Le 5 Décembre a commencé un cycle dont nous ne connaissons pas la durée mais dont nous sentons tous qu’il est important. Vous entendez parler de la renaissance des syndicats, d’un monde que vous ne connaissez pas vraiment. Si je vous disais que de toute ma vie militante les moments de plus intense amitié humaine je ne les ai pas vécu dans les actions d’exaltation politique mais bien dans les actions collectives syndicales. Je n’ai pourtant pas vécu de légendaires piquets de grève attendant la milice patronale autour d’un brasero dans le froid d’un hiver glacial. Je me souviens plutôt de séances amusées de pliage de tracts dans le local, de distributions à la gare ou devant une usine, de manifestations chaleureuses. Ensemble nous défendions notre vie, celle des copains. Les grandes théories s’oubliaient, chassées par l’intensité d’un moment de partage.

J’entendais hier sur une quelconque chaîne de télévision une commentatrice oser dire à peu près : « … ce n’est pas une réforme pour vous piquer le fric de votre retraite ». Bien sûr que si même s’ils déguisent le mauvais coup sous l’alibi de la justice et de la revalorisation des petites pensions. Mais le pire est ailleurs. L’attaque est politique avant d’être économique. Le point saillant de la modification réside dans le pouvoir donné au gouvernement de fixer la valeur du point qui fera le niveau réel des pensions. Inutile de dire que la sacro-sainte réduction des déficits sera invoquée pour nous mettre tous au régime sec et laisser encore plus d’argent prendre la direction des poches les plus riches. Passant d’un système de négociations entre partenaires sociaux à un système de pouvoir absolu du pouvoir politique on nous a dépossédé du peu de pouvoir que nous avions. Caché sous une apparence technique une véritable révolution politique qui n’ose pas s’avouer se met en place.

Nous assistons au dernier avatar venu de la longue guerre entre le pouvoir de l’argent, que nous appelons le capital et nous, les gens ordinaires désignés comme le travail. En France cette lutte a trouvé un équilibre après la seconde guerre mondiale avec le programme du Conseil National de la Résistane et sa mise en œuvre par le gouvernement d’union dirigé par le général de Gaulle. Cet équilibre résidait dans le fait que le travail décidait que parmi les sommes allouées par le capital en échange du labeur quotidien une partie n’est pas immédiatement versée aux gens qui travaillent. Elle est répartie dans l’espace pour protéger des accidents de la vie sous la forme d’assurance maladie et d’assurance chômage. Une autre fraction est différée dans le temps pour alimenter les pensions de retraite. Cette solidarité des gens entre eux n’a cessé d’être remise en cause par l’autre camp sous le nom de « baisses de charges ». Sous prétexte d’améliorer le fonctionnement de l’économie une partie de ces fractions du salaires réparties entre les gens a été détournée vers les détenteurs de capital. A proprement parler c’est du vol.

Et parallèlement notre santé, notre vieillesse sont de plus en plus envahies, colonisées, mises en coupe réglée par des offensives commerciales.

Notre pays a été un des plus résistants à ces attaques déployées depuis une trentaine d’années par les Reagan, Thatcher, Blair ou Schroder qui ont détruit les solidarités qui nous unissaient pour enrichir ceux qui n’en avaient pas besoin. Perdre cette bataille ne fera pas reculer que nous.

Nous ne pourrons la gagner que tous ensemble.

Je vous aime.