DOMINIC77

Un peu de tout

Month: février 2018

Après la fusillade de Parkland, un regard vers l’avenir…

Après dix jours de vacances parlementaires Le Congrès ds États-Unis d’Amérique est revenu hier Lundi en session et les élèves du lycée Marjory Stoneman Douglas sont rentrés. La droite a profité de la pause pour tenir le grand rassemblement annuel de la droite conservatrice le CPAC.  Le tumulte causé par les répercussions de la tuerie de Parkland n’a pas empêché de remettre à Ajit Pai, l’homme que Donald Trump a nommé à la tête de l’administration des Télécoms  et qui a promulgué la fin de la neutralité des opérateurs de l’Internet le prix Charlton Heston (en l’occurrence un fusil de fabrication artisanale). Une des vedettes du CPAC a d’ailleurs été la mini LePen qui prépare sans doute son retour au premier plan de la politique après les déboires de sa tante et avec la bénédiction du grand-père.

Contrairement aux massacres précédents la tuerie de Parkland ne s’est pas évaporée  dans les nuages médiatiques. Elle est tellement restée au premier plan que Donald Trump y a consacré l’essentiel de ses interventions de la semaine passée et que la Chambre des Représentants a prévu de légiférer, peut-être dans la semaine.

En quelques dix jours les jeunes rescapés de Parkland ont provoqué un choc et créé un mouvement que personne n’ croyaient possibles. Il est imprudent de penser que l’opinion a complètement basculé mais porter un regard plus acéré sur le phénomène n’est pas superflu.

Les précédents.

La masse des massacres précédents semblait plutôt immuniser la société contre l’émotion et les réactions fortes mais des signes avant-coureurs existaient. En 2000 la « Million Mom March » avait amené à Washington plusieurs centaines de milliers de personnes dans la capitale et dans d’autres villes. L’autre événement marquant et sans doute point d’inflexion dans l’évolution plus ou moins souterraine de l’opinion sur la question des armes s’est produit avec l’attaque de l’école élémentaire de Sandy Hook en 2012 qui a conduit Barack Obama a exprimer une détermination inédite qui cependant n’est pas allé jusqu’à prendre le risque d’affrontement frontal avec le Congrès pour faire évoluer la législation. La question d’une réglementation de la possession et du commerces des armes à feu est en permanence présente dans la société comme en atteste les organisations comme la campagne Brady ou l’organisation de la députée Giffords  elle-même victime d’un tir en pleine tête dans l’exercice de sa fonction. Les études sur la violence comme élément fondateur de la culture du pays elle aussi n’ont  jamais cessé.

Parkland.

En quoi la tuerie de Parkland serait-elle différente ?

On ne peut oublier le contexte d’un pays profondément divisé dans lequel l’élection de Donald Trump a avivé les tensions, où les tensions raciales jamais résolues depuis la guerre de Sécession sont elles aussi exacerbées.

Les massacres par armes à feu ne sont pas tous équivalent dans l’opinion. Les tueries dans les écoles comme Sandy Hook portent évidemment une charge émotionnelle particulière. La tuerie de Parkland présente deux différences notables avec celle de Sandy Hook. Au lieu d’une école élémentaire le lycée Marjory Stoneman Douglas recoit des adolescents et de jeunes adultes capables de s’exprimer. Et ils se sont exprimer en direct sur les réseaux sociaux pendant le drame. L’émotion suscitée par la diffusion des images (et des sons) a ainsi été portée par les témoignages des jeunes gens rescapés.
La capacité de ces jeunes gens à tenir un discours cohérent et articulé à étonné et ouvert la voie aux habituelles théories conspirationnistes : ce sont des acteurs spécialisés payés pour faire des interventions politiques.

Parkland étant une banlieue aisée de Miami où la population est plus riche (et un peu plus blanche) que la moyenne de l’état de Floride il n’est pas vraiment étonnant que se soient trouvés parmi les élèves des jeunes gens formés au discours.

Les personnalités ont a coup sûr joué un rôle mais pas seulement.. Voir les rescapés (ressuscités ?) d’une fusillade dans une école être capables de tirer des enseignement ne pouvait que frapper les esprits. Ces enfants en fin de cycle secondaire ne sont    plus vraiment des enfants même s’ils ne sont pas des citoyens de plein droit,  des électeurs. Certains voteront aux élections de Novembre.  Nous assistons à une des premières manifestations de cette génération née autour du tournant du siècle qui n’a connu que l’univers de l’après 11 Septembre 2001, mondialisé et sans la guerre froide qui a structurée la moitié du vingtième siècle. Sa perception du monde et des menaces ne peut pas être identique à celle de ses aînés. Jusqu’à présent les échos de la parole des jeunes gens de Parkland a été  entendu dans d’autres états de la côte Est. Envahira-t-il tout le territoire jusque dans les états ruraux du centre ? Le développement du mouvement et le succès des manifestation prévues en Mars seront plus importants que les développements parlementaires  des jours qui viennent.

 

Pour ceux que cela intéressent mes liens de travail sur le sujet (les dernier lien est hors sujet).https://www.vox.com/science-and-health/2018/2/23/17044810/guns-killing-high-school-kids-alarming-rates

https://www.vox.com/policy-and-politics/2017/11/9/16618472/mental-illness-gun-homicide-mass-shootings

https://www.voterstudygroup.org/publications/2016-elections/placing-priority

https://www.truthdig.com/articles/unlearning-war/ //Désapprenons la guerre

https://www.truthdig.com/articles/counting-young-people-stop-deadly-weapon-white-male-rage/

https://www.truthdig.com/#15196866227651&action=collapse_widget&id=0&data=

https://www.thetrace.org/rounds/las-vegas-shooting-cable-news-coverage-analysis/

https://www.thetrace.org/2018/01/nra-russia-timeline/

https://www.thenation.com/article/the-gun-industry-is-weaker-than-it-looks/

https://www.thenation.com/article/dont-be-fooled-the-nra-doesnt-want-to-ban-bump-stocks/ //NRA posture pour faire semblant

https://www.salon.com/2018/02/26/backfire-do-mass-shootings-only-harden-existing-attitudes/

https://www.salon.com/2018/02/15/on-social-media-parkland-students-subvert-the-news-cycle/

https://www.motherjones.com/politics/2018/02/trump-campaign-fundraise-parkland-shooting-florida/

https://www.motherjones.com/politics/2018/02/trump-blames-florida-school-shooting-on-russia-probe/ //Rien ne les arrêtte.

