La crise russe révèle l’état du monde que nous voulions ignorer. La dissuasion nucléaire ne fonctionne plus. Les Nations Unies sont cassées. Le militarisme est en roue libre contre la démocratie.

 

Le réveil est sévère. Pourra-t-il être salutaire? Endormis dans nos illusions généreuses d’enfants de l’après seconde guerre mondiale nous n’avons pas voulu croire au pire. Il est donc advenu.

La fin de la dissuasion nucléaire.

La guerre.

La destruction d’habitations, d’écoles, de routes, d’ouvrages d’art. La brutalité de l’offensive russe mise en échec par la résistance nationale des ukrainiens a ramené l’état-major et le président russes à la réalité. Ils n’ont donc plus  d’autre option dans leur logique qu’encore plus de brutalité aveugle au risque d’avoir à se dédire.

Comment faire entendre une voix pacifique dans un contexte où ne résonne que le bruit des des explosions et ne s’entend que la logique de la force?

Nous ne sommes plus au temps de la recherche des causes ni même aux illusoires  justifications par le droit. Déclarer que Poutine a violé les règles internationales est-il autre chose qu’une excuse pour ne pas dire que les troupes russes assassinent des ukrainiens qui ne les ont pas agressés?

La seule réponse possible serait-elle donc vraiment  d’opposer aux envahisseurs encore plus de forces de destruction? Et d’autre part pouvons-nous laisser les assassins gagner?

Dans le contexte de l’équilibre de la terreur constitutif de la guerre froide la crainte de destruction mutuelle assurée provoquait la retenue. Cette crainte apportait la conviction que personne n’appuierait sur le bouton rouge. Il a suffi que l’un des protagonistes convainque les autres qu’il est assez déterminé, convaincu de son bon droit pour le faire. Et tout le système de la dissuasion est par terre. Il ne fonctionne pas. Il est devenu intrinsèquement inopérant et la démence supposé d’un protagoniste ne constitue pas une explication.

Quand nous serons sortis de la phase aigue  de la crise, si nous en sortons, construire un nouveau système ne sera pas facile, ne sera pas rapide. Pour être réaliste il devra en finir avec le nucléaire et avec les égoïsmes (économiques) nationaux.

La fin des Nations Unies.

En même temps que le système de la dissuasion le système des canaux de dialogue qui permettaient au monde de vivre vaille que vaille ont été gravement endommagés. L’Organisation des Nations Unies fournissait un cadre reconnu, plus ou moins bancal mais réel, de discussions et de présentation aux opinions publiques.

La dimension du spectacle l’a définitivement emporté. Sans doute depuis la pitoyable prestation de Colin Powell présentant sa preuve des armes de destruction massive  qui visait à justifier l’invasion de l’Irak voulue par le  Petit Bush.  Cette invasion a d’ailleurs certainement joué un rôle déclencheur  dans l’esprit des dirigeants russes. La puissance dominante pouvait en faire à sa guise, envahir qui elle voulait et en particulier un pays souverain riche en hydrocarbures.

L’organisation même des Nations Unies dirigées par un Conseil de Sécurité archaïque avec son système des vetos issu de l’équilibre précaire de la guerre froide a beaucoup servi aux ténors des grands pays pour montrer leurs muscles à leurs populations et celle des états amis et clients sans toujours prendre en considération les conséquences internationales.

Forts de leur passé colonialiste et impérialiste les états occidentaux n’ont pas voulu voir la dégradation de leurs positions. La France a laissé la Russie coloniser la quasi-totalité de son ancien empire africain avec une force militaire occulte et violente. Les Etats-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni n’ont pas vu la Chine pourtant vaste effectuer une OPA  massive sur des terres agricoles africaines et même sud-américaines.

Obsédés par une lutte militaire frontale contre  un islamisme envahissant les puissances occidentales ont renoncé ce qui aurait pourtant du être l’arme préférentielle des tenants de l’économie libérale : l’intégration à la communauté des nations par le développement.

Les canaux de dialogue multilatéraux vidés de leurs efficacité, réduits à la fonction d’écrans médiatiques et la mise au premier plan du commerce des armes comme outil de collaboration économique ont entretenu la guerre des civilisations dans un monde qui n’a jamais tiré leçons du passé colonial.

Au sein même du continent européen on a voulu faire passer la construction bureaucratique d’un ensemble essentiellement économique vidé de tout contenu politique pour une avancée démocratique majeure. Il n’était pourtant pas besoin de fortes lunettes pour voir que cela menait au gouvernement pas les lobbyistes et non par les peuples.

La destruction des canaux de dialogue, l’affaiblissement du débat politique, le primat du commerce dont celui des armes ont permis la montée en puissance d’une Chine aveugle aux droits humains et la résurgence furtive d’une Russie revancharde. Nous devrons maintenant faire avec.

La peur qui conduit au militarisme.

Pour les peuples, pour nous gens ordinaires, il ne reste que la crainte, la peur des bombes, peut-être nucléaires, sur nos enfants. L’effroi à l’idée d’un futur à jamais compromis que mes petits-enfants pourraient ne jamais connaître.

Cette peur justifie toutes les aventures militaristes, l’armement généralisé. Elle va renforcer un complexe militaro-industriel qui n’en avait pourtant pas besoin. Elle fait taire toutes les oppositions, fait réélire les gens en place, chloroforme le débat politique et fait accepter la militarisation sociale. En cela Poutine, Lockheed-Martin (société de l’armement) et Xi-Jiping sont objectivement  complices. Cette militarisation généralisée ne peut conduire qu’à un accroissement des tensions et des affrontements. Elle efface la souveraineté populaire.

La démocratie ne  peut vivre que dans la paix. La paix seule peut nous permettre de verdir notre économie avec la nécessaire fin des carburants fossiles et nucléaires (dont la guerre en Ukraine vient de nous rappeler le danger). Le complexe militaro-industriel est au cœur  des économies développées. Aussi longtemps qu’il occupera une position dominante nous serons en danger permanent.

Si nous ne substituons pas les Droits Humains au profit dans l’échelle de nos priorités nous sommes foutus.