DOMINIC77

Un peu de tout

Month: mars 2022

Crise russe : que signifie-t-elle?

La crise russe révèle l’état du monde que nous voulions ignorer. La dissuasion nucléaire ne fonctionne plus. Les Nations Unies sont cassées. Le militarisme est en roue libre contre la démocratie.

 

Le réveil est sévère. Pourra-t-il être salutaire? Endormis dans nos illusions généreuses d’enfants de l’après seconde guerre mondiale nous n’avons pas voulu croire au pire. Il est donc advenu.

La fin de la dissuasion nucléaire.

La guerre.

La destruction d’habitations, d’écoles, de routes, d’ouvrages d’art. La brutalité de l’offensive russe mise en échec par la résistance nationale des ukrainiens a ramené l’état-major et le président russes à la réalité. Ils n’ont donc plus  d’autre option dans leur logique qu’encore plus de brutalité aveugle au risque d’avoir à se dédire.

Comment faire entendre une voix pacifique dans un contexte où ne résonne que le bruit des des explosions et ne s’entend que la logique de la force?

Nous ne sommes plus au temps de la recherche des causes ni même aux illusoires  justifications par le droit. Déclarer que Poutine a violé les règles internationales est-il autre chose qu’une excuse pour ne pas dire que les troupes russes assassinent des ukrainiens qui ne les ont pas agressés?

La seule réponse possible serait-elle donc vraiment  d’opposer aux envahisseurs encore plus de forces de destruction? Et d’autre part pouvons-nous laisser les assassins gagner?

Dans le contexte de l’équilibre de la terreur constitutif de la guerre froide la crainte de destruction mutuelle assurée provoquait la retenue. Cette crainte apportait la conviction que personne n’appuierait sur le bouton rouge. Il a suffi que l’un des protagonistes convainque les autres qu’il est assez déterminé, convaincu de son bon droit pour le faire. Et tout le système de la dissuasion est par terre. Il ne fonctionne pas. Il est devenu intrinsèquement inopérant et la démence supposé d’un protagoniste ne constitue pas une explication.

Quand nous serons sortis de la phase aigue  de la crise, si nous en sortons, construire un nouveau système ne sera pas facile, ne sera pas rapide. Pour être réaliste il devra en finir avec le nucléaire et avec les égoïsmes (économiques) nationaux.

La fin des Nations Unies.

En même temps que le système de la dissuasion le système des canaux de dialogue qui permettaient au monde de vivre vaille que vaille ont été gravement endommagés. L’Organisation des Nations Unies fournissait un cadre reconnu, plus ou moins bancal mais réel, de discussions et de présentation aux opinions publiques.

La dimension du spectacle l’a définitivement emporté. Sans doute depuis la pitoyable prestation de Colin Powell présentant sa preuve des armes de destruction massive  qui visait à justifier l’invasion de l’Irak voulue par le  Petit Bush.  Cette invasion a d’ailleurs certainement joué un rôle déclencheur  dans l’esprit des dirigeants russes. La puissance dominante pouvait en faire à sa guise, envahir qui elle voulait et en particulier un pays souverain riche en hydrocarbures.

L’organisation même des Nations Unies dirigées par un Conseil de Sécurité archaïque avec son système des vetos issu de l’équilibre précaire de la guerre froide a beaucoup servi aux ténors des grands pays pour montrer leurs muscles à leurs populations et celle des états amis et clients sans toujours prendre en considération les conséquences internationales.

Forts de leur passé colonialiste et impérialiste les états occidentaux n’ont pas voulu voir la dégradation de leurs positions. La France a laissé la Russie coloniser la quasi-totalité de son ancien empire africain avec une force militaire occulte et violente. Les Etats-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni n’ont pas vu la Chine pourtant vaste effectuer une OPA  massive sur des terres agricoles africaines et même sud-américaines.

Obsédés par une lutte militaire frontale contre  un islamisme envahissant les puissances occidentales ont renoncé ce qui aurait pourtant du être l’arme préférentielle des tenants de l’économie libérale : l’intégration à la communauté des nations par le développement.

Les canaux de dialogue multilatéraux vidés de leurs efficacité, réduits à la fonction d’écrans médiatiques et la mise au premier plan du commerce des armes comme outil de collaboration économique ont entretenu la guerre des civilisations dans un monde qui n’a jamais tiré leçons du passé colonial.

Au sein même du continent européen on a voulu faire passer la construction bureaucratique d’un ensemble essentiellement économique vidé de tout contenu politique pour une avancée démocratique majeure. Il n’était pourtant pas besoin de fortes lunettes pour voir que cela menait au gouvernement pas les lobbyistes et non par les peuples.