https://www.motherjones.com/politics/2018/02/kids-have-alway-fought-our-hardest-battles-gun-rights-are-no-different/

https://www.motherjones.com/politics/2015/10/columbine-effect-mass-shootings-copycat-data/

https://www.motherjones.com/politics/2014/10/mass-shootings-increasing-harvard-research/

https://www.motherjones.com/politics/2012/07/mass-shootings-map/

https://www.commondreams.org/news/2018/02/17/read-and-watch-stoneman-douglas-high-school-students-powerful-plea-gun-control

https://www.alternet.org/suprising-unknown-history-nra

https://www.alternet.org/activism/who-was-marjory-stoneman-douglas

https://www.alternet.org/news-amp-politics/fix-media-coverage-mass-shootings

https://www.alternet.org/news-amp-politics/businesses-are-fleeing-nra-wake-parkland-school-shooting

https://www.alternet.org/news-amp-politics/already-5-potential-parkland-shooter-copycats-weapons-caches-have-been-seized

https://www.alternet.org/human-rights/watch-congress-members-who-took-money-nra-flat-out-refuse-comment-gun-control

https://twitter.com/ProudResister/status/967460781733236736 //Liste des sociétés ayant rompus leur liens avec la NRA

https://thinkprogress.org/tag/parkland-shooting/

https://thinkprogress.org/survivor-parkland-massacre-call-to-action-b66845100948/

https://thinkprogress.org/corporations-nra-f0d8074f2ca7/

https://theintercept.com/2018/02/25/young-people-guns-marketing-video-games/ //Les fabricants d’armes visent la jeunesse.
https://talkingpointsmemo.com/edblog/liability-as-a-part-of-gun-policy-reform //Exemple de la lutte contre les compagnies du tabac.
https://slate.com/news-and-politics/2018/02/second-circuit-upholds-stringent-restrictions-on-firearms-outside-the-home.html //Les lois rstrictives peuvent passer les tribunaux.

https://slate.com/news-and-politics/2018/02/how-real-crisis-actors-help-first-responders-prepare-for-emergency-situations.html

https://poll.qu.edu/images/polling/us/us02202018_ugbw51.pdf/ //Quinipiac U poll du 2/02/2018

https://newrepublic.com/minutes/147094/america-just-first-social-media-school-shooting

https://newrepublic.com/article/147199/parkland-different

https://newrepublic.com/article/147189/gun-control-movements-silent-ally-supreme-court

http://www.truth-out.org/opinion/item/43595-violence-is-in-the-dna-of-american-society-henry-giroux-on-gun-violence-and-administration-agendas#15196888840101&action=collapse_widget&id=0&data=

http://www.truth-out.org/opinion/item/43662-behold-the-reckoning-of-a-gun-culture-in-collapse#15196904018591&action=collapse_widget&id=0&data=

http://www.pewsocialtrends.org/2017/06/22/americas-complex-relationship-with-guns/ //Trevor Noah excellent show and ideas to prevent school shootings
http://www.pewsocialtrends.org/2017/06/22/americas-complex-relationship-with-guns/ //Pew poll on guns du 2/06/2017

http://www.mcclatchydc.com/news/nation-world/national/article195231139.html

http://www.gunviolencearchive.org

http://www.9news.com/article/news/local/next/i-was-almost-a-school-shooter/73-520738916

http://lawcenter.giffords.org/wp-content/uploads/2017/04/DV-Legislation-Factsheet-2015.pdf

http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0077552

https://en.wikipedia.org/wiki/Million_Mom_March

https://fivethirtyeight.com/features/why-dozens-of-mass-shootings-didnt-change-americans-minds-on-guns/

https://fivethirtyeight.com/features/politics-podcast-a-turning-point-in-the-guns-debate/

https://en.wikipedia.org/wiki/Sandy_Hook_Elementary_School_shooting

https://www.washingtontimes.com/news/2018/feb/26/trump-call-arm-teachers-resisted-teachers-unions-s/ //Ecouter la droite est toujours intéressant, parfois désopilant

https://www.youtube.com/watch?v=d7Uy0Uznw4E //viral video Trump season’s ending

 

 

 

 

 

Une diversion trumpienne sur la Corée serait-elle dans les tuyaux ?

L’annonce de la venue, non prévue de longue date à ma connaissance, d’Ivanka Trump avec la porte-parole de la Maison Blanche Sarah Huckabee Sanders, fille d’un ancien prétendant de la droite religieuse à la candidature Républicaine à la  présidence, pourrait bien avoir une signification inattendue. Alors que la Maison Blanche a annoncé il y a quelques jours que les nord-coréens avaient annulé in-extremis une rencontre tenue secrète entre Mike Pence et les dirigeants nord-coréens présents lors de l’inauguration des jeux Olympiques on apprend la venue la Première Fille. Dans un contexte où les affaires du président ne sont pas des plus florissantes on peut s’attendre àà tout et même à un coup de poker qui serait bien trumpien : une relance spectaculaire du dialogue avec Kim-Jong-Un.

Sur le plan intérieur Donald Trump se débat avec la question des armes à feu qui laisse au second plan l’enquêtre de Robert Mueller qui manifestement ne reste pas inactif avec l’accentuation de la pression sur Rich Gates et Paul Manafort. Le premier serait d’aailleurs sur le point de céder et de plaider coupable, donc de parler.

Sur le plan international l’administration Trump fait piteuse figure sur le terrain syrien malgré la rhétorique  anti-iranienne.

