Comme le fait incidemment remarquer Patrick Boucheron dans un entretien avec Joseph Gonfavreux sur Mediapart le temps de la critique de l’action gouvernementale est démocratiquement nécessaire. Cela n’interdit pas de se poser la question du moment pour l’exercer. On ne peut donner qu’une seule réponse. Quand le pouvoir a engagé la dynamique d’un discours partisan lui répondre dans la séquence même fait partie du nécessaire dialogue démocratique.

La mise en scène macronienne.

La chorégraphie des interventions récentes du gouvernement français et du président ne peut cacher une construction raisonnée. La séquence particulière de la fête pascale a été utilisée pour préparer au fil des jours depuis le Vendredi Saint une intervention d’Emmanuel Macron placé en toute fin du cycle, après le sommet habituel de la bénédiction papale. Le pape François s’est ainsi trouvé relégué au rôle de chauffeur de salle de notre petit président.

Le personnage s’est d’ailleurs montré particulièrement économe de ses interventions. Après la séquence inaugurale des deux discours rapprochés (12 et 16 Mars) dans lesquels il a voulu se glisser dans un costume gaullo-churchillen dont il n’a pas trouvé la mesure il a laissé,es employés occuper la scène. Si les seconds rôles Edouard Philippe, Olivier Véran, Christophe Castaner et Jérôme Salomon ont bon gré mal gré tenu leurs places les soubrettes et valets Sibeth Ndiaye ou l’inénarrable Djebbari  ont plutôt accumulé gaffes et maladresses. Sans parler du roquet Attal d’emblée ridiculisé par sa prestation lors de la soirée des élections municipales qui heureusement pour lui est maintenant oubliée de tous éclipsée par la gravité de la situation sanitaire.

La division orchestrée des rôles apparaît clairement. Au-dessus de la mêlée, appuyé sur l’alibi « scientifique » (j’y reviendrai dans un autre billet) notre père à tous, le protecteur de la nation, le capitaine du navire se fait rare et pense pour nous. Pendant ce temps les soutiers alimentent la chaudière et nous devons nous taire.

Au cas où n’aurions pas compris l’insistance à exposer le nombre de policiers mobilisés, le niveaux des amendes, la force de l’appareil étatique sont rappelés régulièrement.

La comédie des transferts de malades.

Les transferts inter-régionaux de malades ont constitué un des chapitres les plus manifestement orchestrés de la comédie médiatique servie au bon peuple.

Le premier transfert, dans la foulée d’une déclaration martiale destinée autant à regonfler le moral du petit peuple qu’à redorer l’image de l’état-major de la république s’est fait à l’aide d’un Airbus militaire. On nous l’a servi d’abord sous la forme d’images impressionnantes sans s’appesantir sur le  nombre de malades ainsi déplacés (6 par avion) comparé à la surcharge des hôpitaux de la région est.

Et l’aveu est venu quelques jours plus tard quand un des responsables de ces opérations, commentant cette fois un transfert en TGV reconverti, affirme qu’ainsi il libère des respirateurs. Tout est dit. Plutôt que de transporter des équipements des régions encore en capacité vers les régions en tension on a préféré mobiliser jusqu’à 8 (huit) personnels de santé par malade, des personnels par ailleurs épuisés et porteurs potentiels de la maladie. Le caractère spectaculaire de cette opération manifeste de communication ne pouvait pas être mieux mis en évidence. Il s’agissait de faire briller la capacité du pouvoir à mettre en oeuvre des  moyens importants plus que de soulager le système de soins. Et au passage, cerise sur le gâteau, on passe un coup de brosse à reluire sur Airbus et TGV.

L’autoritarisme, ADN du macronisme.

Sans surprise cette crise met également en pleine lumière la nature autoritaire de ce pouvoir sûr de lui, de sa compétence, de sa supériorité sur le commun des mortels.

On nous a d’abord annoncé dès le premier jour que 100000 policiers et gendarmes seraient mobilisés pour faire respecter le confinement. Deux semaines plus tard ils étaient devenus 160000.

Ajoutons à cela la comédie des masques largement documentés par ailleurs. Incapable d’avouer avoir commis une erreur ou avoir été dépassé par les événements ce pouvoir veut nous faire avaler que la situation a changé, que les masques hier peu si pas du tout utiles sont devenus au moins partiellement efficaces.

Ce point mérite une attention particulière. Si les médias montrent d’abord des filières de fabrication de masques « alternatifs » initiées par des institutions, souvent hospitalières, il faut se souvenir de ce que nous avons tous pu constater. Les initiatives spontanées, individuelles, de personnes qui ont décidé de fabriquer leur propres contributions à la bataille collective, d’envoyer leurs masques aux grands-parents, aux petits-enfants, de les donner à vendeuse de la supérette ou au facteur. Cette vérité-là n’est sans doute pas bonne à dire.

Deux France.

Avais-je vu, depuis 1968, à ce point le pays de mon quotidien si visiblement différent du pays d’en-haut?