il ne nous reste que la durée pour panser les plaies et reconstruire la paix.

Je comprends qu’il est difficile de faire le deuil de nos amis pas encore massacrés par les hordes tsaristes. Mais rien ne peut à ce stade (01/03/2022) empêcher l’écrasement de la résistance ukrainienne. Après un premier loupé poutinien, un péché d’orgueil qui a surestimé sa capacité à faire peur à la fois aux ukrainiens et aux opinions occidentales. Les chefs d’état il est certain à raison de pouvoir les manœuvrer comme notre petit marquis vient d’en faire la preuve pratique.

Reconnaître la défaite des ukrainiens signifie reconnaître la nôtre. Défaite stratégique de long terme en même temps que défaite tactique sur les différents terrains campagne après campagne : Lybie, Géorgie, Ukraine 2014, Afrique occidentale et centrale. Faire ce pas revient à faire amende honorable et oblige à repenser notre modèle de pensée. La démocratie et l’universalisme ne seraient-ils plus les vendeurs universels d’influence?

Le réalisme oblige à reconnaître que dans les conditions actuelles Poutine a réussi à conquérir militairement l’Ukraine et que nous ne pourrons rien faire de sérieux conte cela. Tout au plus allons-nous tenter de sauver quelques miettes et quelques apparences, peut-être sauver la vie de Wolodymyr Zelenski et de sa famille. Dérisoire cadeau que le tsar pourrait accorder dans sa grande mansuétude.

Que pouvons-nous faire?

Inscrire l’Ukraine dans la colonne des pertes ne signifie pas cependant nous résigner. Mais il ne nous reste que le temps long. Celui de la reconstruction d’une paix qui passera obligatoirement par le retrait et la chute de l’équipe actuelle du Kremlin. Endormis dans nos certitudes, celles que nous a injecté le néolibéralisme, la conviction que le « doux commerce » devait résoudre tous les conflits et nous mener à la concorde universelle.

J’ai soixante-quatorze ans. Je n’ai plus l’espoir de passer à mes petits-enfants un monde plus apaisé que celui pour qui mes grands-pères ont vu leurs jeunesse massacrée par la première guerre mondiale.

Si nos dirigeants voulaient bien être réalistes sur la question énergétique avant d’être stupidement idéologiques à la manière trumpienne ils se hâteraient de remettre en activité l’accord sur le nucléaire iranien. Ce mouvement aujourd’hui pas facile pour la morgue de certains me semble être la premièe porte de sortie effective à relativement court terme. Les effets devraient en être multiples: amoindrir la dépendance aux hydrocarbures russes, distancer l’Iran de son partenaire russe et prendre les mollah au piège du développement et de la démocratie.

Et au-delà travailler jour après jour.

Note de lecture : GLOBALISTS par Quinn Slobodian

Le mot « néolibéralisme » est de plus en plus souvent lu ou entendu et tend à devenir ce que deviennent ces vecteurs à tout faire, à la fois une insulte, un mot fourre-tout ou la désignation vague de tout un groupe ennemi ou ami suivant nos options. Résultat : il perd tout sens et par tant toute utilité dans le débat. J’ai récemment lu, après en avoir pris connaissance sous la plume de Jessica Whyte (Morals of the markets) un livre de l’historien  canadien Quinn Slobodian titré « Globalists » qui tente de répondre à cette ambiguïté. Tous les mots sont importants ici. Quinn Slobodian est historien, pas politicien ou économiste. Il ne tente pas de démêler les arcanes du débat économique mais essaie de raconter, au sens propre, l’histoire du courant néolibéral dans le contexte du vingtième siècle, de la Première Guerre Mondiale à une fin de siècle marquée par les manifestations anti-OMC de Seattle. On peut évidemment discuter ses trouvailles et surtout ses conclusions mais on ne peut pas nier qu’il apporte d’une part une masse d’informations et d’autre part  des points de vue argumentés. Que ces points de vue puissent ébranler les certitudes de notre confort fait tout leur intérêt. Connaître l’adversaire étant le premier pas dans toute bataille.

La question.

L’argument principal de l’ouvrage consiste à montrer que le courant néolibéral n’est pas l’entité libertarienne,   antiétatique que l’on décrit parfois comme une forme simpliste et systématique des partisans extrêmes du « laissez-faire, laissez passer » historique mais au contraire une école de pensée intellectuelle plus qu’économiste, complexe, qui à la fois a beaucoup évoluée dans le temps et a compris que pour réaliser ses objectifs de libération du marché l’intervention de structures étatiques, si possible supranationales, est nécessaire.

Pour montrer la complexité et l’évolutivité de l’entreprise l’auteur a choisi une méthode simple : raconter en chapitres qu’il réussit à aligner de manière à la fois chronologique et thématique l’histoire du courant néolibéral. Ceci lui permet au fil du temps de mettre en évidence les acteurs, leurs évolutions, les institutions dans lesquelles ils inscrivent leurs actions et les lieux où ils s’implantent.  Suivons-le.

L’Introduction.

Cette histoire du néolibéralisme comme courant avant tout intellectuel se démarque de son assimilation avec « l’Ecole de Vienne », courant libéral en économie né au dix-neuvième siècle. Localisé à la naissance dans la capitale autrichienne l’épicentre du mouvement néolibéral se déplacera assez rapidement en Suisse ce qui permet à Quinn Slobodian de le nommer plutôt comme « Ecole de Genève ». Sceptique permanent de l’état-nation il sera toujours partisan d’organismes régionaux ou mondiaux de coordination  et de régulation.

La distinction, venue de Carl Schmitt qui fut un juriste nazi, entre deux mondes coexistant celui de l’imperium et celui du dominium structure profondément la pensée néolibérale. Le monde de l’imperium est celui des territoires légaux et de la culture gouvernés par les administrations et la politique. Celui du dominium est celui de la propriété des terres, des biens et de la monnaie échangés par les êtres humains, peu ou prou celui de l’économie. Dans ce modèle les deux mondes sont distincts et n’ont pas à être alignés sur les mêmes frontières ni gérés par des règles dépendantes de ces frontières.

La trajectoire idéologique s’enracine dans la fin de l’empire des Habsbourg vu comme lieu de liberté économique supranationale et culmine avec la création de l’OMC. Elle accompagne les trois grandes ruptures du vingtième siècle dans le débat économique.

  • La période de la fin de la Première Guerre Mondiale marquée par l’abandon de l’étalon-or, la généralisation progressive du suffrage universel en Occident et la Révolution russe. L’ancienne division internationale  du travail se dissout.
  • Avec la crise des années 1930 et la Grande Dépression la nécessité de comprendre l’économie mondiale oriente les penseurs néolibéraux vers l’idée d’un fédéralisme économique mondialisé et la tentation de numériser la compréhension de l’économie.
  • Enfin après la Seconde Guerre Mondiale l’émergence des pays du Sud consécutive à la vague de décolonisation rebat les cartes et les voit s’opposer à l’idée d’un Nouvel Ordre Economique Mondial.

En cohérence avec leur hostilité à l’idée de l’état-nation, cadre de l’intervention politique en économie, ils travaillent et interviennent le plus souvent dans des organismes verticaux et multinationaux : la Chambre de Commerce internationale et la Société des Nations dans la première phase, le GATT et l’OMC ensuite.

Chapitre I : Un monde de murs.

De la Première Guerre Mondiale à la Grande Dépression.

Le premier chapitre couvre la période allant de la fin de la « Grande Guerre » à la Grande Dépression. La militarisation de l’économie ne convient évidemment pas aux experts de la Chambre de Commerce de Vienne dont le plus connu, père tutélaire du courant néolibéral, est Ludwig von Mises (Quinn Slobodian élude systématiquement les particules quand il cite les noms de personnes). Mises intervient à la Chambre dès 1909 et sera rejoint plus tard  (1921) par Friedrich (von) Hayek et Gottfried Haberler. Mais ce sont les émeutes ouvrières et les barricades de 1927 qui le  marqueront. Il y voit la nécessité de s’opposer aux syndicats qui perturbent le fonctionnement normal de l’économie et ne permettent pas au travail de jouer son rôle de simple « marchandise » dans le système dont le prix et la localisation doivent rester selon lui libres de toute contrainte. Comme souvent au sein du courant néolibéral les avis peuvent différer. A cette époque Haberler distingue lui entre les biens qui doivent circuler et s’échanger sans contrainte et les hommes. Il redonne ainsi un rôle à l’état-nation.

Les barrières douanières issues de la nouvelle structure mondiale apparaissent comme autant de murailles qui entravent la libre circulation des biens et des capitaux et donc obèrent le fonctionnement normal de l’économie.

A partir de 1921 Ludwig (von) Mises internationalise  son action par la participation à la Chambre de Commerce Internationale qui a été créée deux ans plus tôt.    L’activité du courant déplace son  centre de Vienne à Genève où siègent de nombreuses organisations de coopération internationale nouvellement fondées. La Société des Nations a été créée sous l’impulsion du président Woodrow Wilson mais les Etats-Unis d’Amérique n’en font pas partie. Elle devient  un lieu important de débat pour le libéralisme économique et l’autodétermination des peuples. L’ambition initiale d’une constitution économique mondiale unique et non limitée par les règles nationales ne semble pas avancer.

Chapitre II : Un monde de nombres.

De la Grande Dépression à la Seconde Guerre Mondiale.

Avec la crise des années 1930 cette ambition subit un autre recul majeur.  Le naufrage de l’économie mondiale met en évidence pour les penseurs néolibéraux la nécessité de comprendre le fonctionnement de l’économie mondiale et donc de la représenter et de la projeter dans le temps. Au sein d’instituts comme le National Bureau of Economic Research (Etats-Unis d’Amérique) ou de la SdN le travaux se développent. Haberler oriente sa recherche sur les cycles économiques. Ce mouvement a commencé dans la période antérieure à la crise mais devient prioritaire. La connaissance des  données devient un élément majeur pour éviter le recul dans la compétition internationale.

Le Colloque Lippmann , du nom du journaliste Walter Lippmann, se tient à Paris en 1938. Il est en général considéré comme la naissance formelle, organique, du courant néolibéral bien avant la première réunion de la Société du Mont Pélerin en 1947.  Il concrétise le rassemblement autour de Mises des anciens mais aussi de nouveaux participants : Whilelm Röpke, Walter Eucken, Alexander Rûstow, Michael Heilperin ou William Rappard même si tous ne sont pas présents ils joignent  la réflexion néolibérale à ce moment.  Rappard, économiste suisse, en tant que directeur de la Section des Mandats de la SdN avait présidé à la réaffectation des territoires coloniaux confisqués à l’Allemagne et à l’Empire Ottoman après la Première Guerre Mondiale. A noter que les français Jacques Rueff et Raymond Aron entre autres ont participé.  Les débats au Colloque, et plus généralement dans l’ensemble du courant, furent très ouverts. Certains comme Walter Lippmann montrèrent même une relative sympathie pour les solutions de régulation keynésiennes qui s’inscrivent pourtant dans le cadre honni des politiques nationales.

L’idée économétrique perdra ensuite de son poids mais la notion d’une économie globale conçue comme  une gigantesque machine de traitement d’information peut-être impossible à représenter complètement va faire son chemin, en particulier chez Hayek.

Cette phase restera sans doute celle des plus intenses et plus divers débats dans l’histoire d’un néolibéralisme encore jeune. La montée du fascisme en Europe donnant  à certains l’occasion d’affirmer leur préférence au fonctionnement de l’économie contre la démocratie. La question de la forme du gouvernement n’est jamais très loin car ce que redoutent les néolibéraux est la politisation de l’action économique, pas l’intervention de l’état en tant que telle. Le chapitre suivant développe les solutions envisagées alors.

Chapitre III : Un monde de fédérations.

En recouvrement avec la période du chapitre précédent.

