(publié sur mon blog Mediapart)
Désolé pour le latin de cuisine. Je n’ai pas pu résister à faire le malin. Et tant pis si la notion de gauche politique n’existait pas à Rome.
Détruire la Gauche ? Quoi ? Comment ? J’entends tous les fidèles du Front de gauche, et quelques autres, crier au sacrilège. Encore un qui va jeter le bébé avec l’eau du bain.
Restons calmes camarades. Je suis des vôtres et l’ai été peu ou prou d’aussi loin qu’il me souvienne, de mes quelques cinquante années de vie adulte.
Alors quoi, François Hollande ne suffirait pas à la tâche ?
Plus simplement j’aime m’attaquer à un chantier trop grand pour moi, apporter une petite pierre à l’édifice de destruction créatrice dont nous ressentons tous le besoin sans toujours oser le dire ou arriver à formuler clairement nos idées. Je vais m’y prendre progressivement, en plusieurs fois. D’où le 1 du titre du billet, annonciateur des suites.
Si tout se passe comme je le prévois je commence par amorcer la discussion sur l’impasse politique électorale en Europe à partir d’un exemple d’actualité, les élections générales britanniques du 7 Mai, pur opportunisme.
Le billet suivant, l’impasse électorale, tentera d’éclairer les questions initiées par le premier :
- Que sont les nouvelles droites xénophobes et/ou populistes ? D’où viennent-elles ? Quelle est leur cohérence ?
- Que sont les éléments de ce qu’on désigne sous le raccourci de gauche radicale ? Quoi de commun entre Syriza, Podemos ou notre Front de Gauche ?
- Que peuvent devenir les partis verts européens ? Quelle est leur cohérence ? Que signifient leurs performances électorales diverses et variables ? Quelles sont leurs options ?
- Comment comprendre la dialectique Régions/Europe versus États-nations ?
- Confondre action politique et conquête du pouvoir d’état a-t-il encore un sens ?
Le suivant, l’impasse politique, tentera de réfléchir sur les raisons qui font que le paradigme majeur (en fait unique) de la gauche européenne de gouvernement, la social-démocratie, est maintenant caduc après la disparition de l’hypothèse (hypothèque ?) socialiste autoritaire.
Pour terminer le quatrième osera lancer quelques idées pour avancer.
Pourquoi commencer avec l’élection au Royaume-Uni ? Parce qu’elle se trouve sous le feu des projecteurs et qu’elle permet de souligner les caractères que l’on retrouve un peu partout d’une part, des particularités et des différences d’autre part. Voici un pays historiquement structuré par l’affrontement classique d’un bloc de gauche, le parti travailliste, et d’un bloc de droite, les conservateurs, qui visent chacun à remporter une majorité de siège dans un système électoral majoritaire à un tour : le premier arrivé dans chaque circonscription gagne même sans majorité absolue. Aussi longtemps que deux partis dominent largement les débats le système fonctionne bien et peut donner des majorités stables avec de faibles écarts et même des minorités de voix. Ces dernières années, comme partout ailleurs, les grands partis voient leurs électeurs se disperser et de nouvelles offres politiques les attirer. Tout laisse prévoir cette fois comme en 2010 une situation sans parti majoritaire en siège le 8 Mai à midi. Les usages et règles de procédure assez particuliers donnent lieu à des tas de suppositions dans les médias, parfois drôles vues d’ici. Les problèmes particuliers de cette année tient principalement à l’émergence de deux partis qui vont priver chacun des deux blocs de l’appoint indispensable au gain d’une majorité.
La coalition sortante, déjà issue d’un accord causé par l’absence de majorité d’un seul parti ne devrait pas être reconductible car les second parti de la droite, les libéraux-démocrates devrait s’effondrer et surtout les nouveaux nationalistes de UKIP (United Kingdom Independance Party) attirent une fraction significative des électeurs conservateurs.
L’Écosse, habituelle grande pourvoyeuse de députés travaillistes, terre d’élection de Tony Blair et Gordon Brown, devrait se donner presque totalement au SNP (Sottish National Party) privant les travaillistes de 25 à 30 députés.