Un coup d’éclat diplomatique, mené par le sourire d’Ivanka serait le bienvenu pour la famille. D’autant plus que le voyage de Donald Junior en Inde prend décidément des allures de corruption pure et simple et qu’un progrès sur la Corée ne mettrait pas en opposition frontale avec la Russie , ce que manifestement il ne souhaite pas.

A suivre ?

Après la fusillade de Parkland, un regard sur l’histoire de la NRA.

Qui a dit « Je n’ai jamais cru au port généralisé des armes à feu »?

En 1938, devant le Congrès, Karl Frederick, ancien champion olympique de tir devenu avocat et … président de la National Rifle Association. L’organisation qui est aujourd’hui en tête du combat contre la réglementation de la possession des armes à feu vient de loin et n’a pas toujours été le repaire d’une bande d’extrémistes.

Comme je le pressentais depuis la tuerie de Las Vegas la question des armes à feu aux États-Unis d’Amérique a changé de tonalité. Le tableau complet mérite un examen détaillé qui mérite d’être découpé en plusieurs billets. Nous avons tendance à parler de manière binaire de la NRA et sans mettre en perspective son histoire et son insertion dans l’évolution de la politique et des opinions et nous nous interdisons par là de comprendre les enjeux.

Les origines.

On peut trouver sur Alternet un excellent article, clair et concis sur l’histoire méconnue de cette organisation créée après la guerre de Sécession dont il est utile de rappeler qu’elle est nommée Guerre Civile en version originale. Les deux vétérans nordistes de la guerre voulaient compenser le handicap de pratique des armes à feu du nord  plus urbanisé par rapport aux états plus ruraux du sud. Si la mission de l’organisation a dès le début pris pour cadre le Second Amendement celui-ci n’était pas compris comme il l’est aujourd’hui après le recentrage de 2008 par la Cour Suprême des États-Unis d’Amérique qui a consacré sa lecture comme le principe du droit des individus à l’armement personnel. Il s’agissait du droit à l’organisation armée collective des citoyens contre un état oppresseur (sous-entendu quelque chose comme la Couronne britannique). Pour certains cette manière de voir est simplement révisionniste mais elle aujourd’hui la loi.

L’activité principale des premières décennies de la vie de la NRA a consisté à organiser des clubs de tir permettant la pratique et la formation.

Les années 1920 et l »évolution vers le groupe de pression et les lois de contrôle des armes.

Plusieurs décennies durant la question des armes n’a pas fait polémique. On peut rappeler que la plupart des villes de l’Ouest sauvage des westerns imposaient en fait le dépôt des armes chez le shériff lors de l’entrée en ville. L’assassinat de personnalités politiques (au premier plan Lincoln) renforçait l’accord sur la nécessité d’une régulation civilisatrice.

Au début du vingtième siècle les dirigeants de la NRA participent à l’élaboration de lois fédérale sur le contrôle des armes à feu. Le type même de lois que l’organisation actuelle voue aux gémonies.

L’année 1920 est celle du début de la Prohibition qui déclenche la montée du banditisme associé initialement au commerce clandestin de l’alcool. Cette époque nous est connue par les romans et les films. Elle marque aussi l’irruption des armes automatiques dans la rue avec le massacre de la Saint-Valentin en tête d’affiche. La NRA a donc pris l’initiative de proposer des lois  obligeant à demander un permis pour posséder une arme à feu et punissant de prison les contrevenants. Et même plus : déclarer les vendeurs et imposer un délai entre l’achat et la livraison, des mesures qui sont pour la NRA d’aujourd’hui attentatoires aux liberté élémentaires.

La régulation passait aussi par des taxes importantes destinées à dissuader autant que possible. Ces mesures ont été confirmées unanimement par la Cour Suprême en 1939.

Dans ce cadre Franklin Roosevelt a d’ailleurs intégré le contrôle des armes à feu dans le « New Deal » avec le soutien de la NRA. Cet accord a produit deux lois : en 1934 le National Firearms Act et en 1938 le Guns Control Act (remplacé aujourd’hui par le Guns Control Act de 1968). Le contrôle fédéral est confié à un service du Trésor qui sera progressivement autonomisé pour devenir en 1968 l’ATF (Alcohol, Tobacco and Firearms) toujours au sein de l’administration fiscale. Après le 11 Septembre 2001 le service sera transféré au ministère de l’Intérieur (Department of Homeland Security) en 2002 et le terme Explosifs ajouté à la liste des missions.

Les années 1960, les Droits Civiques et le « coup d’état » de l’extrême-droite.

Le grand tournant dans l’évolution de la NRA se produit au cours des années 1960. Les années de luttes poiur les Droits Civiques laissent des traces. Malgré l’agitation provoquée par la lutte et même l’assassinat de John Kennedy la législation sur les armes ne change pas dans la première moitié de la décennie. Les assassinats de Martin Luther King et de Robert Kennedy semblent avoir joué un plus grand rôle. Les législateurs blancs ont été particulièrement sensibles à la position des Black Panthers qui revendiquaient le droits au port d’armes à feu pour la défense de la communauté noire. Ainsi Ronald Reagan alors gouverneur de Californie pensait qu’il n’y avait pas de raison pour qu’un citoyen se promène dans les rues avec une arme chargée.

En 1968 les contrôles ont été confirmés par une nouvelle loi, le Guns Control Act, qui reprend les règles de l’époque du New Deal. Les thèmes de cette loi sont encore  présents dans le débat actuel : âge minimum légal, santé mentale, interdiction aux repris de justice et aux drogués, traçage des armes par les numéros de série. La NRA a pu bloquer les mesures les plus fortes : registres national et permis fédéral obligatoire. Cette attitude montre une évolution dans la pensée de l’organisation.