Dès 1941 Mises a l’occasion d’affirmer son attirance pour des formes de gouvernement fédéral, multinational.  Cela n’étonne que si l’on confond le néolibéralisme avec une forme de libertarianisme. Leurs objectifs de dépolitisation, de « déplanification » de l’économie les conduisent bien à souhaiter l’affaiblissement des états-nations dans lesquels ils voient les outils de politisation de l’économie à l’avantage d’acteurs particuliers. Dans cette perspective la mise sous tutelle des états par des organismes de coordination de niveau supérieur, régional voire mondial à terme assure leur cohérence. Les frontières cessent d’être des obstacles à la circulation des biens et surtout des capitaux qui peuvent plus librement s’investir partout. Le périmètre des états devient essentiellement culturel mais l’économie se gère naturellement au niveau supérieur. La fédération modèle initiale dans l’esprit de Mises et de Hayek se trouve naturellement dans leur histoire autrichienne : l’Empire des Habsbourg. Dans un tel cadre de pensée les gouvernements nationaux peuvent même sans grand dommage devenir autoritaires -nous sommes à la fin des années 1930- s’ils garantissent le libre fonctionnement de l’économie au niveau plus élevé. Les travaux se poursuivent jusque pendant la Seconde Guerre Mondiale qui redonne du poids à la distinction entre imperium et dominium. Si bien qu’au sortir du conflit les esprits seront prêts pour la création  d’institutions économiques fédératives à l’échelle mondiale : le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale (1944) et ensuite le GATT (General Agreement on Tarifs and Trade, 1947) qui deviendra l’Organisation Mondiale du Commerce.

Chapitre IV : Un monde de Droits.

Période 1940-1960.

L’année clé de cette période est 1947 qui voit à quelques mois d’intervalles la première réunion de la Société du Mont Pélerin dans la ville suisse éponyme et celle de la commission des Nations Unies qui va produire la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme à Lake Success. Assez curieusement, comme le développe Jessica Whyte dans son ouvrage « Morals of the markets » dont la couverture est illustrée par une photographie peu connue de Friedrich Hayek, le courant néolibéral et le mouvement de défense des droits humains vont finir par constituer un couple assez lié, les néolibéraux mettant les droits du capital et la propriété au premier plan des droits humains. Une autre déclaration des droits a été publiée en 1939 par H.G Wells qui relie le respect des droits humains à une politique de décisions économiques centralisées au grand dam des néolibéraux.

Pour eux les droits du capital sont intrinsèquement supérieurs à ceux des personnes individuelles, en particulier quand les frontières interviennent dans le jeu. Les conséquences extrêmes des guerres par exemple avec leurs cortèges d’expropriations violent ces droits aux dépens de l’économie et donc de tous. Le contexte troublé qui suit la Seconde Guerre Mondiale connait un nouvel acteur majeur : les Nations-Unies. L’ambiance est très différente de celle de la Société des Nations.

Dès le début les droits des nations sur leurs ressources naturelles et donc leur droit à intervenir politiquement dans leur gestion économique ont été reconnus. Par ailleurs la question de l’emploi devient un sujet en tant que tel des débats et conférences économiques internationales (ECOSOC - 1946) . La création de l’Organisation Internationale du Travail le confirme. Ainsi que la tension générée par l’affrontement Etats-Unis d’Amérique versus Union Soviétique. La pérennisation du droit du capital (des nations développées) à investir à l’étranger sans contrainte devient un enjeu.

La vague de décolonisation après la guerre, principalement britannique en Asie,  marque le début d’une présence forte des pays du Sud  dans les organisations internationales. La réaction prend la  forme d’une « Capitalist Magna Carta » qui appelle à la création d’une Cour Internationale d’arbitrage pour juger des violations des droits des investisseurs. On sait combien cette idée a prospéré depuis.

Chapitre V : Un monde de Races.

Période 1950-1960.

Le débat autour de la décolonisation dans le contexte global de la guerre froide a continuer à se tendre. La race a tendu à devenir un critère de compétence économique associée aux situations coloniales. Concrètement les cas de la Rhodésie et de l’Afrique du Sud viennent au premier plan. La race est alliées à la culture pour définir la compétence économique et les droits à la libre circulation du capital et des biens.

SI Hayek voit bien l’apartheid comme une erreur les néolibéraux pensent que les sanctions sont pires que le mal. Sur ce terrain sans doute Wilhelm  Röpke est allé le plus loin dans le soutien au gouvernement sud-africain. Il a même théorisé une « ligne Zambeze » comme frontière physique pour séparer les zones à population blanche des zones à population noire.

Ceci ne doit pas cacher qu’à cette époque Milton Friedman qui n’est pas encore le grand gourou de l’économie des Etats-Unis d’Amérique s’engage aussi résolument dans la même voie.

Chapitre VI : Un monde de Constitutions.

Période 1950-1970, l’Europe.

Si le courant néolibéral a dès les années 1940 commencé à réfléchir à la question de l’organisation légale qui offre les meilleures garanties à la liberté économique entendue comme celle de la circulation du capital d’abord cette tendance n’a pas cessé de progresser. La séparation du domaine de l’imperium (politique mais en fait culture et langue) de celui du dominium (économie concrète) va connaître un nouvel essor avec le développement de l’Europe occidentale. La pensée de Friedrich Hayek offre un témoignage de cette évolutivité. Favorable à une fédération européenne dans les années 1930 il s’y oppose après la guerre. Il incarne ainsi  au sein du courant néolibéral la différence entre les constitutionalistes qui voient dans le Traité de Rome un modèle de gouvernement à niveau multiple (qui limite les interventions politiques nationales dans l’économie) alors que les universalistes préfèrent une régulation mondiale dont le GATT semble être l’instrument préférentiel. La Communauté Economique Européenne et le GATT présentent deux modèles alternatifs aux néolibéraux.

Dans ce débat Röpke et Haberler seront les plus visibles. Le premier peut user de l’influence de Ludwig Erhard, membre influent du gouvernement allemand. Progressivement d’autres membres vont se rallier à la CEE malgré les régulations et protections incluses dans le Traité initial. Pour les néolibéraux le plus important demeure la question des ex-empires coloniaux qui faussent le jeu car les relations privilégiées des métropoles avec leur anciennes colonies sont pour eux des violations des droits du capital au libre investissement.

Haberler va lui jouer la carte du GATT. Il y dirige une commission chargée d’établir un rapport (1958) sur les nouvelles tendances du commerce internationales.  Ce rapport va relancer les idées néolibérales en particulier dans les pays du Sud qui réclament un accès libre aux marchés (du Nord) alors qu’ Haberler le voyait initialement comme un outil contre les protectionnismes de la CEE.

La crise de Suez (1956) a joué un rôle de révélateur dans cette période mouvante. A la fois du mouvement de reprise de souveraineté au Sud (nationalisation du Canal) et interventionnisme européen  (France+Royaule-Uni soutenus par l’Allemagne) elle marque la différence entre le monde du dix-neuvième siècle et le nouveau.

Le recours à la loi pour organiser l’économie sans la contraindre était déjà visible au chapitre IV. Il se déploie  maintenant et ce n’est sans doute pas un hasard que la revue allemande Ordo en soit un des porte-parole les plus visibles. La majorité des acteurs historiques du néolibéralisme sont originellement germanophones.

A la fin des années 1960 la situation de la relation Europe-Afrique semble catastrophique aux néolibéraux. La solution sera d’étendre la portée de l’offensive constitutionaliste à l’ensemble du monde.

Chapitre VII : Un monde de Signaux.

Depuis 1970, l’Europe puis le monde.

Avec les années 1970 les empires ont disparus et l’ Organisation des Nations Unies est maintenant peuplée de nouveaux pays du Sud qui ne tardent pas à réclamer un Nouvel Ordre Economique Mondial. Les nationalisations au Sud ne respectent pas les droits internationaux du capital selon les néolibéraux pour qui cette menace semble plus grave que celle du communisme ou du protectionnisme du Nord. La recherche, y compris en économie, est stimulée par la diffusion des ordinateurs et Leontief (1973) reçoit le prix d’économie de la Banque de Suède en mémoire d’Alfred Nobel (faussement appelé Prix Nobel d’Economie) pour son modèle informatique de l’économie mondiale.

En 1974 paraît le premier rapport du Club de Rome qui met en question la croissance.

La Banque Mondiale et le FMI surfent sur la montée du monétarisme pour avoir enfin raison du Nouvel Ordre Economique Mondial.

Friedrich Hayek apparait dans cette période comme le penseur dominant du courant néolibéral (Mises meurt en 1973). Contrairement à Haberler ou Röpke il intervient peu dans les instances politiques et économiques opérationnelles mais reste dans le domaine des idées. Il partage une conception venue de la cybernétique qui voit dans l’univers un isomorphisme généralisé applicable à tous les domaines, du cosmos à la biologie en passant par l’économie. Tous les systèmes seraient organisés en trois strates régies par des règles dont les deux premières (physiologie et traditions) seraient inconscientes, immodifiables et peut-être même inconnaissables. Seule la troisième serait utilisable pour organiser le monde. En fait au fil des décennies Hayek a fini par produire une anthropologie plus qu’une théorie économique à la manière de Keynes. Il finit par définir le sujet économique non pas comme un agent conscient et organisé (homo economicus classique) mais comme un pion qui réagit à des signaux dans un monde cybernétique. Ce système de doit donc pas être perturbé par les actions intempestives des politiques qui risquent en fait de casser la mécanique économique et sociétale.

La plus significative victoire des néolibéraux pourrait bien être la transformation du GATT en Organisation Mondiale du Commerce. La marche vers une Constitution Commerciale du monde qui prend le pas sur les souverainetés politiques dans un monde où les prix sont essentiellement des signaux porteurs d’informations de régulation est en route.

Conclusion : Un monde sans peuple.

A l’aube du vingtième siècle le rêve hayekien d’un monde où la loi garantit universellement  les droits du capital, un monde d’individus sans peuples semble sur le point de se réaliser.

Mais le paradoxe hayekien subsiste. Si l’économie mondiale doit être protégée des excès démocratiques elle reste intrinsèquement invisible et au fond méconnaissable. Le néolibéralisme hayekien serait-il une mystique sans dieu?

Quinn Slobodian termine avec l’évocation de l’annulation de la réunion de 1999 de l’OMC à Seattle sous la pression des manifestants altermondialistes. Soudain le peuple d’en-bas  revenait.

La suite.

Le livre a été abondamment commenté et critiqué dans les publications de la gauche nord-américaine depuis sa publication en 2018. Plusieurs des critiques oublient le positionnement utile d’un livre ouvertement historique et non partisan quelles que soient les positions de l’auteur. L’abondance de matière et l’exposé détaillé des raisonnements développés en font un outil de connaissance appréciable dont la traduction en français serait bienvenue.

 

 

 

Du rififi à l’Elysée?

Avez-vous vu la tête de jean Castex Vendredi soir quand le gourou de l’Élysée lui a ordonné de venir annoncer au bon peuple les désirs du Prince et sa décision de non-confinement à l’encontre de ce que toutes les gazettes murmuraient depuis des jours? Le conseil de défense précipité n’a pas du être de tout repos.

Notre bon maire de province, exemple du bon sens et de la placidité rurale semblait bien fébrile et pressé d’en finir avec cette mission de porte-parole d’une décision qui semble-t-il n’avait pas sa préférence.  Voulez-vos parier sur la durée de sa présence à Matignon?

Comme cela a été souligné par ailleurs la politique l’a emporté sur toute autre considération. Le petit marquis a choisi ce qui ressemble à un coup de poker. Est-ce vraiment si risqué? Dans l’état actuel de l’opinion et de la volatilité de l’épidémie il n’est pas certain qu’un faux pas de plus soit vraiment dommageable en vue de l’élection de 2022.

