Pour Donald J. Trump les choses se compliquent. En apparence la situation tournait à son avantage mais l’enquête Mueller et l’élection en Alabama l’ont rappelé à la réalité et ont changé le rapport de forces au sein du camp Républicain.. Il se pourrait qu’il ait du mal à garder la main.
La réforme fiscale en bonne voie.
Les Républicains ont réussi a voter une loi de réforme fiscale au Sénat après l’avoir fait à la Chambre des Représentants. Il reste à la conférence des deux chambres de réaliser la synthèse en un seul texte qui puisse être voté par les deux assemblées et soumis à la signature du président des États-Unis d’Amérique. Les progrès de l’enquête sur l’intrusion russe ont accentué la pression sur les sénateurs qui ont mis les bouchées doubles pour voter aux petites heures (2h00) de la nuit de Vendredi dernier. Peu importe le détail des arrangements de dernières minute qui ont modifié le contenu de la loi pour acheter les derniers votes comme celui de Susan Collins. L’esprit de la loi n’a évidemment pas changé : une massive baisse des impôts pour les grandes sociétés et les familles riches, une très légère baisse pour certaines familles modestes et une grande incertitude sur l’avenir. Le déficit ne pourra que grossir avec cette baisse mais le limites sont bornées par des règles strictes. Il faudra donc couper ailleurs dans les dépenses pour payer ces baisses. Selon toute vraisemblance ce sont les programmes de financement de la santé qui vont supporter l’essentiel du poids. L’annulation de l’obligation individuelle d’assurance-santé a bien été incluse dans la réforme et devrait signer la fin effective de l’Obamacare dès la fin de l’année prochaine. Les inscriptions pour 2018 seront bientôt terminées et l’exercice 2018 devrait bon gré mal gré se dérouler comme prévu. Le vote de la réforme fiscale peut donc être interprété par Donald Trump et tout le camp Républicain comme la double victoire attendue depuis un an. Il ont étranglé la loi de Barack Obama sur l’assurance-santé et adopté la baisse d’impôt réclamée par les riches donateurs du Parti Républicain et applaudie des deux mains par tout ce que la droite compte de plus ou moins libertariens.
Kevin Drum de Mother Jones a résumé les conditions de cette réforme fiscale en un article et quatre illustrations parfaitement éclairantes qui montrent les évolutions sur les quarante dernières années. Il a ainsi fait pièce aux allégations des Républicains.
1-Les profits des grandes entreprises et les taux réels d’imposition des sociétés (pas les taux nominaux que très peu de sociétés paient réellement exprimés en pour-cents du PIB.

On constate que sur la période les profits sont multipliés par deux (2) net les taux de contribution divisés par deux (2).
2-Les dividendes distribués aux actionnaires.

Ceci prend d’autant plus de sens si on le compare aux courbes précédentes. Les profits doublés mais les dividendes multipliés par quatre (4).
3-Les taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés comparés à ceux des autres pays développés.

Contrairement aux récriminations des Républicains et de Donald Trump en particulier les Etats-Unis d’Amérique sont parmi les pays qui taxent le moins leurs entreprises. Si le taux d’imposition a légèrement cru sur la période le différentiel avec les autres pays reste à peu près constant.
4-Enfin , cerise sur le gâteau de la démagogie, l’évolution du revenu médian des familles, autrement dit la fameuse classe moyenne que tous les parlementaires disent vouloir choyer.

Le revenu médian des famille augmente d’un royal 20% quand les dividendes sont quadruplés.