L’année 1976, bicentenaire de la guerre d’indépendance, a été le cadre du changement dramatique qui transforme la NRA en groupe de pression extrémiste. L’exacerbation des tensions, entre autres raciales, dans le pays s’est reflété au sein de l’organisation. La création en 1975 d’un groupe de pression spécialisé dans l’intervention législative, l’Institute for Legislative Action, est déterminante. Cet institut est dirigé par un ancien de la Border Patrol, Harlon Carter.  Ce Harlon Carter est connu indirectement de ceux qui comme moi pensent que le grand disque rock de 2016 est l’American Band de Drive-By Truckers. La première chanson de l’opus, écrite et chantée par Mike Cooley, est titrée Ramon Casiano.  Cet adolescent mexicain a été assassiné par Carter qui a été plus tard acquitté pour légitime défense. La position éminente acquise par Carter lui permet dans les années qui suivent d’organiser un coup d’état pour prendre le poste de directeur exécutif de la NRA. L’organisation a depuis cette structure bicéphale. Un président qui assure la façade de représentation publique et un directeur exécutif qui dirige effectivement les opérations et donne le ton militant. Ce poste est occupé actuellement par Wayne LaPierre où il est secondé par la porte-parole Dana Loesch, une jeune femme. Sous la direction du libertarien Carter la NRA prend le visage qu’elle a encore aujourd’hui. et commence à participer au financement des campagnes électorales en même temps qu’elle mène une campagne idéologique autour du Second Amendement. Cette campagne sera couronnée de succès avec l’arrêt de la Cour Suprême fédérale qui valide et fait entrer dans la loi le principe du droit sans réel contrôle de chaque citoyen à posséder des armes. Cet arrêt de 2008 restreint considérablement les possibilités légales de réforme dans le sens d’un contrôle accru étant donné la bigoterie constitutionnelle du pays. Même si l’opinion évolue dans le sens du contrôle revenir sur cet arrêt demandera des années d’évolution des esprits puiqu’une décision de la Cour a force de loi.

La NRA vecteur de l’argent en politique.

Devenu un des premiers groupes de pression la NRA a naturellement fait passer l’argent de ses sponsors naturels les fabricants d’armes vers les candidats aux élections. Assez naturellement elle s’est tournée prioritairement vers les candidats Républicains par affinité idéologique mais aussi par contrainte géographique. Ainsi en 2012 88 % des candidats Républicains et 11 % des candidats Démocrates ont reçu de l’argent de la NRA. Les Démocrates sont en général des candidats de territoires ruraux où il est difficile d »être élu contre le lobby des armes à feu.

L’intervention de l’organisation ne se limite pas  aux élections. Elle tente d’occuper le maximum de terrain social. Elle a par exemple un accord avec les « Boy scouts of America » pour organiser des formations au tir chez les jeunes. Elle propose aussi des assistances pour sécuriser différentes zones comme les écoles.

Avec la libération de la circulation de l’argent dans le système politique par l’arrêt de la Cour Suprême Citizens United Versus FEC en 2010 au nom de la liberté d’expression (on ne ricane pas là-bas au fond) la NRA peut profiter de tous les financements à sa portée. Mais l’industrie de l’armement individuel ne se prote pas très bien. Des regroupements, voire des faillites ou le retrait de certains fonds de pension (en général de retraités de la fonction publique)  de l’actionnariat des fabricants d’armes assombrissent le paysage. Il n’est donc pas étonnant que d’autres pistes aient été recherchées.

La NRA et la filière russe.

Est-ce un hasard si l’actualité nous offre un des plus intéressants court-circuits du moment? Quand tout le pays se pose des questions dur l’ingérence russe dans l’élection de 2016 et la mise en cause fondamentale de la démocratie la piste russe se révèle remonter à plusieurs années dans le passé de la NRA.

Le site d’information sur le débat autour des armes à feu The Trace a ainsi remonté la piste russe.

En 2011 le président de la NRA est présenté à Alexander Torshin, sénateur proche de Poutine en vue de la création d’une sorte de NRA russe nommées Bear Arms par Marina Butina.

Les relations entre  les deux parties ne vont pas cesser. En 2013 Torshin est inquiété par les autorités espagnoles pour blanchiement d’argent mais cela ne l’empêche pas de devenir vice-gouverneur de la banque centrale de Russie en 2014. Les voyages et rencontres bilatérales se multiplient. Torshin et Butina participent à un banquet de donateurs de la NRA.

En 2016 Paul Erikson, vétéran Républicain et membre de la NRA, échange des emails avec un responsable de la campagne de Donald Trump à propos d’un « premier contact » avec Torshin.

En Janvier 2018 le site McClatchy  révèle que l’enquête du FBI  s’intéresse aux efforts de Torshin d’injecter de l’argent dans la NRA pour faciliter l’élection de Donald Trump.

En Février, Ron Wyden, sénateur Démocrate de l’Oregon demande au ministre des finances, Steve Mnuchin, de faire la lumière sur les liens financiers entre la NRA et la Russie.

Du groupe de pression citoyen à la corruption financière.

Le parcours de la NRA examiné avec un peu de recul montre un visage inattendu. Une organisation qui nait dans le désordre consécutif à une guerre civile meurtrière mais surtout dévastatrice pour le sentiment national se transforme au gré des soubresauts politiques et sociaux en machine de guerre de l’extrême-droite et instrument de canalisation de l’argent parfois douteux vers la politique.

Il ne faut pas perdre de vue par ailleurs que la NRA ne représente pas la majorité des possesseurs d’armes à feu du pays ni que ces armes sont inégalement réparties.

Mais la NRA incarne comme d’autres organisations non seulement les tares du système (l’argent roi, les inégalités,…) la profonde déchirure entre les groupes qui font le pays.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Et si malgré tout les réseaux sociaux servaient à quelque chose.

Après la tuerie de  Las Vegas en Octobre 2017 (58 morts 546 blessés) j’ai ressenti dans les réactions de l’opinion et des politiciens aux États-Unis d’Amérique quelque chose de nouveau mais après la fusillade de Floride tout s’est accéléré.

La tuerie de Las Vegas et ce qui change.