Le plus inquiétant n’est peut-être pas que la décision puisse être erronée et  doive être infirmée la semaine prochaine. Quand à peu près tous les commentateurs soulignent à plaisir l’état moral ou mental déplorable des français et les inquiétudes croissantes des dirigeants absents ou indécis envoient les pires signaux.

La question de l’école en montre sans doute le plus évident exemple. La justification proclamée du maintien de leur ouverture tient en deux points. D’abord les élèves et les personnels seraient peu atteints par la maladie. D’autre part la fermeture serait une catastrophe pour le moral des enfants. Le premier point  a pu être vrai lors de la première vague. Il semble maintenant douteux  ou à tout le moins variable en fonction des endroits. Le second montre assez clairement la facilité à manipuler une information sensible. Il ne fait pas de doute pour moi que ce qui influe d’abord sur la manière qu’ont les enfants de vivre cette situation est la parole des adultes, en premier lieu des parents. J’ai récemment entendu Boris Cyrulnik expliquer cela à la télévision devant une Marina Carrère d’Encausse en mode bulldozer qui avait du mal à comprendre ce que son interlocuteur tentait tout en finesse de lui expliquer. Je ne suis pas un très grand fan de Boris Cyrulnik dans la popularité me semble être un exemple parfait d’autosatisfaction bobo-intellectuelle mais il a fait ce jour-là preuve d’une jolie intelligence et d’une belle opiniâtreté.

On sait bien que ce que redoute Macron dans la fermeture des écoles est le ralentissement de l’économie induit par les problèmes de gardes provoqués. En cantonnant le discours à la contagion dans les établissements il refuse de prendre en compte les mouvements de population et les risques de contamination associés au fait que les élèves se rendent dans les établissement d’enseignement.

On préfère nous répéter que les contaminations sont majoritairement domestiques pour justifier l’idée de faire sortir les gens de leurs foyers autant que cela peut servir à faire tourner la machine productive d’activité.

Un président qui se cache dans son bunker élyséens et ne comprend pas que le jour est venu de parler aux gens, même pour dire des banalités ou annoncer des décisions désagréables voire mauvaises peut-il sérieusement espérer?

Les moufles de Bernie

Comme d’autres j’avais remarqué la posture de Bernie Sanders lors de la cérémonie d’investiture de Joe Biden et Kamala Harris. Assis à l’écart, soigneusement respectueux de la distanciation, voûté comme le grand-père du Vermont qu’il est Bernie mettait bien en évidence les moufles qui protégeaient ses mains du froid washingtonien.

Il n’a pas fallu longtemps pour que la photo envahisse l’Internet et que l’histoire des moufles fabriquées par une habitante de l’état de Bernie à partir de récupération de polaires et envoyées au sénateur se répande.

Cela ne pouvait échapper à la sagacité de Naomi Klein qui a tenté d’en extraire la substantifique signification politique dans un article de The Intercept.

Elle y voit au moins cinq interprétations possibles.

1-Les moufles comme témoignage d’une réserve.
La posture de Bernie à l’écart de la foule ne manifeste pas un boycott. Personne autant que lui n’a voulu l’éviction de Donald Trump. Il a tout fait pour obtenir ce résultat. Mais il n’est pas dupe de la célébration de l’unité inter-partisane fabriquée par les élites. A la différence des tenues chics de Jill Biden et Kamala Harris les moufles artisanales leur disaient « nous attendons de voir ce que vous aller faire ».

2-Les moufles comme un avertissement.
Au-delà de la distance manifestée les moufles pourraient aussi leur rappeler, maintenant que Bernie est devenu une des personnes les plus puissantes du Congrès en président de la Commission des Finances du Sénat, de tenir les promesses de transformations attendues par le pays sous peine de subir les conséquences.

3-Les moufles comme la conscience des « progressiste » (traduite ici le mot « liberals » n’est pas simple).
Le succès de l’image des moufles a dépassé la base de Bernie et atteint la frange de ces progressistes qui avaient tendance à moquer la dangereux socialiste du Vermont et le trouvent tout à coup adorable avec ses si mignonnes moufles.

4-Les moufles comme témoignage de classe.
Alors que les familles du président et de la vice-présidente habillées par des couturiers de renom se répandent dans les magazines de mode Bernie manifeste avec son manteau ordinaire et ses mains confortablement protégées l’enracinement dans la réalité du peuple.

5-Les moufles comme expression de la force du mouvement.
A peine Bernie assis sur sa petite chaise que le déferlement a commencé sur l’Internet manifestant, plus que l’hymne national à grand spectacle de Lady Gaga, la présence et la force des idées majoritaires dans l’électorat Démocrate et au-delà : L’assurance santé universelle, l’annulation de la dette étudiante, etc…

Et maintenant j’ai un peu plus chaud aux mains.

Des images difficiles à organiser

Le hasard du zapping me place devant France Info ce matin. Edition spéciale de monstration de la cérémonie en hommage aux victimes du massacre de la basilique de Nice.

Les choses tardent et la commentatrice finit par avouer la vérité : « … ce sont des images difficiles à organiser… ». La vérité sort innocemment de la bouche de la personne censée faire le compte-rendu d’un événement solennel et fraternel. Il ne s’agit pas de communion mais bien de communication.

Sommes-nous définitivement macronisés?

A quand les produits alsaciens ou portugais?

Notre excité ministre de la police veut interdire tout ce qui ne lui plait pas, inspiré par le maître de l’Elysée.

Ce gouvernement et le parti du président ressemblent de plus en plus à une secte dirigée par un gourou haineux.

Mon épouse alsacienne et mes petits-enfants doivent-ils s’inquiéter bientôt ne plus pouvoir trouver de produits alsaciens dans leurs magasins et mon vendeur portugais de légumes doit-il s’inquiéter?

Les enjeux de droits humains de l’élection du 3 Novembre aux Etats-Unis d’Amérique.

Trois lignes directrices guident ce texte.

  • Notre information est-elle suffisante? Nous souffrons généralement d’un déficit d’information qui est chronique dans notre monde sursaturé de communication où le spectaculaire et l’immédiat est privilégié par des médias gourmands de l’audience qui assure leurs moyens d’existence. Dans le cas des Etats-Unis d’Amérique où la densité des faits est intense la vue détaillée demande un effort important de temps et d’énergie sans lequel nous manquons une partie de la vérité. Il est donc utile non pas de chercher une illusoire exhaustivité mais de donner une vue suffisamment large pour être cohérente, de couvrir suffisamment le paysage pour lire sa signification.
  • Notre capacité à interpréter et comprendre repose sur la connaissance du contexte. Sans cette connaissance nous interprétons spontanément, implicitement et à notre insu des informations souvent déjà parcellaires à l’aune de notre propre environnement ce qui nous mène inéluctablement à des approximations sinon des erreurs. Ces déficits me semblent être constitutifs même s’ils ne sont guère évitables d’un réel problème de droit à l’information. Un minimum d’information et de réflexion sur le contexte et sur les différences entre notre monde quotidien et celui des faits évoqués devient nécessaire.
  • Les faits isolés, aussi graves et scandaleux que soient chacune des actions décrites, s’accumulent dans le temps et leur signification dépasse celle de leur simple accumulation. D’une part la répétition des violations des droits induit une habituation des esprits. D’autre part les modifications réglementaires, procédurales, voire légales qui sont mises en place construisent un édifice plus ou moins cohérent qu’il est de plus en plus difficile de déconstruire ensuite. Les atteintes aux droits humains deviennent ainsi moins visibles, s’oublient et tendent à s’incruster dans les pratiques. La mise en perspective dans le temps permet de dépassionner le débat et de considérer l’ampleur et l’acuité du problème.

Contextualisation de la problématique.

Les systèmes juridiques sont divers, leur appropriation par la population aussi.

La tradition juridique britannique.

Les  Etats-Unis d’Amérique sont un pays de création récente (Déclaration d’indépendance : 4/07/1776 -il y a 250 ans) fondé sur un texte, la Constitution, fait pour être efficace et dont la compacité révèle souvent un caractère vague ouvrant lieu à interprétation et dans lequel chacun est tenté de lire le miroir de ses propres convictions.

Mais plus encore ce pays, fier de sa guerre d’indépendance conserve dans son imaginaire, comme nous français à notre manière, l’idée d’avoir été l’inventeur de la démocratie moderne. Illusion dont le travail en Education aux Droits Humains nous rappelle la vanité. Non seulement la marche de l’humanité vers l’égalité et le respect des droits des personnes vient de bien plus loin. D’ailleurs à strictement parler la première république représentative élective du monde moderne a été créée avant même l’indépendance des Etats-Unis d’Amérique et a fortiori avant la Révolution française. Qui se souvient où et quand?

Est-ce le besoin de remplacer une longue Histoire par la force des textes? Ce pays est également habité par une bigoterie  juridique et une sacralisation de son texte constitutionnel fondateur qui confine au religieux. Le Premier Amendement de cette Constitution, sans doute sa composante la plus souvent invoquée, garantit le libre droit d’expression et fait partie de l’ensemble de la définition des droits des habitants (Bill of Rights) adoptée très tôt. Il contribue à cette idée du pays des Hommes Libres. L’expression « Land of the free » est passée dans le langage quotidien pour nommer le pays.

Assez typique de la tradition juridique britannique est la manière dont cet amendement initialement pensé pour cadrer les lois formulées par le Congrès fédéral s’est appliqué ensuite aux états constitutifs de l’Union. La jurisprudence de la Cour Suprême a progressivement étendue son application en utilisant les dispositions d’un autre amendement (le quatorzième) consécutif  à la guerre de sécession qui précise les droits des citoyens et en particulier les règles de bonne procédure (due  process). Ces dispositions, Premier Amendement et « Due process » se retrouvent d’ailleurs encore au cœur de batailles judiciaires actuelles.

La tradition juridique britannique prend son origine avec la Conquête de l’Angleterre (et non la Grande-Bretagne) par Guillaume le Conquérant en 1066. Si notre imaginaire historique qui s’est nourri de la littérature de Walter Scott ou Stevenson a retenu la nom de Normands pour les vainqueurs qui accablent le bon peuple saxon au temps de Robin des Bois c’est un système de droit français que Guillaume a importé. Il l’a appliqué au traitement des affaires concernant l’aristocratie française (venue majoritairement de Normandie) qu’il a mis aux commandes du pays en même temps qu’il a construit un autre système judiciaire pour le peuple. Ce système reprenait les principes du droit coutumier antérieur et constitue la base de ce qui sera ensuite connu sous le nom de Common Law et va devenir la matrice de la doctrine juridique dominante de tout le monde anglophone par le biais de l’Empire. Le droit continental européen dans des pays qui se structurent progressivement autour des systèmes monarchiques, des églises et de zones linguistiques différenciées évolue de son côtés en intégrant les particularités locales pour aboutir à des systèmes de droit assez spécifiques des territoires et liés  au pouvoir de l’état local. Tocqueville a caractérisé la différence entre ces deux philosophies juridiques. Il écrit « …le légiste anglais ou américain recherche ce qui a été fait, le légiste français ce qu’on a du vouloir faire; l’un veut des arrêts, l’autre veut des raisons« . La logique dominante de la Common Law est horizontale, réticulaire et fait évoluer le corpus de règles par la jurisprudence. Le droit continental européen a tendance à la verticalité et est naturellement plus rigide.

La Constitution des Etats-Unis d’Amérique évolue assez facilement par amendements même si le processus est lourd et nécessite à la fois une majorité des états et des majorités qualifiées au Congrès et dans une Convention spécifique. La constitution du Royaume-Uni n’est que partiellement écrite. Les français n’ont pas d’autre moyen que de guillotiner des constitutions quand leur contenu arrive à l’expiration de sa pertinence.

