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Un peu de tout

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Un endroit dangereux

Vaguement parisien je n’ai guère vécu plus de 24 mois dans la capitale sur les 71 années de mon existence. Je vis à environ 40 kilomètres de la cathédrale récemment devenue le support des tant de fantasmes. Venir à la Grande Ville est donc chaque fois une expédition dans mes souvenirs et dans un monde qui ne cesse de s’éloigner de moi. L’envahissement de la ville de ma jeunesse par la marchandise n’ a pas tué mon plaisir à arpenter les rues de Paris. Depuis quelques mois j’ai un nouveau point de chute sur les Grands Boulevards que je ne fréquentais plus. Preuve que le Grand Satan Amazon n’a pas réussi dans son entreprise de destruction des librairies une nouvelle boutique à livres a vu le jour entre Bonne Nouvelle et Richelieu Drouot.

Un spectre hante ce lieu : la tentation. Quelque soit l’endroit il m’est difficile de ne pas ressortir d’une librairie plus chargé que je ne l’avais prévu avant d’entrer. La librairie ICI nous offre un luxe inhabituel dans les lieux marchands : de l’espace et du temps.

De l’espace. Les étals juste assez hauts pour ne pas être gênants laisse ouverte aux yeux la perspective jusqu’aux murs couverts d’ouvrages. De ci de là de petites notes plus discrètes que celles de la saint-maurienne Griffe Noire indique l’intérêt particulier porté par l’une ou l’autre personne à un livre particulier. L’escalier qui offre l’accès à l’étage inférieur me semble bien plus large que ne l’implique la simple logique architecturale ou le règlement de sécurité.

Du temps, Jamais dans cet espace je n’ai l’impression d’être poussé vars la sortie. Je n’y vois pas de gens affairés, fébriles, à la recherche de la seconde qui manque. La lecture, refuge d’une saine lenteur nous protège des excès.

Cet endroit où je me sens bien présente donc un grand danger pour mes finances. La semaine dernière après y être passé Mercredi je suis revenu le lendemain. Je dois aimer vivre dangereusement.

 

Ridicule, dérisoire, effrayé

Jeudi, six jours après.

Rien ne m’obligeait à quitter le cocon douillet de ma maison de Seine et Marne mais rien n’aurait pu me faire rester enfermé. Au lieu de partir comme dimanche vers l’est marcher une quinzaine de kilomètres comme à mon habitude j’ai résolument mis le cap vers Paris sous le vague prétexte de faire quelques achats pas vraiment indispensables que j’opère habituellement en ligne. Sans même y réfléchir je  me suis trouvé deux boutiques à visiter: la première au début de la rue Alexandre Dumas, l’autre à proximité de République. Si vous n’êtes pas familier de l’est parisien jetez donc un coup d’œil à la carte : les deux extrémités du parcours des assassins du 13 novembre.

Pourquoi donc suis-je venu ainsi reprendre possession de cette ville que je n’ai jamais sentie mienne même aux lointaines années d’études quand j’y habitais ? J’y ai connu de grands moments mais n’ai jamais partagé l’émotion quasi mystique qu’elle inspire parfois. A vrai dire je n’ai jamais ressenti Paris comme une ville, une entité unique dotée d’une forte personnalité mais comme le collage de villages si différents. Il fallait pourtant revenir parcourir ces boulevards, ces avenues, ces rues que ces abrutis m’ont volés. Dans le bus vers République mon voisin me surprend à prendre soudain une photo du trottoir en face. Nous passons devant le Bataclan. Dans le métro qui me ramène au sud un moment de peur irrépressible, irraisonné me fait changer de place quand ce jeune homme lit une page en arabe sur son téléphone. Ils auraient donc vraiment laissé un sillon dans nos têtes ces lâches partis se réfugier dans le grand rien pour ne pas se faire suffoquer dans l’épaisseur du mépris que je voudrais  leur dégueuler dessus. Il faudra encore venir et arpenter ces rues pour ne plus avoir peur, ne plus se dire en passant devant le Comptoir Voltaire : « tiens pourquoi tout n’est-il pas pulvérisé là-dedans ? ». La semaine dernière on m’aurait dit que j’aimais cette ville j’aurais sans doute souris poliment. Ce soir je me souviens des enfants bruns qui sortaient de l’école boulevard Voltaire.

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