Souvenons-nous de la scénographie de ce soir d’Octobre 2017 Côté jardin la sombre haute silhouette de l’hôtel Mandala Bay. A ses pieds le grand espace ouvert de l’espace du concert qui attend son public. Un dispositif ne suffit pas à créer une dramaturgie. Il a besoin de personnage. Caché dans son haut château l’ange exterminateur prépare ses meurtrières alors que la foule des victimes expiatoires, gens ordinaires sans relation avec l’assassin, s’assemble et se réjouit. Rarement, si jamais, une scène de tuerie de masse à la mitraillette aura été si ouverte et si évidente, prête à être reproduite à l’envie sur les tous les écrans de diffusion de masse. Mais cette évidence n’aurait pas suffit si les gens n’avaient pas communiqué en temps réel les images et les sons du massacre. Autant, plus peut-être, que le nombre des victimes la mise en scène médiatique et la diffusion par les téléphones mobiles du vécu de l’intérieur des événements ont changé la perception par l’inconscient collectif.

Les jours suivant la NRA, le lobby des armes, et les habituels soutiens virulents du Second Amendement, se sont montrés curieusement modérés et discrets. La NRA a même fait mine d’être favorable à de nouveaux contrôles sur les achats d’armes à feu. Cela n’a pas duré plus que quelques jours. Comme l’explique « The Trace« , un des sites les plus intéressants parmi les résistants à la furie des armes à feu, l’émotion produite par ces massacres présente un profil particulier. Elle est immédiatement intense après chaque événement mais retombe très rapidement permettant ainsi la récupération par les discours politiques dès que la pression diminue.

La tuerie de Floride et les téléphones portables.

La fusillade de Parkland en Floride la semaine dernière semble à première vue très différente. Entièrement à huit-clos elle n’a pas donné lieu à la reproduction à grande échelle par les médias du théâtre des opérations. La diffusion en direct par les élèves de ce collège Marjory Stonewal Douglas a pris d’autant plus de relief en l’absence d’autres images. Un relief assez grand pour être perceptible jusqu’en France. J’avais remarqué la prestation d’Emma Gonzales, l’élève qui a interpellé Donald Trump pour ses liens avec la NRA. Mais le lendemain mon épouse m’étonne et me raconte la même histoire vue sur France Info. Les nouvelles ont donc été assez fortes pour traverser l’Atlantique. La passion salutaire de la jeune fille nous frappe en plein visage. Mais elle fait plus. Elle rapporte la somme des dons de la NRA pour le président au nombre de victimes et chiffre donc à 5800 dollars par personne le prix d’une vie. Elle personnalise et rend sensible le lien de l’argent politique avec les armes à feu. Les vidéos, parfois brutales, des salles de classe où résonnent les détonations exposent concrètement le déploiement de violence.  Cette violence apportée sous les yeux du plus grand nombre a donné naissance à un mouvement encore embryonnaire de résistance mené par de jeunes inconnus. Ils veulent pérenniser leur action par une grande marche sur Washington. Peut-être s’est-il vraiment passé quelque chose.

Et les Républicains, et la NRA ?

La NRA n’a pas toujours été le lobby qu’elle est actuellement. D’ailleurs la majorité des possesseurs d’armes  (85%) non membres de la NRA seraient favorables à des contrôles renforcés. C’est autour de 1977 qu’une fraction d’extrême-droite y prend le pouvoir de fait tout en laissant les postes les plus représentatifs à des personnalités plus respectables comme Charlton Heston. Mais l’évolution la plus significative est dans doute l’irruption de l’argent de l’industrie des armes qui se met à couler à flot. La NRA peut ainsi plus facilement intervenir auprès des parlementaires pour modeler les lois sans tenir compte de la représentativité réelle de l’association. Et récemment la patte de la Russie dans le financement de la NRA aurait été identifiée par le FBI. comme cible légitime d’investigation.

L’impact de la tuerie de Parkland propagé par les réseaux sociaux et porté par le jeunesse a eu suffisamment de force pour ébranler la muraille Républicaine. Le gouverneur de l’Ohio, John Kasick, un des ténors Républicains les moins virulents, en a profité pour se rappeler au bon souvenir de ses compatriotes en proclamant la nécessité d’une réforme de l’accès aux armes à feu. Mais la confirmation ultime est venu de sa majesté Donald Trump lui-même qui vient de faire dire par le porte-parole de la Maison Blanche que des améliorations des contrôles des antécédents des acheteurs d’armes sont nécessaires. Comme d’habitude cette intervention est motivée principalement par l’opportunisme mais cela même montre combien la question est sensible.  Si la question reste au premier plan des discussions et surtout si la marche des jeunes pour le contrôle des armes à feu se tient il sera clair que les choses bougent. Et pour la première fois depuis des décennies une mobilisation autonome de la jeunesse, hors des encadrements politiques classiques se dessine.

Remarques :

Aussi spectaculaires que soient les tueries de masses elle ne représentent que 4 pour cent des morts par armes à feu dont la plus grande partie consiste en suicides.

La proportion des armes semi-automatiques parmi les meurtres montre que l’interdiction aux civils de ces armes serait une parade efficace.

Quelques sources d’information au sujet des armes à feu et des tueries :

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La honte

Après leur entrée en retraite il y a quelques décennies mes parents se sont lancés dans la généalogie, activité fort en vogue à l’époque. Des annes durant ils ont cherché, visité des archives, déchiffré des documents. Ils ont profité de l’exploration de la branche picarde de la famille de mon père pour visiter les église de Thiérache ou les hortillonnages d’Amiens.  Ils ont ainsi pu produire une respectable somme d’informations et se poser à l’occasion des questions sur la conformité des filiations naturelles avec les filiations officielle.

Ma mère maintenant fatiguée ne se déplace plus mais se tient au courant. Elle reçoit en particulier une publication nommée « Le généalogiste picard ». Actualité oblige les dernières livraisons publient la généalogie de l’amienois  devenu président de la République. Curieuse ma mère explore ces données et repère des noms connus. Elle reprend ses propres travaux et confirme la concordance.