Le droit de tradition britannique évolue naturellement par la jurisprudence au fil du temps. Le tribunal majeur des des Etats-Unis d’Amérique, la Cour Suprême  (SCOTUS pour Supreme Court of The United States de son nom familier) joue alors un rôle essentiel dans la vie politique. Il peut même se trouver dans une situation contradictoire : dire la loi mais aussi de fait la faire alors que ceci devrait être la prérogative du Congrès élu. La dialectique entre l’horizontalité et la verticalité recoupe en partie celle du droit privé et du droit public. Finalement les deux types de systèmes coexistent dans tous les pays avec des points d’équilibre différents. Les pays de traditions britanniques restent marqués par la tradition de la Common Law. Les pays européens par la tradition nationale avec un Droit Français différent du Droit Allemand, etc…

J’ai retrouvé une trace de cette distinction à mon étonnement dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Je n’avais jamais accordé d’importance particulière à son préambule que je lisais comme un passage préliminaire obligé plus que pour sa signification. La comparaison de la version anglaise et de la version française montre une différence signifiante (à mon avis). Le troisième paragraphe proclame la nécessité que les droits humains soient protégés par le Droit. La version anglaise écrit « …by THE rule of law ». la version française  « …par UN régime de droits » (les majuscules sont de mon fait). L’usage de l’article défini du texte anglais suppose l’universalité de la loi alors que la formulation française prend acte que les systèmes de droits sont divers. Je n’ai pas cherché à vérifier les quelques 520 traductions. Le texte allemand semble aligné sur la version anglaise, les textes espagnol et italien sur la version française. L’intention du texte anglais peut difficilement être mise en doute. L’anglais était la langue de travail de la commission présidée par Eleanor Roosevelt. De même la présence parmi les membres de René Cassin garantit la conformité du texte français.

La dialectique états-gouvernement fédéral.

Si la force du sentiment national ne fait pas de doute la division du pays en deux échelons de pouvoir et d’administration recoupe un fond libertarien présent depuis la guerre d’indépendance. Il nourrit l’idée que le gouvernement central serait par nature illégitime et parasite, idée toujours présente. Cette situation fournit aussi la  possibilité qu’un étage de la hiérarchie contredise réglementairement et législativement l’autre. Les états ont leurs lois, le gouvernement fédéral les siennes. Les définitions des périmètres entre parfois en conflit.

La Constitution et les élections.

Le texte fondamental, parole d’évangile quasi religieuse pour beaucoup, spécifie un certain nombre de conditions du processus électoral.

Quand.

D’abord la date : le premier Mardi qui suit le premier Lundi de Novembre. Les raisons sont anecdotiques et sans grand intérêt. Dans un pays du début du dix-neuvième siècle largement  rural deux jours de carriole pouvaient être  nécessaires pour aller voter à la ville. Le milieu de l’automne moins chargé en travaux agricoles s’imposait. L’observance religieuse majoritaire interdisait le Dimanche et les jours adjacents de même que le premier jour de Novembre. Va pour le premier Mardi. Plus de deux cents ans plus tard un jour de semaine, travaillé peut constituer un obstacle. Le débat est d’ailleurs en cours pour en faire un jour férié. Il y a donc un « Election Day » chaque année. Les années impaires ne sont organisées que des élections partielles (special elections) et les élections locales régulières dans quelques états. Tous les quatre ans (millésime divisible par quatre) on élit le président et son vice-président. Tous les deux ans on élit la totalité des 435 membres de la Chambre des Représentants  (House of Representatives, dans le langage courant « The House ») et environ un tiers des 100 sénateurs élus pour six ans. Lors de la même élection et sur le même bulletin ou dans la même session sur une machine électronique sont choisis nombre de responsables locaux : maires, sheriffs, juges, etc…

Ce regroupement des différentes élections sur un même bulletin provoque un effet en cascade connu sous le nom de « down-ballot ». Si un électeur choisit un bord au sommet, sur le ticket présidentiel, il a tendance suivre le même côté pour les désignations de rang inférieur. Ainsi l’impopularité supposée de Donald Trump pourrait mettre en danger des sénateurs ou des maires Républicains en compétition dans des états incertains. Et réciproquement.

De plus en plus souvent s’ajoutent au scrutin des référendums sur le périmètre des états. La dépénalisation de l’usage du cannabis et sa libéralisation par exemple sont souvent passées par ces consultations.

Le recensement.

La Constitution fait du recensement décennal des habitants, et non des citoyens détenteurs de la nationalité, une obligation incontournable. Les données issues du recensement ont deux usages à implication politique. Elles servent à allouer les subsides fédéraux aux territoires et à répartir les élus à la Chambre dont le nombre total est fixe (435). Le recensement, sous la responsabilité du ministre du Commerce, prend ainsi un poids politique important. D’autant plus que le nombre des grands électeurs de chaque état pour l’élection présidentielle est calculé à partir du nombre des députés (representatives).

L’organisation des élections.

Si la Constitution spécifie la date de tenue des élections elle donne aux états la responsabilité de leur organisation et de la certification des résultats. Les procédures peuvent ainsi varier assez largement, sur les délais de vote anticipé, sur les modalités de vote par correspondance ou par procuration, voire sur les interdictions de voter. Après le recensement ont lieu les opérations de mise à jour des cartes électorales dans chaque état également. Elles peuvent être le fait de la législature de l’état, de commissions mixte bi-partisanes ou de commissions indépendantes. Les résultats de l’élection présidentielles sont confirmés par le gouverneur de chaque état et communiqués au niveau fédéral. Le processus électoral et son financement sont sous le contrôle de la Federal Election Commission (FEC) qui ne se réunit plus faute de quorum, aucun membre Démocrate n’ayant été nommé par le président et confirmé par le Sénat.

 

Le Collège Electoral.

L’élection du ticket présidentiel est bien le fait du peuple des citoyens des états auquel s’ajoute celui du District de Columbia (Washington la ville capitale fédérale) mais dans un processus à deux niveaux. Le jour de l’élection sont élus des grands électeurs qui se réunissent le premier Lundi qui suit le second Mercredi de Décembre dans la capitale de leur état. Ce Collège Electoral  est constitué selon une règle de base : autant de grands électeurs que de représentants au Congrès, Chambre des représentants et Sénat. Bien que n’étant pas un état de plein droit le District de Columbia a été ajouté à la liste. Il possède un représentant qui a voix consultative au Congrès et on applique l’Amendement qui spécifie qu’aucun territoire ne peut être représenté par moins que l’état qui a la plus petite représentation. Cette plus petite représentation est par exemple celle du  Wyoming avec 1 représentant + 2 sénateurs. Au total le Collège Electoral compte donc 435 membres comme la Chambre des représentants auxquels s’ajoutent les 100 sénateurs et les 3 élus de Washington (la ville capitale). Le mandat est en principe impératif. Les grands électeurs doivent bien voter pour le candidat du parti qui les a désignés. En 2016 une poignée « d’électeurs infidèles » ont choisi de ne pas respecter la consigne (des deux côtés). Les sanctions dépendant de la législation de l’état impliqué elles ne sont pas identiques dans tous les cas et se limitent dans la pratique à es amendes. Le total de 538 a servi de modèle à Nate Silver, spécialiste de la statistiques électorale (et pas seulement) pour nommer son site Web : http://fivethirtyeight.com/. La majorité absolue est requise soit 270 voix. Cette règle de majorité absolue s’applique à la composition théorique du Collège même si par accident certains ne sont pas élus.4

Carte du Collège Electoral avec représentation des états proportionnelle à leurs nombre de grands électeurs.

Carte réalisée par Daniel Donner pour DailyKos  (https://dkel.ec/map) est publiée sous la licence Creative Commons Attribution 4.0 International License. Elle peut être librement reproduite aux conditions de la licence : citer la source et diriger vers le lien.

DistortEC10labels

 

La Poste.

Que vient faire La Poste dans un article sur les enjeux de l’élection? La mission d’acheminement et de distribution du courrier est définie comme constitutionnelle par un très court paragraphe qui ne précise pas les modalités. Cela n’interdit évidemment pas l’existence d’entreprises privées de distribution mais il est de la responsabilité de l’état fédéral en dernier recours que le service soit  assuré. Etant donné le rôle important et croissant du vote par correspondance le service postal (United States Postal Service qui rappelle quelque chose aux amateurs de cyclisme : Lance Armstrong) le bon fonctionnement du service postal est un garant de la régularité des élections.

Les atteintes au droit de vote dans la campagne en cours.

Le Parti Républicain est à l’assaut du système électoral depuis maintenant plus de dix ans. Cette offensive est sans doute motivée par une angoisse ayant sa source dans l’évolution démographique du pays.

La démographie électorale.

La définition exacte des catégories ethniques utilisées par le bureau du recensement (Census Bureau) a variée plusieurs fois au cours de dernières années. Ceci s’ajoute au recouvrement entre les catégories pour induire des approximations et des difficultés de comparaison d’une année à une autre. L’évaluation des grandes tendance n’en est pas moins claire.

Sur un pays d’environ 330 millions d’habitants la population réputée « blanche », c’est-à-dire caucasienne d’ascendance européenne, représente environ soixante pour-cents (60%). Elle vote majoritairement Républicain mais l’étude fine fait apparaître des différences dans le comportement électoral. Les hommes votent plus pour le Parti républicain. Ce vote se retrouve en raison inverse du niveau d’étude. En fait et dans tous les cas moins on est diplômé plus on vote Républicain et moins on vote comme le montre le « Election Project » de Michael McDonald.

Les noirs (African-americans) constitue environ dix-sept  pour-cents (17%) de l’ensemble. Ils votent assez massivement Démocrate. Le dynamisme démographique de cette catégorie est supérieur à celui de la précédente.

Les Hispaniques (attention à la définition de cette catégorie qui a varié) concentre les personnes de culture hispanique car venant d’Amérique Latine d’où le nom de Latinos. Une proportion importante est d’ascendance amérindienne. Elle compte pour environ treize pour-cents (13%) du total. Elle vote majoritairement Démocrate, sauf le groupe de Floride qui concentre les exilés cubains, mais en moindre proportion que la catégorie précédente. Son dynamisme démographique est supérieure à celui des blancs mais il baisse plus que celui des autres catégories (données du Pew Research Center). De plus son intégration progressive a pour résultat qu’au bout de quelques générations elle ne se distingue plus de la moyenne du pays même dans son comportement électoral.

La population originaire d’Asie ou des îles du Pacifique connait le plus grand dynamisme démographique et compte pour environ sept pour-cents. Elle vote majoritairement Démocrate. Elle a fait une entrée remarquée dans le jeu politique national avec la candidature d’Andrew Yang à la primaire Démocrate bien que cet entrepreneur fils de natifs de Taiwan ne soit pas très représentatif de la masse de l’immigration asiatique.

Enfin les amérindiens (Native americans) sont réduits à la portion congrue avec un peu plus d’un pour-cent (environ 1,5%) du total. Leur comportement électoral est peu étudié et leur nombre ne leur permet pas de jouer un rôle important en tant que groupe. Par ailleurs le statut des tribus qui ont passé des accords avec le gouvernement fédéral est particulier, parfois juridiquement extraterritorial.

La sociologie électorale.

Les cartes électorale, démographique et électorales du pays se recoupent assez largement. Des cotes très peuplées, un centre rural beaucoup moins habité. La population noire se trouve dans les zones urbaines et péri-urbaines et peu dans les états ruraux. La remontée vers le Nord de la population hispanique est visiblement très lente et progressive. Les espaces ruraux sont des places-fortes Républicaines. Les centres urbains sont électoralement partagés et les zones péri-urbaines le terrain de la reconquête Démocrate. L’ancien MidWest industriel a donné la victoire à Donald Trump en 2016 (Michigan, Wisconsin, Pennsylvanie) sur un fond de désindustrialisation et de délocalisation. Par contre après la victoire initiale de Barack Obama les Républicains ont réussi à stabiliser à leur avantages les anciens états bascules de l’Ohio ou de la Floride.