Une semaine de tractations et de faux coups de théâtre aura suffit aux Républicains pour affiner un accord qui va leur permettre de faire à Donald Trump le cadeau de Noël qu’il attend depuis son entrée en fonction : une vraie loi de droite à signer. Et pour que la fête soit complète ils font d’une pierre deux coups. L’abolition de l’obligation individuelle d’assurance santé a été intégrée dans la réforme. Ils abattent ainsi un des piliers de l’Obamacare. La période annuelle d’inscription pour la saison 2018 est maintenant terminée. Alors que les inscriptions se poursuivaient sur un rythme plus élevé que l’année précédente au final on devrait avoir moins d’inscriptions car Donald Trump a raccourci le délai. Les Républicains ont du renoncer par contre à intégrer dans la réforme l’abolition de l’obligation pour les employeurs de proposer des plans d’assurance qui couvrent les frais de contraception pour des raisons administratives. L’abolition de l’obligation amène un effet indirect de baisse des subventions pour les autres programmes comme Medicaid et donc pénalise encore plus ceux qui dépendent de ces programmes.
Il a fallu attendre le dernier jour, Vendredi 15 Décembre pour que les derniers résistants rendent les armes. Le fanatique anti-déficit Bob Corker qui avait voté contre le projet du Sénat a admis ne pas être en accord avec le résultat des négociations mais ne pas vouloir mettre en danger cette occasion. De même Marco Rubio,, sénateur de Floride qui avait été bien malmené par Donald Trump lors des primaires Républicaines s’est livré à un baroud d’honneur pour faire relever le crédit d’impôt pour les enfants à charge. Il n’a obtenu qu’un aménagement marginal qui ne profite pas aux plus pauvres mais a réussi un assez joli coup de pub. Il n’a pas renoncé à être un recours post-Trump.
Ce qui est connu du contenu définitif très complexe de la loi présente des aspects contradictoires. Une des dispositions les moins connues se trouve dans le passage à une « territorialisation » de la taxation des bénéfices des sociétés qui encouragera à délocaliser. D’ailleurs Ford vient bien d’annoncer la fabrication de sa future voiture électrique au Mexique dans un superbe pied de nez à Trump qui s’est bien gardé d’en faire état. Les étudiants avancés ont aussi eu la chance d’échapper à l’imposition d’une partie de leurs revenus. Les mises au point de dernière minute ne changent pas évidemment l’esprit du texte qui reste une massive baisse d’impôts pour les plus riches. Les agriculteurs modestes ont voté majoritairement pour Trump mais ce sont bien les entrepreneurs agro-industriels qui vont profiter de la réforme. Les exploitations familiale seront touchées de plus par le renchérissement de l’assurance santé.
Les Démocrates peuvent très partiellement se consoler d’avoir enregistré une petite victoire. L’autorisation aux églises, souvent autoproclamées, de financer les politiques a été retirée.
La seule incertitude visible à propos du vote définitif de la réforme la semaine prochaine se trouve chez Susan Collins, la sénatrice du Maine qui avait voté contre l’abrogation de l’Obamacare, mais la majorité de 52 sénateurs garantit le succès aux Républicains. Il faudrait un concours de circonstances exceptionnelles pour qu’ils échouent. Même si John McCain n’est pas sorti de la clinique où il est soigné pour des effets secondaires de la thérapie de son cancer la loi passera.
L’élection en Alabama.
Les débats sur la réforme fiscale sont cependant passés au second plan après l’élection surprise du Démocrate Doug Jones Mardi 12 Décembre. Cette élection imperdable devenue l’exemple de l’échec Républicain a provoqué un déluge de commentaires et d’analyses. Résultat de circonstances particulières cette élection aura plus d’importance par le choc qu’elle a provoqué dans les esprits que par sa signification politique. L’Alabama n’est pas devenu brusquement Démocrate.
On sait globalement que l’élection s’est jouée sur la participation. Non pas la participation globale qui a malgré tout été assez élevée mais sur la participation spécifique des divers groupes électoraux. Les électeurs Républicains ont se sont moins mobilisés et inversement pour les Démocrates. Les noirs, 30 % de l’électorat, et les femmes ont fait le plus gros de la différence avec 98 % des électrices noires votant pour Jones. Les jeunes ont de même penchés à 54 % pour le candidat Démocrate.