Oui, l’horreur!  J’ai bien des ancêtre en commun avec Emmanuel Macron. Je peux me consoler en constatant que cela remonte à plus de deux siècles ou que sur un territoire donné si vous considérer une distance temporelle suffisante tout le monde descend de tout le monde. Il y a quand même des indignités dont on préférerait se passer.

Kim et Donald jouent et le monde tremble.

Kim-Jong-Un a gagné une manche de la bataille médiatique autour des Jeux Olympiques d’hiver. Mais chaque défaite de Donald Trump aggrave les risques de surenchère et de perte de contrôle.

On se demande de plus en plus souvent à quoi peuvent bien servir les Jeux Olympiques. La « victoire » de Paris pour l’obtention des Jeux de 2014 est le dernier avatar de la ridicule course au douteux honneur de gaspiller nos ressources. Et pourtant les Jeux en Corée du Sud fournissent la scène d’un théâtre politique intéressant.

Premier round, avantage Kim.

Alors que Donald Trump n’en pouvait plus de rouler les mécaniques du bruit et de la fureur destinés à anéantir la Corée du Nord Kim-Jing-Un a gagné la bataille médiatique. Trump battu au jeu dont il se sent le maître (comme de toutes choses par ailleurs) rumine peut-être la vengeance qu’il pense sans aucun doute mériter. L’agitation provoquée autour de la Maison Blanche par les questions de harcèlement sexuel le détourne peut-être de la scène internationale mais il y reviendra assurément. Ne serait-ce que par besoin de faire diversion.

Le coup a été magistralement jouée par les dirigeants nord-coréens. Les annonces d’ouverture envers le Sud avec la participation aux Jeux, l’équipe conjointe, les entraînements mixtes sur les deux territoires ont été distillées au bon rythme, une surprise après l’autre. Les pom-pom girls nord-coréennes peuvent même être considérées comme un clin d’œil ironique en direction de Donald Trump. La manœuvre s’est poursuivie jusqu’à la cérémonie d’ouverture avec la sœur de Kim, tailleur stricte et sourire juste assez réservé pour envahir tous les écrans reléguant le vice-président des États-Unis d’Amérique dans un coin des écrans de la multidiffusion mondiale. Les réalisateurs l’ont même écarté de l’essentiel des prises de vue. Pour voir Mike Pence et sa femme il fallait plutôt consulter les médias américains. Comble d’ironie la plupart des photos que j’ai vues les montrent tous les deux dans un coin du cadre, isolés par la technique même. Pence n’a pu du reste qu’étaler sa suffisance ne se levant que pour le passage de sa délégation. Même certains athlètes de son pays lui ont fait l’affront de ne pas le rencontrer comme Adam Rippon, patineur homosexuel refusant de serrer la main du bigot.

Le message retransmis par toutes les télévisions du monde est donc en opposition avec la posture belliqueuse de l’administration Trump : les deux Corée sont sur le chemin du dialogue. Personne n’est dupe de cette phase essentiellement tactique des opérations. Mais même Pence a du admettre que la porte de la négociation restait ouverte. Il a rappelé au passage que tout devait être sur la table -sous-entendu la dénucléarisation de la Corée du Nord- sans insister outre mesure.

Le nucléaire nord-coréen.

Si la Syrie semble devenir un terrain d’affrontements plus chaud ces derniers jours avec la confrontation de plus en plus directe entre armes russes et celles des États-Unis d’Amérique il n’est pas exclu que la Corée revienne au premier plan rapidement.

Je fais partie de ceux qui pensent que la nucléarisation militaire de la Corée du Nord n’est pas négociable pour le régime car elle représente la garantie de sa survie qui est son objectif prioritaire. La réunification vient bien loin derrière et pose de telles questions que l’envisager à court terme n’est pas raisonnable. Il n’est par contre pas impossible qu’elle se produise plus tôt que nous ne l’attendons -rappelez-vous l’Allemagne- mais ce serait à la suite d’événements impossibles à prévoir dans le détail. Une Corée du Nord reconnue de fait dans sa légitimité de puissance nucléaire ne serait plus le même facteur d’instabilité mais deviendrait peut-être plus instable intérieurement car confrontée à l’impatience de la population.

Mais la question du nucléaire nord-coréen est plus vaste. De quel droit les grandes puissances pourraient-elles interdire aux petits de faire ce qu’elles ont réalisé : se doter d’armements nucléaires? Du droit du plus fort évidemment. Est-ce moralement et pratiquement tenable?

Personne aujourd’hui ne discute les dizaines ou centaines de bombes nucléaires d’Israel, tout aussi illégales au regards des procédures internationales que celles des nord-coréens. De plus le laxisme vis-à-vis d’Israel montre l’asymétrie de jugement si on considère l’accord sur le nucléaire iranien. Malgré tout je pense que cet accord a permis de diminuer les risques de conflit majeur et qu’il représente dans la pratique un progrès qui nous écarte de la rhétorique belliciste d’un Donald Trump dont la pensée binaire consiste à résoudre in fine les différents par la force. Allons-nous regretter l’équilibre de la terreur du temps quand la guerre froide équilibrait peu ou prou les menaces ?

Les enjeux d’une nouvelle guerre en Corée.

Et que pourrait-il se passer si la situation dégénérait et que la guerre ouverte éclate ? Vox a tenté de répondre à la question. Au passage on peut remarquer les bisbilles entre médias de gauche avec la réaction publiée sur Alternet aux articles de Vox jugés pro-gouvernementaux.  L’hypothèse qui semble la plus probable serait celle d’un frappe des États-Unis d’Amérique destinée à éliminer les capacités de frappes nucléaires du nord. Ces frappes ne devraient pas être nucléaires (ou de petites bombes nucléaires tactiques)  pour au moins faire mine de rester dans une relative réserve et pourraient utiliser des bombes de masse comme celle larguée  en Afghanistan il y a quelques mois. Le jeu est plus que risqué car non seulement il faut éliminer toutes les capacités de riposte nucléaire mais aussi toutes les capacités de riposte conventionnelle et détruire la chaine de commandement. C’est probablement impossible. Les capacités d’attaque conventionnelles et chimiques de la Corée du Nord viseraient en réponde les troupes US en Corée du Sud, la ville de Séoul, le port de Pusan au Sud, indispensable au débarquement de moyens militaires mais aussi probablement en fonction des moyens restant la Japon et l’île de Guam. Les pertes se compteraient en centaines de milliers de morts. Voire en millions.