REDMAP, la reconquête Républicaine.

La première grande alerte pour le Parti Républicain tombe en 2000 quand il faut le coup d’arrêt par la Cour Suprême au recomptage des voix dans un comté de Floride pour donner la victoire à Georges W. Bush. Il a recueilli moins de voix au total que le vice-président sortant Al Gore. La décision de lancer une offensive majeure sur le plan électoral ne viendra cependant qu’après l’élection de Barack Obama. Outre la portée symbolique de l’élection du premier président noir qui va contribuer à réchauffer  les vieilles haines endormies depuis les années des Droits Civiques la dynamique démographique s’impose. Si l’on projette les tendances en cours il devient clair qu’autour de 2040 les « blancs » seront minoritaires. Ils auront perdu la majorité absolue dans le « pays des Hommes Libres ».

Constatant la situation et dans la cadre de la légalité des lois électorales le Grand Old Party (GOP : le Parti Républicain) monte donc en 2010 un  projet, … technologique dont il a publié le bilan après les élections de 2012. L’opération est nommée REDMAP pour REDistricting MAjority Project. Il s’agit de redessiner la carte (MAP) des circonscriptions (districts) pour la recolorier en rouge (RED) qui est la couleur symbolique du parti. L’opération se déroule sur plusieurs niveaux. Il s’agit à la fois de diriger les ressources disponibles là où elle seront les plus efficaces mais surtout de prendre le contrôle par l’élection de notables locaux du maximum d’instances opérantes dans le dessin des cartes électorales afin de façonner des circonscriptions favorables. La mécanique du charcutage électoral est connu de longue date. En France Charles Pasqua s’y était illustré mais de manière empirique. le projet REDMAP met en œuvre les moyens informatiques modernes de cartographie et de simulation pour fabriquer des circonscriptions très massivement Démocrates (des sortes de ghettos d’électeurs Démocrates) où seront « gaspillées » un maximum de voix puisque toute voix au-delà de la majorité est au bout du compte une voix inutile du point de vue du rendement électoral. De ce point de vue la Californie est un immense ghetto électoral Démocrate. L’autre option consiste à rattacher à une circonscription solidement Républicaine une zone à majorité Démocrate. Par exemple en déplaçant des quartiers péri-urbains ouvriers vers un district rural. Dans le même calcul cynique une voix non-majoritaire est une voix inutile. Le résultat fabrique des cartes électorales au découpage intense et sans justification géographique. Les catégories sociologiques et ethniques corrélées avec les statistiques électorales permettent de réaliser ces ajustements avec une efficacité suffisante pour que le GOP reconquière le Congrès à partir de 2013 et prive définitivement Barack Obama de la possibilité de gouverner autrement que par décrets présidentiels. Cette technique (gerrymandering) de façonnage à son avantage des cartes électorales qui aboutit à faire élire un député d’un camp par moins de voix qu’un député de l’autre est-elle une atteinte au droit de vote?

Les logiciels de cartographie électorale sont d’ailleurs devenus plus courants, moins chers et plus accessibles depuis.

Les gouverneurs et les administrations Républicains des états ont aussi profité de la connaissance du terrain pour mettre en place en parallèle des mesures limitant l’accès au vote de secteurs géographiques, sociologiques ou ethniques de la population supposés électoralement hostiles. Le plus connu et le plus spectaculaire en 2018 a pu être observé en Géorgie. Le secrétaire d’état de Géorgie, Brian Kemp, était candidat au poste de gouverneur. Dans sa fonction il était en charge de l’organisation de l’élection, donc à la fois juge et partie. Il ne s’est pas privé d’édicter des conditions rendant impossible à des catégories d’électeurs de voter. Son adversaire battue, Stacey Abrams est devenue une étoile montante du Parti Démocrate et une spécialiste du droit de vote. Mais ce n’était qu’un début.

Les attaques trumpiennes contre le droit de vote.

Avec Donald Trump les attaques contre le suffrage universel sont devenues monnaie courante.

Le vote par correspondance.

Avec la pandémie actuelle le vote par correspondance a pris une importance sans précédant. Il représentait déjà une part importante des suffrages exprimés. Plusieurs états, Oregon, Washington, Colorado votent entièrement par courrier. En 2020 s’y ajoutent Hawaï et l’Utah. La définition précise de ce qu’est un vote par correspondance n’est pas exactement la même que la nôtre mais le principe reste. La motivation principale avouée des états se trouve dans le désire de renforcer la participation dans un pays qui classiquement vote peu. Sur les 230 millions d’électeurs  potentiels en 2016 seulement 138 millions ont voté soit soixante pour-cents (60%). L’économie réalisée sur l’organisation des élections a depuis été confirmée et a pu jouer un rôle dans l’évolution.

Il n’existe à ce jour aucune étude détaillée qui montre de manière décisive que ce mode de scrutin favorise un parti politique mais des indices montre une appétence des électeurs Démocrates pour le vote anticipé et le vote par correspondance. Donald Trump a étonné quand il s’est lancé dans une véritable croisade contre le vote par correspondance cette année, prétendant y voir la mère de toutes les fraudes. Il rêve de millions de bulletins frauduleux imprimés dans de sombres officines et injectés par de vénéneux agents dans des urnes peut-être suspectes. Il a même commencé cette campagne de dénigrement sans comprendre qu’il faisait une confusion entre différentes catégories de votes (absentee voting et mail voting). Le Parti Républicain étant maintenant largement incapable de critique envers son  leader -quoi qu’il arrive leurs sorts sont liés-  a souvent repris la balle au bond et les initiatives locales tendant à limiter, empêcher ou peut-être pire discréditer ce mode de participation se sont multipliées.

Le plus ancien des états à avoir pris le virage, l’Oregon, pratique depuis  2000. Sur les 19 ans passés plus de 200 millions de votes oint été émis. On a traité 15 cas de fraude avérée, soit 0,0000075%.

La Poste.

Effet secondaire inattendu de la défiance trumpienne vis-à-vis du vote par correspondance il s’est ensuite attaqué au service postal. La privatisation de l’USPS est une vieille lubie Républicaine rendue difficile par la constitutionalité de la mission (de service public) et la popularité de l’entreprise qui est de plus assez fortement syndiquée. Depuis plusieurs mois et l’arrivée de Mark Meadows pour diriger le cabinet (Joint Chief of staff) à la Maison-Blanche les initiatives du président sont moins désordonnées et plus organisées. On a donc nommé directeur de la Poste (Postmaster General) un fidèle entre les fidèles, Louis Dejoy, gros donateur à la campagne électorale de Donald Trump. Cet homme est un riche entrepreneur qui a réussi dans la logistique. Le placer à la direction du service postal n’est donc pas si techniquement stupide malgré les cris d’orfraie poussés par pas mal d’opposants à propos de sa qualification. Le problème est clairement politique. Même Joe Manchin, sénateur en principe Démocrate de Virginie Occidentale s’est ému du fait que Louis Dejoy ne devrait pas être à la direction de l’USPS. Quand on sait que cette sorte de DINO (Democrat In Name Only) a voté pour la conformation à la Cour Suprême du violeur supposé Brett Kavanaugh on mesure l’étendue du scandale. Arguant des problèmes financiers loin d’être insurmontable de l’entreprise qu’il dirige il a donc commencé tout simplement à la détruire. Il a interdit les heures supplémentaires pourtant nécessaires à la réalisation de la mission et accéléré la mise au rebut, sans remplacement, de machines de tri, deux fois plus que les années précédentes. Un détail intéressant mérite d’être noté : en  plus d’être fortement syndiqués les employés de l’USPS sont en majorité non-blancs. Ce service est de tradition une source d’emplois pour la communauté noire. Les députés et sénateurs Démocrates ont repris la défense du service postal à leur compte et malgré les dénégations des dirigeants la situation semble s’être stabilisée autour de la promesse de ne pas faire défaut lors des élections et de livrer en temps utile pour les dépouillements la totalité des bulletins. La règle à respecter est simple : le cachet de la poste fait foi pour la date de vote et la limite pour la réception est fixée par les états (deux ou trois jours après Election Day en général). Le nombre de bulletins par courrier attendus cette année fait que nous sommes certains que des états seront encore dans l’incertitude le soir du 3 Novembre et que la proclamation de résultats précoces incomplets ensuite démentis est très probable. Ces incertitudes font aussi partie de la tactique trumpienne qui consiste à semer le doute et le chaos et faciliter ainsi des décisions éventuellement brutales et aventureuses.

Donald Trump est aussi affecté d’un syndrome postal particulier. L’USPS est le principal transporteur des paquets pour Amazon. Or le propriétaire d’Amazon, Jeff Bezos est devenu pour Trump un homme à abattre. On peut y voir deux raisons. Bezos est le propriétaire du Washington Post, journal qui eut son heure de gloire au temps du scandale du Watergate et s’est refait récemment une image, en partie usurpée à mon avis mais peu importe, comme média critique du président. Par ailleurs Jeff Bezos, « homme le plus riche du monde » est l’image même de l’homme d’affaire qui a réussi soit le contraire du président. Cela suffit sans doute à provoquer sa colère.

Les ballot drop box.

Une pratique courante peut nous sembler étrange voire dangereuse. Une forme annexe de vote par correspondance permet de déposer son bulletin non pas au service postal ou à un bureau de vote mais dans une « drop box », sorte d’urne, scellée, sécurisée et surveillée installée dans un endroit accessible au public avant le jour du vote. Ici encore la bande à Donald a crié au loup. Des gouverneurs Républicains ont tenté de limiter le nombre de ces urnes. Au Texas le gouverneur Greg Abbott a décrété : pas plus d’une par comté. La bataille judiciaire est remontée jusqu’à la Cour Suprême qui lui a donné raison. En Californie, état qui vote outrageusement  Démocrate, des élus locaux du GOP ont tenté autre chose. Ils ont installé des « drop box » irrégulières que les autorités de l’état ont fait enlever. Autrement dit des élus ont carrément fait une tentative de sabotage du scrutin. De la même manière  Donald Trump a incité ses partisans à voter deux fois : une fois en personne et une fois par correspondance. La multiplicité de ces tentatives visant à discréditer les opérations de vote et donc à supprimer des voix semble montrer que l’objectif actuel de leurs auteurs n’est plus de gagner une élection qu’ils savent perdue mais de suffisamment la mettre en doute pour la gagner, en fait la voler, au tribunal ou pire dans une situation de désordre sans autre issue qu’autoritaire.

Les menaces physiques sur les bureaux de votes.

A plusieurs reprises Donald Trump a envisagé d’envoyer les forces de l’ordre, armée ou police, dans les bureaux de vote pour contrôler la régularité des opérations d’une élection dont il dit qu’il ne peut pas la perdre sans que ses adversaires ne trichent. Il est allé plus loin en encourageant ses supporters à faire de même pour aller faire régner l’ordre, éventuellement manu-militari dans les bureaux. Quelques uns ont mis en doute la constitutionalité de la présence d’hommes armés dans les bureaux de vote. Ce point ne sera évidemment pas tranché avec le 3 Novembre car il ne peut l’être qu’avec un jugement sur des faits. La dégradation de la situation civique peut se mesurer à ces paroles d’un président en exercice, garant ultime de l’honnêteté du processus démocratique.

Le vote anticipé.

Si la date du jour d’élections est fixée par la Constitution des contournements sont en place de longue date. Au fil des années 2000 la possibilité de voter avant la date, avec ou sans raison particulière s’est développée. de quelques jours à près de deux mois cette période permet de voter en se rendant dans des bureaux de vote spécialisés dès l’ouverture de la période de vote anticipé (early voting). Cette disposition est particulièrement utile à tous ceux que le vote un jour travaillé handicape, en priorité des électeurs peu mobiles ou peu maîtres de leurs mouvement du fait des contraintes de leur poste. Quelques Républicains ont émis l’idée qu’il est non-constitutionnel de voter un autre jour qu’Election Day. Le principal contentieux en 2020 porte sur la durée de la période. Au vue des restrictions diverses et du danger sanitaire présentés par de longues files d’attente le jour de l’élection il a été demandé d’allonger la durée du vote anticipé. Comme on peut l’imaginer les demandes d’allongement émanaient du camp Démocrate et les refus d’en face.