Les chrétiens évangéliques ont fortement attiré l’attention des commentateurs. Étant donné le fanatisme religieux proclamé par Roy Moore tout au long de sa carrière et qui lui a valu deux condamnations le comportement de ce groupe social méritait une analyse spécifique. Malheureusement les études statistiques et sondages électoraux étaient rares en Alabama du fait que l’état n’est pas politiquement concurrentiel. Les données dont on dispose montrent un frémissement de l’opinion de ces chrétiens mais surtout montrent que l’on ne sait pas grand-chose à leur sujet car les sondeurs se satisfont de la seule déclaration des sondés. On a tendance généralement à les considérer comme un groupe homogène ancré à droite et arc-bouté sur des valeurs conservatrices classiques. Historiquement ils avaient disparus comme acteurs de la vie politique jusqu’ à ce que Carter puis Reagan les ramènent au centre du jeu et qu’ils consacrent l’emprise des Républicains sur le Sud. Ils représentent 44 % des électeurs de l’état et ont voté à 80 % pour Moore comme 68 % des électeurs blancs. L’élection s’est joué à environ 20000 voix de majorité pour Jones et 23000 voix pour les tiers candidats Républicains. La population des évangéliques est assez mal connue et en général les sondeurs se contentent de la simple affirmation d’appartenance pour definir un groupe ainsi auto-affirmé. Les 2 % d’évangéliques qui disent avoir voté pour un candidat tiers font presque la différence. Les analyses plus approfondies montrent une évolution sensible. Parmi ceux qui se définissent ainsi la moitié ne fréquente pas d’église. Les nouveaux évangéliques sont majoritairement noirs dans le Sud et contribuent à la dispersion électorale. Mais le plus signifiant doit être le glissement idéologique qu’exprime l’élection. La communauté se fragmente de plus en plus racialement et politiquement et l’élection de Trump a accéléré ce mouvement. Même des chrétiens conservateurs ont été choqués par les positions de Roy Moore face aux accusations portées contre lui. Le comportement électoral et plus généralement politique des chrétiens constitue un des éléments à suivre dans les mois et années à venir.
L’élection de l’Alabama accentue le pression sur le Sénat avant le vote de la réforme fiscale. Contrairement aux élections régulière ce remplacement d’un sénateur nommé ministre prend effet dès la validation par les autorités. La majorité Républicaine au Sénat sera donc réduite à 51 contre 49 dès les premiers jours de Janvier dès les formalités terminées. Doug Jones est plutôt un Démocrate de droite mais son mandat ne se termine qu’en 2020. Il a donc la liberté de prendre des positions éventuellement mal considérées par ses électeurs mais plus proches de la ligne de son parti pendant encore plus d’un an.
L’enthousiasme politique chez les Démocrates était déjà lisible dans le grand nombre de candidats qui se proposent pour concourir aux élections et leur facilité à lever des fonds. Cette victoire inespérée à un moment critique de la présidence Trump semble avoir encore renforcé cet élan. Mais l’effet au sein du Parti Démocrate pourrait être mitigé. La victoire portée par la population de couleur encourage à poursuivre la politique de la direction centriste qui consiste à chevaucher la vague démographique et attendre la victoire de la montée des minorités raciales plutôt urbaines plus que d’une inflexion sociale du programme.
Du côté Républicain la victoire de Doug Jones a été comprise par certains comme un soulagement qui les affranchit de l’hypothèque que la présence à leurs côtés d’un extrémiste suspecté de harcèlement sexuel au Sénat aurait représentée.
A la date du 16 Décembre 2017 Roy Moore n’a toujours pas reconnu sa défaite et maintient la pression, embarrassant son propre camp.
L’enquête Mueller.
Après les mises en accusation de Manafort et Gates les plaider-coupable de Papadopoulos et Flynn ont confirmé que le travail de l’équipe du procureur spécial poursuit son travail d’approche de l’équipe de campagne de Donald Trump. La fébrilité de la presse de droite qui cherche à monter en épingle tous les incidents le confirme. Elle réclame même maintenant le limogeage de Mueller sans hésitation. Et la rumeur ne cesse de monter. Les Démocrates ne se privent pas de battre le tambour car ils savent les dégâts politiques que cela produira dans l’opinion sur les Républicains à moins d’un an des élections de mi-mandat.