Le pire est encore à venir. Il vient de Chine. On peut prévoir que les chinois, même s’ils n’apportent pas d’aide militaire active directe aux nord-coréens n’accepteront pas de voir s’installer les États-Unis d’Amérique à leur frontière et occuperont le nord. Ils créeront ainsi une nouvelle situation d’affrontement direct entre les deux plus grandes puissances économique du monde actuel. La géographie leur donne un avantage logistique dans l’occupation du terrain de la Corée du Nord où ils devraient battre leurs concurrents de vitesse. Le résultat serait une frontière directe entre la Chine et le pays de Trump forcément omniprésent sur les ruines d’une Corée du Sud dévastée là où aujourd’hui la Corée du Nord sert de tampon. Instabilité et insécurité garanties. Quant aux répercussions sur l’économie mondiale …

 

Et si, pour changer, on parlait de Donald Trump.

Après environ deux années de tumulte, une campagne électorale chaotique et une première année de mandat qui ne l’a pas moins été il est temps de faire l’effort de sortir des postures indignées et de la réaction systématique aux outrances de Donald Trump et de ses amis. Reprendre l’initiative implique de ne pas se cantonner à ces attitudes mais peut-être aussi devons nous tenter de comprendre le tableau qui se dessine devant nos yeux et comment il a pu se construire au fil du  temps.  L’étonnement devant le comportement de Trump comme président nous conduit a nous retourner vers le passé et à interroger les biographies de ses prédécesseurs dans l’espoir d’en tirer des enseignements comme le fait Karen Greenberg dans The Nation.

Un regard en arrière.

S’appuyant sur des ouvrages antérieurs à l’élection de 2016 (« The impossible presidency : the rise and fall of America’s highest office » par Jeremi Suri et « Presidential power and the modern president » par Richard Neustadt) elle nous invite à relire l’histoire de la fonction présidentielle telle que l’évolution du pays la modèle. Elle avance l’idée d’une lente ascension de la fonction qui culmine avec F.D. Roosevelt avant de dégringoler  inexorablement depuis. Que le livre de Suri ait été écrit avant la prise de pouvoir de Donald Trump mais relève les signes avant-coureurs de la crise dans une extension des pouvoirs présidentiels qui déborde le cadre constitutionnel et même démocratique donne à penser.

La première inflexion date de l’élection d’Andrew Jackson, loué par Donald Trump pour d’obscures raisons, le dernier président issu de la génération de l’Indépendance (il n’a que 13 ans au moment du Congrès de Paris mais sa famille a activement participé à la guerre). La population a considérablement augmentée sous l’effet principalement de l’immigration venue d’Europe. L’économie du pays s’est structurée. Jackson donne l’impulsion décisive à la fonction présidentielle en fondant sa légitimité sur le rapport au peuple et l’élection et rompt avec le système antérieur dans lequel elle venait plutôt des textes fondateurs. Il ouvre ainsi l’ère de la « démocratie présidentielle » (à la différence d’une « démocratie avec un président ») dans laquelle le choix ne se fait plus à partir de la cooptation entre les notables de la Nouvelle Angleterre. Jackson a d’ailleurs exprimé son hostilité au Collège Électoral et même au cumul des mandats dans le temps. Propriétaire d’esclaves il a promulgué le « Indian Removal Act » qui institue le parcage des amérindiens dans les réserves et officialise en fait le génocide. Après sa présidence il a soutenu le vol du territoire du Texas. Il l’avait préparé en reconnaissant la sécession de la  République du Texas du Mexique fomentée par des colons esclavagistes le dernier jour de son mandat de président. L’émancipation de la couronne britannique acquise la nation se construit par la politique intérieure et l’affirmation du pouvoir présidentiel.

Lincoln, encore une fois statufié récemment par Spielberg, poursuivra en transformant le drame de la guerre civile, la Guerre de Sécession, en renaissance nationale. Sanctifié par son assassinat Lincoln est ensuite consacré comme un nouveau père d’un pays indéfiniment orphelin par le mémorial de Washington et sa statue monumentale.

L’ascension finale se fait finalement d’un  Roosevelt à l’autre. Theodore, spécialiste de la Marine et ancien participant à la guerre de Cuba, ramène la dimension internationale dans l’exercice présidentiel, suivi par Woodrow Wilson avec la première guerre mondiale. Mais c’est Franklin Roosevelt qui définitivement fait entrer une réflexion globale, mondiale et économique à la Maison Blanche. Alliant la sortie de la crise économique et sociale des années 1930 à la direction politique du monde occidental cette présidence construit l’image que nous connaissons. Mais la complexité technologique du monde, la taille du pays et de sa population ont pour résultat un appareil tentaculaire, en compétition avec ceux des états. La tâche devient alors, selon Suri, insupportable pour un seul homme. Quoi qu’on pense de cette analyse on constate que les successeurs vont gérer la charge chacun avec leurs limites. Truman assure la transition, Eisenhower arbitre pour assurer l’après seconde guerre mondiale. Kennedy tente de retrouver la grandeur par l’hyper-activité et Johnson sombre sous le poids des responsabilités. Quand vient le tour de Reagan il tente de tenir l’image présidentielle en simplifiant la fonction. Et la dégringolade continue avec les suivants dont les Bush.

L’avènement de Donald Trump pourrait donc être une évolution annoncée par la dégradation d’une institution qui a perdu sa force et sa légitimité dans l’esprit des citoyens électeurs.  Le défi réel que poserait alors le symptôme  Trump ne serait pas son remplacement personnel mais la refondation de la fonction présidentielle et de l’ensemble du système de gouvernement.