 L’élimination des électeurs.

Un petit jeu connu sous le terme de « Voter Suppression » ne consiste pas à fusiller des électeurs par dizaines mais à rendre difficile l’accès au vote, d’abord en durcissant les conditions d’inscription sur les listes. Pour que cela soit politiquement efficace il est nécessaire d’identifier des populations supposées hostiles et de trouver des mesures susceptibles de les gêner. Dans un pays où imposer une carte d’identité passe encore souvent pour une atteinte aux libertés la demande de justification de son identité et de sa résidence à l’aide d’une pièce avec photographie a été une premières méthodes. Ce qui nous semble naturel ne l’est pas forcément pour d’autres. Naturellement les catégories les moins favorisées se trouvaient ainsi ciblées. Compliquer les procédures d’inscription de telle manière qu’il soit nécessaire de se déplacer, éventuellement plusieurs fois a aussi été utilisé dès les primaires. Le cycle des primaires est organisé de la même manière et habituellement par les mêmes organismes que l’élection générale mais avec moins de bureaux. Il constitue donc une bonne répétition.

L’administration Trump a demandé à la justice d’interrompre prématurément les opérations de recensement qui vont servir de base à la nouvelle répartition des sièges parlementaires en 2021. Elle a finalement eu gain de cause mais le ministre du Commerce dont dépend le bureau du recensement s’est engagé à rendre publics les résultats quand ils seront remis à la Maison-Blanche. Le résultat de clôture prématurée et de l’élimination demandée des étrangers du nombre des habitants pris en compte dans les calculs pourrait aboutir à diminuer le nombre de députés pour les territoires à forte immigration.

Les délais d’inscription ont aussi été contraints. La pandémie a durci le conflit. En même temps il était plus difficile de se déplacer et les autorités prenait prétexte de la situation sanitaire pour limiter les lieux et les périodes d’inscription. Chaque état à direction Républicaine a mis en œuvre son propre cocktail de mesures.

Un des cas les plus exemplaires se déroule encore en Floride. En 2018 un référendum ajouté à l’élection est approuvé à plus de 60 % des votants. Il propose de rejoindre la majorité des états (une quarantaine sur cinquante) qui redonne le droit de vote aux condamnés de droit commun ayant purgé leur peine. Le gouverneur Républicain élu cette année-là, Ron De Santis,  commence par tenter de contester devant les tribunaux la validité de la disposition. Battu il doit se résoudre à promulguer la loi. Pour en attaquer aussitôt l’application. Il fait voter par les assemblées de l’état l’adjonction de l’obligation de rembourser toutes les dettes dues à l’état pour recouvrer le droit de vote. Dettes liées ou pas à la condamnation. Souvent il s’agit des frais de justice engendrés par les procédures. Il rétablit donc ainsi le suffrage censitaire. La mesure est contestée en justice. La suite de l’escalade des appels vient de se terminer. Le gouverneur a eu gain de cause malgré le double défaut de cette décision. Le vote ne peut pas être payant et tous les citoyens doivent être traités de la même manière. L’enjeu est majeur. Sans la Floride Donald Trump n’a à peu près aucune chance de gagner l’élection. La Floride était il y a peu un état-bascule qui tournait d’un côté ou de l’autre. Barack Obama l’a emporté deux fois. Les scrutins nationaux s’y  jouent à 100000 voix d’écart au plus sur plus de 13 millions de suffrages exprimés. Le nombre de personnes concernées par la mesure de restauration du droit de vote avait été évalué initialement à plus d’un million. Des études récentes et semblent-ils plus complètes ont ramené ce nombre à 770000 (sept cent soixante dix mille). Rien n’indique la proportion ce ceux-ci qui iront voter ni pour qui. Les Républicains ne veulent pas prendre le risque. Parmi les dernières péripéties de ce dossier des militants ont monté une organisation qui recueille de l’argent pour payer cette « poll tax » et redonner le droit de vote au condamnés libérés de leur peine. Le cotisant le plus célèbre à cette cause est le milliardaire Républicain passé Démocrate Michael Bloomberg qui  a annoncé y mettre 15 millions de dollars. Qui eût dit qu’un jour je féliciterais Michael Bloomberg? Rendons-lui justice : il dirige une des plus grandes et efficaces organisations militant pour le contrôle des armes à feu domestiques.

Une étude du Brennan Center évalue à 5 millions nationalement le nombre d’électeurs ainsi dépossédés de leurs droits.

Par ailleurs une partie des prisonniers en attente de jugement ou condamnés pour des délits mineurs (misdemeanors) ou incarcérés dans des prisons locales en général (tous les états sauf sept) ne perdent pas le droit de vote. Cependant l’administration pénitentiaire  -rappelons que les prisons sont largement privatisées- ne leur offre pas toujours la possibilité matérielle d’exercer ce droit. Ils ne le souhaitent pas toujours mais s’ils le faisaient leur nombre pourrait suffire à faire basculer l’élection. Les statistiques publiées ne permettent pas de connaître avec précision ce nombre.

Pour limiter la participation une des astuces les plus simples  consiste à diminuer le nombre de bureaux de vote, en particulier dans les quartiers à forte population non-blanche comme en Géorgie. La longueur des files d’attentes provoque la lassitude des votants et sous la pandémie met en danger leur santé.

Les efforts conjugués de Donald Trump et des Républicains convergent donc pour éliminer autant que possible des votes qui ne leur seraient pas favorables. La touche personnelle de Donald Trump consiste à apporter le chaos qui pourrait provoquer une situation totalement instable après l’élection. Ses partisans descendraient armes en main dans la rue et l’autoritarisme apparaitrait comme la réponse. Donald Trump pourrait invoquer l’Insurection Act pour faire intervenir l’Armée. Qu’il détruise ainsi le système démocratique, le règne de la loi, ne lui fait ni chaud ni froid.

Les attaques contre l’avortement et les droits des femmes.

Le droit à l’avortement a été établi par un arrêt de la Cour Suprême de 1973 : Roe versus Wade. Cette affaire est juridiquement complexe, longue et tortueuse, pleine de coups bas et de rebondissement. Cette année, avant de mourir, une des protagonistes a déclaré avoir été manipulée par des groupes anti-avortement pour témoigner. Sans entrer donc dans le détail le résultat est en fait ambigu. L’arrêt de la Cour a pour effet d’interdire aux états d’interdire l’action d’avorter sur le périmètre fédéral. La motivation juridique assez alambiquée de la décision est basée sur le droit à la vie privée. Par contre il n’interdit pas de définir des conditions sur les délais, les visites préliminaires, les conditions de l’environnement médical qui soient aussi dissuasives qu’imaginable. Une des dernières trouvailles à consisté dans certains états à obliger de donner un état-civil et une sépulture aux fœtus. Il n’est d’ailleurs pas exclu que si les Républicains gagnent ce cycle électoral les tentatives de faire entrer dans la Constitution la reconnaissance du fœtus comme personne humaine resurgissent.

La confirmation de la nomination de la juge Amy Coney Barrett étant à peu près inévitable le futur de la décision Roe v. Wade est plus qu’incertain. Au moins deux dossiers susceptible de faire basculer la cause sont en attente à la Cour. Les Démocrates auraient sans doute pu jouer la carte de l’obstruction pour retarder la confirmation jusqu’au 3 Novembre. D’obscurs points de règlements du Sénat à propos du quorum leur permettaient de saboter le travail de l’assemblée si tous, y compris Manchin, jouaient le jeu. Ils ont choisi d’utiliser les audiences à la commission juridique du Sénat comme  tribune électorale sans attaquer frontalement les opinions ou le passé de la juge Barrett. La manœuvre est manifestement concertée et la partition jouée collectivement. Plutôt apparaître comme des politiques qui préparent l’avenir que comme des rigolos fauteurs de trouble. Les plus étonnés semblent avoir été les Républicains  dont le président de la commission Lindsey Graham en campagne pour sa réélection. Il s’attendait à une promenade de santé et cela se révèle difficile. Tant qu’il est au Sénat il ne fait pas campagne sur son terrain et son parti dépense des millions en publicité télévisuelle alors que la levée de fonds de son adversaire, le jeune politicien noir Jaime Harrison, est phénoménale (il atteindra peut-être 100 millions de dollars, un record pour une campagne sénatoriale et une mesure de la démesure de la vie politique de ce pays).

Les dossiers qui pourraient mettre en danger l’arrêt Roe v. Wade sont soutenus par le ministère de la justice qui facilite leur escalade vers la Cour Suprême afin d’aboutir à un résultat de portée nationale. L’appréciation des juges de l’autorité de la chose jugée, de ce qui est et peut, doit ou pas rester « the law of the land », selon la formule consacrée, fera la différence. Ce sujet des précédents  sur lequel existent des appréciations diverses  a déjà causé des surprises à Donald Trump qui s’est dit déçu par certaines décisions des deux juges qu’il a lui-même nommés.

Sur l’avortement précisément Amy Coney Barrett a eu l’occasion de  s’exprimer dans le passé. Elle a publié de nombreuses contributions et donné de nombreuses conférences. Catholique elle a exprimé l’idée que les juges de sa religion puissent se désister des cas en question. Mais elle a bien précisé seulement si l’on juge l’acte d’avorter lui-même. S’il s’agit de juger des actes de facilitations, de logistiques, des actes périphériques alors le juge peut se maintenir.

Les attaques physiques sur les personnels impliqués dans la contraception et l’avortement sont devenues rares. L’administration a efficacement porté ses coups sur le versant financier. Dans la mesure où ils n’ont pas été en mesure de légiférer sur le sujet ils ont procédé par décrets et par modifications réglementaires pour retirer les financements fédéraux à toutes les organisations intervenant sur le terrain de la contraception dès qu’elles ne condamnent pas l’avortement même si les actions de ces organisations ne se déroulent pas sur sol du pays. Cette arme-là est d’une redoutable efficacité et prive parfois de soins ou de service hors des frontières des personnes qui sont totalement étrangères à la problématique.

Le droit à la santé.

Les efforts répétés des Républicains et l’acharnement personnel de Donald Trump pour abolir le système d’assurance-santé mis au point sous Barack Obama ont partiellement abouti. Le système est toujours là. Il est toujours « the law of the land ». Mais la fragile logique qui pouvait maintenir son équilibre financier a été détruite et il ne peut perdurer longtemps.

Rappelons en quoi consiste l’ Affordable Care Act (ACA alias Obamacare). Ce n’est pas un système public d’assurance santé, encore moins un système universel. La majorité des personnes assurées reste à ce jour couverte par une assurance privée contractée par l’intermédiaire de leur employeur. Par ailleurs existent plusieurs systèmes publics financés par des impôts (fédéraux et des états) dont les plus connus sont Medicare (qui couvre les plus âgés et quelques pathologies particulières) et Medicaid (qui couvre les plus pauvres). L’ACA vient offrir à ceux qui ne sont pas couverts la possibilité de souscrire à des assurances privées dans un cadre régulé et sous conditions. La conditions la plus connues, qui demeure et que les Républicains ont en partie seulement déconstruite concerne l’obligation de ne pas pénaliser les assurés pour les antécédents de santé (pre-existing conditions). Des ponts avec Medicare et Medicaid à établir dans les états permettent d’élargir la couverture. L’autre grande conditionnalités concerne les  personnes : il est obligatoire sous peine d’amende mais sans sanction pénale de s’assurer. Au final un peu plus de 10 millions de personnes restaient sans couverture sante. Pour que le système fonctionne durablement il est nécessaire que tout le monde joue le jeu et que les amendes pour non-assurance soient dissuasives. Le système semblait sur le chemin moyennant quelques ajustements de trouver un équilibre malgré sa complexité et le fait qu’il ne traite pas la tare fondamentale de l’organisation de la santé du pays : sa complexité effarante qui pèse sur les coûts (voir le site Commonxealth.org pour ceux qui sont intéressés). La pandémie a fait le reste. Le système a montré une étonnante résistance. L’administration Trump attendait une chute dramatique des inscriptions renouvelées chaque année à l’automne. On a vu une lente érosion causée par les hausses de tarifs induites par les mesures prises pour démolir la logique financière de l’ensemble mais pas une désertion massive et brutale.