Le prochain sur la liste des inculpés devrait être le gendre Jared Kushner. La nervosité du président va croissant et Trump sera de plus en plus difficile à contrôler. Paradoxalement les nouvelles pourraient être considérées comme plutôt bonnes par le camp Républicain. Les quelques nouvelles qui fuitent indiquent que l’enquête semble plutôt se concentrer sur les manœuvres d’obstruction à la justice de Donald Trump à partir de l’éviction de James Comey. Si la cible était plutôt sur les actions de la campagne avant l’élection nous entrerions dans un terrain inexploré. La Constitution ne prévoit pas clairement le cas d’annulation potentielle d’une élection présidentielle qui éliminerait les deux élus du ticket. Par contre la marche à suivre en cas d’invalidation du président est claire : le vice-président prend la place. Cette seconde hypothèse soulagerait l’establishment Républicain qui ne manquera pas de la mettre en oeuvre dès que le soutien populaire à la personne de Donald Trump faiblira significativement. Cet affaiblissement n’est pas encore d’actualité même si la tendance semblait s’esquisser ces derniers jours. Et peut-être même plus si on en croit cet article. Les spectateurs de Fox News supposés largement trumpistes qui ne lui accorderait plus qu’in soutien très partiel.
La politique internationale.
Sans doute aiguillonné par la menace croissante de l’enquête de Robert Mueller Donald Trump a d’abord été tenté de se lancer dans une fuite en avant qui l’a mené aux déclarations sur Jérusalem et le transfert de l’ambassade. Ces déclarations ne changent rien à la pratique immédiate et réaffirment simplement les positions historiques de Washington. La provocation est retombée à plat et n’a pas causé d’actions spectaculaires dans les pays musulmans contre les intérêts des Etats-Unis d’Amérique. Il faut plutôt saluer les populations d’avoir laissé les provocations trumpiennes à leur médiocrité sans les récompenser d’un embrasement recherché.
Quelques jours après cet accès d’humeur trumpien il est en apparence étonnant d’entendre d’abord le ministre des affaires étrangères puis le président se déclarer prêts à entrer en négociations avec la Corée du Nord. La première déclaration par Rex Tillerson qui passe toujours pour être en délicatesse avec son patron a pu être interprétée comme l’expression définitive de leurs désaccord prélude à sa démission. Mais quand quelques jours plus tard Trump lui-même annonce la même chose après avoir conféré avec son ami Poutine on comprend qu’il s’est passé quelque chose et nous nous trouvons dans cette situation inattendue où le Congrès et le Parti Républicain se réunifie à l’offensive autour de la perspective du vote de la réforme fiscale alors que Donald Trump se fait mouton sur la scène internationale. Il est difficile de comprendre ce qui peut causer sa soudaine prudence. Peut-être la pression croissante de l’enquête Mueller lui enjoint-elle de rassembler son camp afin de préparer la contre-offensive. Sans y accorder plus d’importance qu’il n’est nécessaire les rumeurs de dérive psychologique d’un Donald Trump qui passerait entre 4 et 8 heures devant ses émission de télévision favorites, celles qui parlent de lui, se sont amplifiées ces derniers jours.
Les perspectives électorales.
Avec une carte électorale très favorable au Sénat en 2018 et un charcutage des circonscriptions qui les met à l’abri des grosses surprises à la Chambre des Représentants le Parti Républicain n’a pas beaucoup à craindre des élections de mi-mandat. Leur plus gros problème aujourd’hui est Trump. Ils ont dans la poche la solution avec le remplaçant constitutionnel désigné Mike Pence. Il leur appartient de gérer la transition mais de leur point de vue il n’existe pas vraiment politiquement d’alternative. S’ils veulent éviter que leur président pourrisse plus encore leur mandat ils devront s’en débarrasser. Ils en ont les moyens réglementaires avec le vingt-cinquième amendement et l' »impeachment ».
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