L’avènement de Donald Trump.

L’arrivée du Donald a été amenée aussi par des évolutions sociales et économiques des décennies précédentes.

Les  réformes de Reagan et le triomphe du néolibéralisme ont préparé l’élection de 2016, facilitée par l’absence de projet alternatif. Même Barack Obama dont l’élégance racée nous a tous séduits n’est pas vraiment autre chose en économie qu’un néo-libéral « modéré ». Même l’Obamacare, système de compromis mis en œuvre dans son état par Mitt Romney quand il était gouverneur, n’est pas une solution intrinsèquement progressiste quels que soient ses avantages car elle ne fait que limiter les dégâts sociaux et ouvre grand la porte aux profits privés sur le dos de la population laborieuse.

La médiatisation croissante de la vie publique parachevée par l’Internet a changé les règles des campagnes politiques sans que les anciens politiciens n’aient encore pris la mesure des changements. Il ne suffit plus d’être télégénique mais il est maintenant nécessaire d’être un bateleur accompli, qui parle à l’émotion avant l’intelligence.

Au total la campagne électorale de Donald Trump s’est déroulée sur quatre phases. L’annonce de la candidature a eu lieu en Juin 2015 mais son positionnement politique, la première phase, s’est étalé sur près d’une décennie. Parti d’une position supposée plus ou moins Démocrate vu sa relation mondaine avec les Clintons et une bonne partie de la bonne société libérale de New-York d’une part et ses positions non-conformistes en matière de mœurs d’autre part il révèle son fond de pensée profondément réactionnaire et même raciste avec l’affaire des « Cinq de Central Park » et la campagne sur le lieu de naissance de Barack Obama qui le positionne comme « nativiste en chef ». Il n’a donc pas de choix il ne peut venir en politique que sous l’étiquette Républicaine. Les récentes déclarations de Donald Junior avec les allusions à McCarthy et aux communistes  montrent de plus que la culture politique de la famille est résolument ancrée très à droite.

Dès la déclaration de candidature le ton est donné. La campagne sera offensive, voire offensante, anti-immigrés, anti-élites, en deux mots populiste de droite. Trump déploie consciencieusement ses thèmes personnels dans cette phase qui précède les primaires. Elle lui a permis d’imposer les thèmes de la campagne, pas ceux qui allaient faire les grands débats mais ceux qui allaient faire la différence dans les franges critiques de l’électorat, les quelques pour cents qui emporteraient les états critiques de la Rust Belt. Imposant ses thèmes à des contradicteurs qui ne  jouent pas ce jeu dont il impose les règles et qu’ils ne comprennent pas il les contraint à réagir au lieu de développer positivement leurs propres thèmes.

Et là le jeu change. Lors des élections présidentielles la campagne des primaires devient de plus en plus la réelle campagne électorale et dure plus longtemps (de Février à Juin et même aux Conventions de Juillet ou Août ). En 2016 du fait du nombre de candidats et de la volonté même de Donald Trump cette campagne des primaires Républicaines a été essentiellement un spectacle, un spectacle d’estrade diffusé sur les écrans. On se souvient des prestations de Trump qui élimine ses concurrents Républicains l’un après l’autre avec suffisamment de brio pour garder la main et être en mesure de choisir son vice-président et de gagner la Convention sans se laisser imposer quoi que ce soit par les instances du parti.

Conformément au scénario établi depuis des années la campagne officielle, entre les Conventions et le jour de l’élection, a été moins riche en événements que les phases précédentes. Les débats télévisés face-à-face ont montré un Donald Trump moins à l’aise dans l’exercice qu’il ne l’était dans le pugilat sans contrainte des débats des primaires qu’il dirigeait de fait. Hillary Clinton a ainsi pu paraître gagner ces débats pour ceux qui les ont évalués sur les seuls critères du débat d’idées et de l’argumentation. On sait maintenant que ce jeu-là n’était pas le bon, que l’élection ne s’est pas jouée sur la logique.  Au bout du compte cette période a surtout été marquée par les interventions de James Comey qui ont pu avoir un effet sur le résultat (Kevin Drum de Mother Jones a mis en évidence un effet probable des deux interventions de Comey sur les sondages). La faiblesse politique de Clinton mariée au président qui a initié l’accord de libre-échange nord-américain et restait marquée par ses attaches avec la finance ne lui permettait pas de réunifier l’électorat Démocrate ni de retenir les électeurs attirés par le populiste de son adversaire.

La première année du président Donald Trump.

Le bilan de la première année de la présidence est connu. Donald Trump et les Républicains ont dépensés des mois a tenter d’abolir l’Obamacare en vain.  L’enquête de Robert Mueller sur l’ingérence russe est venue obscurcir le paysage. Au fil des mois l’action du président a rejoint les thèmes classiques du Parti Républiain et Trump a largement renoncé à ses promesses de campagne. La fin de l’année a vu se finaliser complètement l’accord entre les deux avec le vote et la promulgation de la réforme fiscale. Trump a donc conquis le parti en s’alignant. En échange les Républicains protègent Trump des attaques des enquêteurs à propos des relations de la campagne de 2016 avec la Russie mais également des investigations sur la famille Trump et ses finances qui pourraient constituer le réel point faible.

La prédominance de la Maison-Blanche dans le système politique préserve à Trump un avantage. L’instabilité de l’ensemble reste forte  du fait de l’imprévisibilité de Donald Trump mais aussi du poids des militaires faucons  (Kelly, McMaster) dans son entourage. Ils sont les vrais maîtres de la politique étrangère et aggravent le risque de conflit en cas d’incident fortuit (Corée, Iran, Syrie).

Sauf événement de ce genre les élections de mi-mandat en Novembre seront le moment de vérité. Si le Parti Républicain paie dans les urnes le prix (comme le suggère Jeet Heer dans un article récent de The New Republic) pour avoir sauvé le soldat Trump l’ensemble de l’édifice pourrait s’écrouler.

 

 

 

 

A propos du mémorial de Lincoln, quelques images.

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