La pandémie a fait le reste. La proposition d’un système d’assurance-santé public universelle proposé par la gauche autour de Bernie Sanders est plus populaire que jamais. Joe Biden ne l’a pas mise à son programme. Kamala Harris l’avait adoptée sans enthousiasme après un temps de réflexion lors de sa propre campagne des primaires. L’enfer se trouvant toujours dans les détails le problème majeur de la mise en œuvre d’un système comme « Medicare for All » réside dans la transition qui ne peut qu’être infernale et laissera des déçus au moins temporaires quand elle se réalisera quelle que soit la date.

La folle démagogie trumpienne promet depuis le début du mandat et encore ces derniers jours un système merveilleux qui prendra en compte les antécédents, coûtera moins cher, etc…Demain on rase gratis. Il n’en a évidemment aucune idée et s’il est réélu le pire est à craindre avec l’officialisation définitive de l’abolition en bonne et due forme de l’ACA.

L’assurance-santé figurait déjà au premier rang des préoccupations des électeurs et de toute la population avant la pandémie. L’emploi peut l’avoir rejointe et dépassée dans les angoisses populaires cela ne change pas l’importance du sujet.

La principale agence gouvernementale traitant de la santé le CDC (Center for Disease Control and Prevention) est connue comme une référence dans le monde entier. Le président a nommé des politiques sans passé dans la santé à sa direction  dans un effort pour museler les scientifiques. Encore une fois la destruction de la parole indépendante a le double effet de compromettre l’efficacité de lutte contre la pandémie et la confiance dans les institutions.

Les droits des immigrants.

Donald Trump n’a jamais caché le racisme qui l’anime. Mis en évidence lors de l’affaire des « Cinq de Central Park » quand il a demandé que ces hommes innocentés par des aveux et une preuve ADN soient exécutés. Dès le début de sa campagne en 2015 il s’est déchaîné contre un juge qualifié de « mexicain » alors que fils d’immigrants il est né sur le territoire. Ce juge avait le tort d’instruire le dossier de l’escroquerie de la « Trump University ».

La tendance s’est incarnée physiquement dans le Mur Trumpien, le Grand Œuvre du mandat quelque peu malmené par la réalité des faits et les difficultés de toutes sortes, financières, juridiques (les expropriations) ou techniques.

Mais si le Mur symbolise la politique trumpienne vis-à-vis des migrants elle va bien au-delà. Elle s’appuie sur des éléments existants de longue date comme le montre une chanson du groupe Drive-By Truckers qui évoque le meurtre en 1931 d’un jeune immigrant par un officier de la Border Patrol qui allait devenir l’opérateur de la transformation de la NRA en organisation de masse extrémiste. Cette police de la frontière choyée par le président est devenue une de ses armes favorites et un repaire de l’extrême-droite. Il semble que ses unités fassent partie de celles que l’on envoie contre les manifestants des villes de l’intérieur, sous prétexte de recherche de migrants illégaux. Il est difficile de s’en assurer quand ces soldats ne portent pas d’insignes comme on l’a vu dans les rues de Portland.

On a vu les enfants séparés de leurs parents dans les camps de la frontière et l’administration incapable de les réunir même pour les expulser.

On a vu des familles enfermées sans durée et sans recours judiciaire.

On a vu ces enfants enfermés dans des cages, sans matériel sanitaire, même sans brosse à dent.

On a vu des migrants interdits de bénéficier des prestations publiques d’assistance sous peine de perdre leur droit à la demande d’asile et être expulsés.

On a vu  avec la pandémie des expulsions massives qui jettent les familles à la merci des groupes du crime organisé au Mexique et transportent le virus de l’autre côté de la frontière.

On a vu les défenseurs des migrants comme Scott Warren de l’organisation No More Death (Pas plus de morts) qui dépose des vivres et de l’eau dans le désert poursuivis en justice. Ce Cedric Herrou texan a finalement été acquitté.

Les droits des immigrés, un cas particulier : les Dreamers .

Un groupe particulier est connu sous le nom de « Dreamers » d’après l’acronyme du nom d’un projet de loi jamais abouti. Proposé sous Barack Obama par deux sénateurs, un de chaque bord ce projet prévoyait un chemin de naturalisation pour les personnes entrées mineures sans papier sur le territoire, typiquement des enfants venus avec leurs parents. L’administration Obama dépourvue par la reconquête Républicaine du Congrès de la capacité de passer des lois a du se contenter de décrets présidentiels (DACA) pour mettre en place des procédures permettant de différer les expulsions et permettre à ces jeunes gens de travailler légalement. Leur cas constitue une bombe à retardement jamais désamorcée et un objet de chantage entre les partis politiques. Le cas de ces générations de personnes intégrées dans le pays est plutôt populaire comme l’indique le caractère bi-partisan du projet initial.

Le cas des Dreamers montre que l’immigration reste une constante de la vie du pays à laquelle aucune réponse brutale et absolue n’est pertinente.

Les abus de pouvoir et dérives autoritaires de Donald Trump.

Cette liste n’est jamais complète à notre plus grand étonnement. Voici sans ordre particulier.

Les abus de la grâce présidentielle.

Dès le début du mandat Donald Trump s’est amusé à abuser de ses gadgets présidentiels dont le droit de grâce. Il n’a pas seulement pardonné à ses amis proches ou aux auxiliaires de sa campagne. La proximité idéologique suffisait si on pense à l’idéologue d’extrême-droite Dinesh D’souza ou au shériff Joe Arpaio poursuivi pour le comportement raciste de ses services.

L’instrumentalisation du Ministère de la Justice.

L’utilisation du ministère de la Justice (Department of Justice, DOJ) a pris des proportions inimaginables. Au début du mandat Jeff Sessions, sénateur de l’ Alabama connu pour des positions  extrême en matière de race et d’immigration est nommé Attorney General. Ayant fréquenté l’ambassadeur russe pendant la campagne électorale de 2016 il se récuse de toutes les affaires concernant la Russie, en particulier l’enquête sur les complicités avec la campagne Trump. A partir de ce moment le président ne cessera de le critiquer publiquement comme un traître à sa cause. Sur tous les autres sujets dont la construction du Mur Trumpien à la frontière sud il sera un fidèle serviteur. La défaite aux élections parlementaires de 2018  aura raison de lui. Contraint à la démission il est remplaceé par William Barr, en apparence plus présentable. Il a déjà occupé le poste sous Bush père. Il sera jusqu’à ce jour le fidèle exécuteur des basses œuvres de son patron. Sa dernière trouvaille consiste à demander à son ministère d’abandonner les poursuites contre Mike Flynn, ancien collaborateur de Donald Trump qui a reconnu être coupable de mensonge au FBI (qui fait partie de l’administration de Barr) et attend sa condamnation. Ainsi le ministre désavoue deux fois ses services : le FBI et les juges qui ont condamné.

Les troupes de chocs contre les manifestants.

Le ministère de la justice est aussi en charge des opérations de maintien de l’ordre. William Barr couvrira donc, entre autres, l’envoi de troupes sans signes distinctifs dans les villes après la mort de Georges Floyd et leurs agissements. Ces troupes ont enlevé des citoyens dans des véhicules banalisés, utilisé au moins à Portland (Oregon) des gaz toxiques sans doute illégaux, matraqué les manifestants à Washington pour dégager la voie à Donald Trump qui voulait aller faire une photo bible en main devant l’église en face de la Maison-Blanche. La légalité de toutes ces actions est encore en question mais il est douteux que les plaintes déposées aillent au bout de leur parcours.

Licenciement des Inspecteurs Généraux?

Toutes les administrations fédérales doivent avoir un fonctionnaire chargé de veiller à la régularité et à l’éthique. Trois de ces « Inspector General » ont été licenciés ainsi que des responsables en charge de  la protection des lanceurs d’alerte. L’officier qui avait signalé le coup de téléphone de Donald Trump au président ukrainien qui a motivé la procédure de destitution du président, lieutenant -colonel Vindman a été poussé vers la sortie alors que les lanceurs d’alerte sont protégés par la loi.

La généralisation des « faisant fonction ».

Les ministres et hauts fonctionnaires nommés par le président doivent être confirmés par le Sénat. Craignant sans doute la publicité générée par ces auditions et la réaction des sénateurs les plus légalistes le président persiste à nommer des « faisant fonction » (acting) qui échappent à ce contrôle. Il a ainsi nommé sans doute illégalement  deux des principaux dirigeants qui traitent les affaires d’immigration : Chad Wolf à la Sécurité Intérieure et Ken Cuccinelli à l’immigration. Amnesty International USA a publié un avis sur la nomination de Chad Wolf tant elle est problématique, fait très rare de la part d’AI à propos d’une nomination politique.

Le bourrage des tribunaux.

La constante de l’activité du Sénat, surtout depuis les élections de 2018 quand la victoire Démocrate à la Chambre prive les Républicains de tout espoir de passer des lois à leur convenance, a été de bourrer les tribunaux de juges fédéraux, nommés à vie, de personnages parfois peu qualifiés mais réputés solidement ancrés à droite et assez jeunes pour garantir une basculement durable des tribunaux et en particulier des circuits d’appel. Cette démarche a culminé dans la hâte à nommer Amy Coney Barrett à la Cour Suprême avant le 3 Novembre alors que la cadavre de la juge Ruth Bader Ginsburg n’était pas refroidi. Rappelons que Mitch McConnell, le leader Républicain du Sénat avait refusé tout au long de l’année 2016 de même auditionner le juge Merrick Garland nommé par Barack Obama pour remplacer le défunt juge Antonin Scalia.

L’arme financière fait partie des moyens d’action favoris de cette administration qui a menacé de priver de subsides fédéraux les villes et états qui n’appliquent pas ses décisions, en particulier en matière d’accueil des migrants.

Les exécutions capitales.

Plus récemment la relance, à motivation électorale, des exécution capitales fédérales ne répond à aucun motif de droit ni d’opportunité judiciaire ou politique.

La mise au pas de l’administration.

A quelques jours de l’élection qui risque de lui signifier la fin de son mandat Donald Trump annonce la signature d’un décret présidentiel (executive order) qui modifie de fond en comble les procédures de nomination et de licenciement des fonctionnaires. La logique en est de pouvoir disposer d’une administration aux ordres.

L’environnement.

L’attachement de Donald Trump au énergie fossile biaise sa vision de la politique étrangère, en particulier au Proche-Orient. Mettre la main sur le pétrole au mépris des lois internationales a guidé ses décisions de maintenir ou pas des troupes en Irak ou en Syrie. Plus que l’énergie les montants élevés en jeu dans ce commerce et a matérialité du produit

A l’intérieur du pays cette vision s’incarne dans le maintien et l’extension de l’exploitation des gaz de schiste par la fracturation hydraulique. Utah Philips  décrivait les vertes collines ondulantes de la Virginie de l’Ouest  comme la chose la plus proche du paradis qu’il connaissait. Peu importe au président obsédé par l’argent que ces paysages idylliques soient maintenant constellés de buttes arasées et traversés d’oléoducs promis à une courte vie.