Les deux grands partis plafonnent à un étiage autour de 34 % qui doit leur donner environ 270 députés chacun, soit un déficit de 52 pour avoir la majorité. Un des détails particulier du calcul de la majorité effective à la chambre vient du fait que les députés du Sinn Fein, élus en Irlande du Nord, refusent de siéger car cela signifierait pour eux reconnaître la couronne anglaise. Leurs 5 ou 6 élus absents modifient donc le quorum à atteindre. Trois tendances nouvelles modifient le jeu habituel.
La montée rapide et similaire a ce que l’on rencontre dans toute l’Europe d’une droite nationaliste, anti-européenne et plus ou moins xénophobe (UKIP=United Kingdom Independance Party) présente cet effet secondaire particulier d’avoir effacé l’extrème-droite classique (BNP=British National Party). Les sondages lui promettent environ 4 sièges pour un peu moins de 15 % des votes. Le leader du parti, Nigel Farage, apparait hilare sur la plupart des photos -paralysie faciale ?- . Il a été membre du parti conservateur avant de fonder son groupe au moment du traité de Maastricht. UKIP exerce une forte attraction sur la frange eurosceptique des conservateurs auxquels il ravi deux sièges de députés à l’occasion d’élections partielles. La composante anti-européenne de la doctrine et le positionnement global à droite ne font aucun doute mais la caractérisation par rapport à ce qui est aujourd’hui une nébuleuse eurosceptique/xénophobe/raciste/d’extrême droite très diversifiée ne peut pas s’épuiser en quelques lignes.
Le SNP présente un projet complet, à la fois politique, globalement social démocrate pour faire court, mais également culturel et national dans un environnement, l’ Écosse, où la fibre communautaire est restée forte. Une partie du talent des leaders Alex Salmond et plus encore Nicola Sturgeon qui lui a succédé, consiste à consolider le projet national autour de la justice sociale et la solidarité sans insister trop sur la part de nationalisme écossais. La question régionale, omniprésente en Europe, culmine au Royaume-Uni dans la question écossaise. Les autres « nations » du Royaume présentent des caractères bien différents. L’Irlande du Nord, aujourd’hui pacifiée des passions de l’affrontement religieux mis en avant dans les années 70, se partage entre le désir de rester dans l’ Union et l’envie de rejoindre la République d’Irlande. Le Pays de Galles n’a jamais reconstruit un sentiment national suffisamment fort pour créer une réelle force nationaliste. Quels dangers à remettre en question les frontières européennes ? Quelles bonnes raisons de le faire ? Devons-nous repenser la question nationale pour faire évoluer nos démocraties ?
Les verts existent au Royaume-Uni aussi. Leur émergence est plus récente que dans les autres pays du Nord de l’Europe. Depuis 2012 et surtout depuis les dernières élections européennes on parle du surgissement vert qui reste relatif. Les sondages prédisent un électorat de 5% et un seul député comme actuellement. En général en Europe les partis verts ont été la première cible de migration pour les électeurs déçus par la gauche. Cet effet ne s’est que peu manifesté ici. Les partis verts diffèrent suivant les grandes régions et les pays d’Europe. Ils ont déjà ici et là expérimenté diverses formules d’alliance n’étant jamais assez forts pour être le pivot d’un gouvernement par eux-mêmes. L’avenir de l’écologie politique doit-il se trouver dans des partis spécifiques ? Quel peut-il être ? De gauche ? Ou pas ?
Existe-t-il des forces de mouvement hors du système politique, parlementaire ou pas ? Sans doute, comme en atteste ce témoignage (Stuart White au 24 Avril). Quelle est leur place, leur force et leur relation avec les structures politiques institutionnelles ? Peuvent-elles participer à la reconstruction démocratique ? Le doivent-elles ?
Un grand absent crève l’écran de la politique britannique : la gauche radicale. A l’échelle du continent on ne peut pas échapper à l’interrogation sur ses différentes formes, sa capacité à comprendre les enjeux, à nouer les bonnes alliances et à mener les bonnes actions avec le mouvement social.
Quel que soit le résultat des élections du 7 Mai on verra comme ailleurs un système électoral soumis à des tensions et des aspirations auxquelles il ne peut plus répondre. Non seulement il ne peut plus fournir de majorité franche mais il ne peut plus non plus rester en phase avec la vitesse d’évolution de l’électorat. La prochaine fois je commence à apporter quelques éléments de discussion aux questions soulevées aujourd’hui. Il manquera toujours un élément capital, le chaînon manquant dans la plupart des approches théoriques de gauche : les communs.
Bonne semaine et bon courage à tous.
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