La destruction des canaux de dialogue, l’affaiblissement du débat politique, le primat du commerce dont celui des armes ont permis la montée en puissance d’une Chine aveugle aux droits humains et la résurgence furtive d’une Russie revancharde. Nous devrons maintenant faire avec.

La peur qui conduit au militarisme.

Pour les peuples, pour nous gens ordinaires, il ne reste que la crainte, la peur des bombes, peut-être nucléaires, sur nos enfants. L’effroi à l’idée d’un futur à jamais compromis que mes petits-enfants pourraient ne jamais connaître.

Cette peur justifie toutes les aventures militaristes, l’armement généralisé. Elle va renforcer un complexe militaro-industriel qui n’en avait pourtant pas besoin. Elle fait taire toutes les oppositions, fait réélire les gens en place, chloroforme le débat politique et fait accepter la militarisation sociale. En cela Poutine, Lockheed-Martin (société de l’armement) et Xi-Jiping sont objectivement  complices. Cette militarisation généralisée ne peut conduire qu’à un accroissement des tensions et des affrontements. Elle efface la souveraineté populaire.

La démocratie ne  peut vivre que dans la paix. La paix seule peut nous permettre de verdir notre économie avec la nécessaire fin des carburants fossiles et nucléaires (dont la guerre en Ukraine vient de nous rappeler le danger). Le complexe militaro-industriel est au cœur  des économies développées. Aussi longtemps qu’il occupera une position dominante nous serons en danger permanent.

Si nous ne substituons pas les Droits Humains au profit dans l’échelle de nos priorités nous sommes foutus.

Crise russe : Avons-nous un autre choix que la retraite ou l’apocalypse?

Il y a quelques jours j’ai publié un billet provocateur  sous le titre « crise russe : pourquoi faisons-nous comme si l’Ukraine existait encore? ». J’espérais bien un peu être un Cassandre ridicule après  quelques temps.

Le récent entretien de Noam Chomsky lu sur Truthout  et traduit sur ballast.fr va dans le même sens. La conduite obstinée des opérations par l’armée russe et la cohérence des affirmations de Vladimir Poutine confirment la bien étroite fenêtre des possibles.

Comment en sortir.

Si nous examinons les issues possibles elles semblent se circonscrire autour de trois possibilités.

1-L’apocalypse.

A court terme l’affrontement escalade quelles que soient les circonstances, des incidents non prévisibles ou le jusqu’auboutisme de russe surtout si Vladimir Poutine se sent coincé dans une impasse sans issue.

2-Un apaisement plus ou moins provisoire.

Il se paiera obligatoirement de concessions à la partie russe. Elles sont sans doute inévitables ainsi qu’une porte de sortie pour Poutine. Le statut de l’Ukraine devrait être le principal objet de tractations. Elle n’achapera pas à une démilitarisation. Cette issue sauverait des vies mais accorderait une victoire de court terme aux assaillants.

3-Une forme de coup d’état en Russie qui élimine Poutine.

Cette situation extrêmement improbable dans le court terme ne garantirait pas une évolution vers la situation & dans la période d’instabilité qui s’en suivrait. Le déclenchement de l’attaque sauvage sur l’Ukraine n’a été possible que quand la direction poutinienne s’est jugée à l’abri de cette hypothèse.

La situation au soir du 5 Mars.

La principale caractéristique de la situation est que Poutine est allé trop loin pour reculer. Plus les sanctions auront des effets ressentis par la population russe plus il se sentira obligé d’aller plus loin, plus fort pour présenter des résultats probants à ses compatriotes.

Il joue de ses armes et en particulier de la menace nucléaire comme d’un coup à plusieurs bandes. Il vise non pas ses interlocuteurs homologues mais bien les opinions publiques, vous et moi. Nous faisant peur il pense que nous ferons pression sur nos gouvernants pour accepter ou offrir des concessions et moins soutenir les ukrainiens. Nous sommes encore dans la phase d’escalade dont les ukrainiens font les frais. Les difficultés que semblent rencontrer l’armée russe à ce stade incitent Poutine à à insister à ce stade dans lequel il mène la danse. Il est possible qu’avec le temps son état-major et son environnement puissent lui faire prendre en compte la réalité. Mais même dans cette situation il ne se retirera pas sans concessions.

Les possibles médiateurs.

Dans une situation bloquée l’intervention de tiers peut faciliter l’évolution vers une sortie acceptable par tous. Dans l’état actuel d’extrême violence sur le terrain le passage à une autre phase sera obligatoirement difficile à organiser. Plusieurs acteurs pourraient être en position d’intervenir de manière plus ou moins formelle.