Pour ouvrir le maximum d’occasions les territoires protégés, parc nationaux et réserves de vie naturelle et de bio-diversité sont ouverts à l’exploitation pétrolière. Les territoires amérindiens sacrés, parfois protégés par des traités antérieurs, sont saccagés pour faire passer des oléoducs.

L’administration de protection de l’environnement, l’EPA (Environment Protection Agency) a été créée sous Richard Nixon comme une agence indépendante mais son directeur est nommé par le président et confirmé par le Sénat. Donald Trump a donc pu nommer un homme connu pour son hostilité à l’agence. Le processus de destruction de la règlementation environnementale a donc pu se dérouler à la fois à l’intérieur sous Scott Pruitt et  à l’extérieur par le détricotage à coups de décrets présidentiels de toute la législation antérieure. Pour l’anecdote Scott Pruitt a été rattrapé par des affaires de corruption. Licencié, il a été remplacé comme souvent par un « faisant fonction » qui n’a pas été confirmé par le Sénat.

Les droits des consommateurs.

Sous l’impulsion déterminante d’Elizabeth Warren avait été créée sous Barack Obama une agence en charge de la protection des consommateurs contre les excès de la finance, le CFPB (Consumer Finance Protection Bureau). L’attaque s’est déroulée sur deux fronts. La légalité de l’existence et de la gestion de l’agence a été mise en cause dans un premier temps mais il a été plus efficace de profiter de la défection de Richard Cordray, son directeur démissionnaire parti faire campagne pour le poste de gouverneur de l’Ohio. Cordray n’a pas réussi et l’administration Trump a nommer plusieurs directeur intérimaires dont le plus virulent, Mick Mulvaney, a limogé la totalité du bureau et progressivement vidé l’agence de sa substance.

Comme pour l’EPA l’action de l’administration Trump a consisté à démonter tout l’édifice réglementaire protecteur de la population, à la fois de l’intérieur de l’agence et au niveau réglementaire.

Conclusion

Les atteintes aux droits humains sous la présidence Trump ont été légion. Elles s’inscrivent dans une trajectoire antérieure fortement déterminée par la situation politique mais aussi démographique du pays. Les anciennes tensions raciales et sociales parfois estompées ressurgissent. Quand un pouvoir idéologisé et sans frein les exacerbe le pire se profile.

Installées dans la durée ces atteintes ne font pas que perdurer elles s’installent. Dans les lois, les procédures et surtout les esprits. On s’habitue. L’anormal devient normal.

Et comme le chante Bruce Cockburn : « …le problème avec le normal c’est qu’il empire toujours… » ( the trouble with normal is it always gets worse).

 

 

 Annexe : mes sources.

Mes sources (en partie).
AMNESTY E.U.A.
https://www.amnestyusa.org //AI EUA
https://act.amnestyusa.org/page/44804/action/1?ea.tracking.id=spgcowst //Enquêtez sur les détention d’enfants à la frontière.
https://www.amnestyusa.org/press-releases/amnesty-international-usa-issues-rare-call-for-a-halt-on-chad-wolf-nomination/ //Contre la nomination Chad Wolf comme « ministre de la Sécurité Intérieure » (la traduction du titre est de mo). Intervention rare sur un processus politque.
https://www.amnestyusa.org/amnesty-international-usa-and-100-organizations-call-on-ice-to-free-families-together/ //Libérez les familles ENSEMBLE.
https://act.amnestyusa.org/page/37652/action/1?ea.tracking.id=spgcowst //Contrôle des armes à feu
Sur la peine de mort.

https://actionnetwork.org/groups/death-penalty-action

——————————-
Mes sources (plus ou moins) quotidiennes
https://www.theguardian.com/international //Une source britannique incontournable.

Informations non-partisanes (en principe).
http://www.npr.org/ //La National Public Radio. Un léger biais « anti-Trump » est perceptible.
https://www.theatlantic.com/world/ //Bi-partisan, fondamentalement de droite modérée (économie) et anti-Trump.
https://thehill.com //Les nouvelles de Capitol Hill, le siège du Parlement et du gouvernement. Utile. Fondamentalement bi-partisan au sens politicien.
https://www.foreignaffairs.com/ //Comme son nom l’indique.
http://trumptwitterarchive.com/archive //L’archive des tweets de Donald Trump. Souvent intéressant dans le temps de crise. Souvent barbant. Base de données cherchable. Tenue par des tiers indépendants.

Sites partisans alignés (plus ou moins) sur l’establishment Démocrate.
https://www.motherjones.com //J’ai une tendresse pour ce journal. J’ai été abonné à l’édition papier et le personnage titre est une référence historique. Leur penchant Bideniste devient pénible quand l’élection approche.
https://slate.com //La version originale
https://www.vox.com //Souvent intéressant dans son effort d’explication.

Sites « de gauche ».
https://theintercept.com //Le plus intéressant. Stable dans ses opinions. Approfondi.
https://www.thenation.com //Ancien et intéressant.
https://prospect.org //Idem. plusieurs (vieux) rédacteurs sont membres des Democratic Socialists of America.
https://newrepublic.com //Idem.
https://www.salon.com //Parfois bizarre. Rubriques people etc… Parfois intéressant.
https://www.commondreams.org //En prise sur le mouvement social. A ce titre souvent intéressant.
https://www.dailykos.com //Emanation d’une fraction progressiste du Parti Démocrate. Résolument à l’intérieur du Parti. Toujours un peu plus à droite à l’approche des élections.
https://truthout.org //Lieu de réflexion sur la situation. Les articles de William Rivers Pitt et surtout Henry A. Giroux justifient la lecture. Mais pas que…
https://www.alternet.org //Plutôt fourre-tout. Journalistiquement limite parfois. A lire vite pour les nouvelles marquantes et à oublier.
https://scheerpost.com //L’héritier de Truthdig. Pour Robert Scheer, Danny Sjursen et surtout CHris Hedges. Mais aussi les rares articles économiques de Nomi Prins.
https://talkingpointsmemo.com //Sérieux. Trop? L’abonnement n’est pas un vol.

——————————————-
Des sources de réflexion (« de gauche »).
https://www.currentaffairs.org //Au moins pour Nathan Robinson. Mais pas que…
https://progressive.org //Ancien journal venu du temps quand existait une vraie gauche parlementaire Le sénateur La Follette 1909.
https://www.juancole.com //Indispensable sur le Proche-Orient. Juan Cole, arabisant et spécialiste de la Perse.
https://www.dissentmagazine.org //Divers.
https://inthesetimes.com //Le monde travail. Syndicalisme.

—————————————-
Données électorales.

https://fivethirtyeight.com

https://www.realclearpolitics.com/epolls/latest_polls/

http://www.frontloadinghq.com

http://www.electproject.org //De loin le travail le plus sérieux sur la participation en particulier.
https://electproject.github.io/Early-Vote-2020G/index.html //Appendice du précédent : statistiques sur les votes anticipés.

——————————————
Des sources complémentaires occasionnelles.
https://www.democracynow.org //Amy Goodman est une journaliste infatigable.
https://therealnews.com //Plus de recul et de réflexion.
https://grist.org //L’environnement.
https://www.mediamatters.org //Sur les médias de droite.
https://www.thetrace.org //La question des armes à feu domestiques.
https://www.splcenter.org //Gros travail sur le racisme et ce qui gravite autour.
https://www.pewresearch.org //Source majeure d’études sur la société et son évolution.
https://www.commonwealthfund.org //Sur la santé et les systèmes de protection sociale.

Mediapart : je suis abonné de longue date. Sur les Etats-Unis d’Amérique la couverture est très, trop épisodique à mon avis. Et depuis le retour en France de Mathieu Magnaudeix la couverture a beaucoup perdu en pertinence et profondeur du travail. Je me suis plusieurs fois trouvé en situation de publier un billet sur le même choses que lui. Il le faisait toujours de manière approfondie et faisait un tour complet du sujet que j’avais la paresse (et sans doute pas les moyens) de mener au bout. Les articles actuels me semblent souvent écrits contraints et forcés par les circonstances et sans grande profondeur.

Documents à propos de notre sujet.
https://www.pewresearch.org/hispanic/2015/09/28/modern-immigration-wave-brings-59-million-to-u-s-driving-population-growth-and-change-through-2065/ //Sur l’immigratiion et son impact démographique.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Démographie_des_États-Unis //L’article Wikipedia Fr.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Euro-Américains //Sur les caractérisation ethniques.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Blancs_américains

https://www.thenation.com/article/archive/tea-party-constitution-versus-thomas-jefferson-constitution/ //Sur la nature incertaine et floue du texte constitutionnel.
https://www.vox.com/21497317/originalism-amy-coney-barrett-constitution-supreme-court //Sur le courant originaliste des juristes des E.U.A.
https://fr.wikipedia.org/wiki/République_corse //La république de Paoli.
https://www.youtube.com/watch?v=7Wvyf-Cv6fU //Mare Wakefield et Nomad Ovunc. « Land of the free ». Ce couple est un exemple de diversité : Nomad est turc.
https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/index.html //DUDH site des N.U.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_républicain_(États-Unis //GOP.
https://www.huffpost.com/entry/gop-redmap-memo-gerrymandering_n_2498913 //REDMAP et le charcutage électoral.

https://talkingpointsmemo.com/news/dimondstein-trump-holding-usps-hostage

https://www.dailykos.com/stories/2020/8/20/1970408/-Cartoon-Mr-Zip-the-Postal-Service-mascot-in-Post-Mortem

https://www.npr.org/2020/10/15/923787027/failed-by-the-courts-texans-hoping-to-vote-by-mail-have-to-hit-the-polls-instead

https://www.npr.org/2020/10/14/923851384/biden-announces-record-383-million-september-haul //Des millions, ds millions, des millions. Pour quoi fire?

https://fr.wikipedia.org/wiki/United_States_Border_Patrol

https://www.youtube.com/watch?v=aQQB7rkZZmk //Ramon Casiano.

https://en.wikipedia.org/wiki/No_More_Deaths#Scott_Warren

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bureau_de_protection_des_consommateurs_en_matière_financière

https://fr.wikipedia.org/wiki/Environmental_Protection_Agency

https://www.youtube.com/watch?v=kybkiiAKMOY //The trouble with normal. La chanson convient parfaitement au monde selon Trump.

——————————————-
Lectures additionnelles utiles.
La gouvernance par les nombres – Alain Supiot ISBN 978-2-213-68109-2 //Sur l’Histoire du droit et le gouvernement. Pas toujours facile, dense, mais très utile.
Fake President – Mark Green et Ralph Nader ISBN 9781510751125. //Comme l’indique le titre.

En écrivant ceci j’écoutais :
Sarah Shook and the disarmers https://sarahshookthedisarmers.bandcamp.com/album/years-2
The War and Treaty https://thewarandtreaty.bandcamp.com/album/hearts-town
et toujours mes vieilles connaissance sudistes :
Drive-By Truckers https://drivebytruckers.bandcamp.com/album/the-new-ok

Et Bruce chantait :

The trouble with normal
Bruce Cockburn

Strikes across the frontier and strikes for higher wage
Planet lurches to the right as ideologies engage
Suddenly it’s repression, moratorium on rights
What did they think the politics of panic would invite?
Person in the street shrugs — « Security comes first »
But the trouble with normal is it always gets worse

Callous men in business costume speak computerese
Play pinball with the Third World trying to keep it on its knees
Their single crop starvation plans put sugar in your tea
And the local Third World’s kept on reservations you don’t see
« It’ll all go back to normal if we put our nation first »
But the trouble with normal is it always gets worse

Fashionable fascism dominates the scene
When ends don’t meet it’s easier to justify the means
Tenants get the dregs and landlords get the cream
As the grinding devolution of the democratic dream
Brings us men in gas masks dancing while the shells burst
The trouble with normal is it always gets worse

 

 

Older posts

© 2025 DOMINIC77

Theme by Anders NorenUp ↑