1-Le premier ministre israélien a visité Poutine ce jour et lui a parlé trois heures avec sinon une sorte de mandat informel des Etats-Unis d’Amérique du moins leur bénédiction (The guardian). Bennett s’est ensuite entretenu au téléphone avec Volodymyr Zelensky avant de partir à Berlin rencontrer Olaf Scholtz. Le gouvernement israélien dirigé par l’extrême-droite figure parmi les rares en situation de parler avec la plupart des parties.

2-Le président turc, Erdogan, a manifesté sa disponibilité à servir de médiateur si une opportunité s’ouvrait. Allié  plus ou moins stable de Poutine la Turquie a fourni à l’Ukraine des drones qui se sont révélés efficaces dans les opérations militaires.

3-Il existe un troisième médiateur possible, encore dans l’ombre, l’Iran. Allié de la Russie sur le terrain moyen-oriental (Syrie)  l’Iran est engagé dans une négociation de longue haleine pour la réactualisation de l’accord sur le nucléaire. Pour les occidentaux européens, s’ils voulaient bien abandonner la rigidité de leurs positions idéologiques dans ce  dossier, l’opportunité de récupérer une source majeure alternative à la Russie d’approvisionnement en hydrocarbures et d’ébranler la relations russo-iranienne présente des enjeux majeurs. Les russes et les chinois se sont d’ailleurs inquiétés de la préservation de leurs relations commerciales avec l’Iran dans le contexte des sanctions du dossier ukrainien. Les  Etats-Unis d’Amérique moins touchés par la dépendance au pétrole et au gaz russe seront sans doute moins sensibles à cet aspect.

A suivre…

Crise russe : pourquoi faisons-nous comme si l’Ukraine existait encore?

L’Ukraine est perdue. Les seules inconnues sont le nombre d’heures et le nombre de morts. Il ne nous reste que la durée pour panser les plaies et reconstruire la paix.

Je comprends qu’il est difficile de faire le deuil de nos amis pas encore massacrés par les hordes tsaristes. Mais rien ne peut à ce stade (01/03/2022) empêcher l’écrasement de la résistance ukrainienne. Après un premier loupé poutinien, un péché d’orgueil qui a surestimé sa capacité à faire peur à la fois aux ukrainiens et aux opinions occidentales. Les chefs d’état il est certain à raison de pouvoir les manœuvrer comme notre petit marquis vient d’en faire la preuve pratique.

Reconnaître la défaite des ukrainiens signifie reconnaître la nôtre. Défaite stratégique de long terme en même temps que défaite tactique sur les différents terrains campagne après campagne : Lybie, Géorgie, Ukraine 2014, Afrique occidentale et centrale. Faire ce pas revient à faire amende honorable et oblige à repenser notre modèle de pensée. La démocratie et l’universalisme ne seraient-ils plus les vendeurs universels d’influence?

Le réalisme oblige à reconnaître que dans les conditions actuelles Poutine a réussi à conquérir militairement l’Ukraine et que nous ne pourrons rien faire de sérieux conte cela. Tout au plus allons-nous tenter de sauver quelques miettes et quelques apparences, peut-être sauver la vie de Wolodymyr Zelenski et de sa famille. Dérisoire cadeau que le tsar pourrait accorder dans sa grande mansuétude.

Que pouvons-nous faire?

Inscrire l’Ukraine dans la colonne des pertes ne signifie pas cependant nous résigner. Mais il ne nous reste que le temps long. Celui de la reconstruction d’une paix qui passera obligatoirement par le retrait et la chute de l’équipe actuelle du Kremlin. Endormis dans nos certitudes, celles que nous a injecté le néolibéralisme, la conviction que le « doux commerce » devait résoudre tous les conflits et nous mener à la concorde universelle.

J’ai soixante-quatorze ans. Je n’ai plus l’espoir de passer à mes petits-enfants un monde plus apaisé que celui pour qui mes grands-pères ont vu leurs jeunesse massacrée par la première guerre mondiale.

Si nos dirigeants voulaient bien être réalistes sur la question énergétique avant d’être stupidement idéologiques à la manière trumpienne ils se hâteraient de remettre en activité l’accord sur le nucléaire iranien. Ce mouvement aujourd’hui pas facile pour la morgue de certains me semble être la premièe porte de sortie effective à relativement court terme. Les effets devraient en être multiples: amoindrir la dépendance aux hydrocarbures russes, distancer l’Iran de son partenaire russe et prendre les mollah au piège du développement et de la démocratie.

Et au-delà travailler jour après jour.

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