Ecouter, regarder les chaînes et émissions d’information publiques ce 3 Décembre 2020 a de quoi nous faire plonger dans le plus noir des désespoirs. Non pas du fait de l’annonce de la mort de Valéry Giscard d’Estaing, à chacun de voir, mais devant la toujours plus insondable vacuité de nos médias républicains.

A 73 ans j’ai vécu toute la période Giscard. Son accession à la présidence a même coïncidé avec la décision de m’engager à nouveau au sein d’une organisation politique.

Qu’entendons-nous depuis hier soir? Réformes, droits des femmes, droits des jeunes. Il a recréé la France!

Du calme. Remettons les choses à l’endroit. Les dirigeants politiques ne réforment à peu près jamais rien. Ils prennent acte de l’évolution de la société qui se fait presque toujours sans eux sinon contre.

La loi Veil sur l’IVG n’est tombée ni du ciel ni de la volonté créatrice du président. Le mouvement social militait depuis des années sur ces sujets. Je me souviens des voyages organisés vers la Belgique ou le Royaume-Uni. Je me souviens des avortements clandestins  médicalisés organisés dans des appartements du Val de Marne. Je me souviens des réunions dans notre salon. Nous n’avions pas attendu le bon vouloir de monsieur le président.

De même le statut des femmes, la maturité d’une jeunesse capable de se révolter en 1968 montraient l’urgence de mettre la législation à l’heure de la société. Il n’a fait que le strict nécessaire.

Son empreinte politique est  restée mais elle s’enracine dans la communication comme celle du modèle à qui on n’en finit pas de la comparer, le grand frère américain : John Kennedy. Qu’y avait-il de si novateur chez ce dernier au-delà d’une image, la jeunesse et le premier président catholique des Etats-Unis d’Amérique? Pas grand-chose. Il a mené le début de l’embourbement vietnamien. Il a montré une grande timidité à faire avancer la cause des droits civiques au Sud place forte de son Parti. Son prédécesseur Eisenhower et son successeur Johnson ont sans doute mieux senti l’évolution de leur société.

Giscard a bien laissé une marque dans la communication politique. Il a accrédité une des grandes escroqueries intellectuelles de l’histoire. IL existerait un machin appelé « centre » qui ne serait pas la droite. Emmanuel Macron a (définitivement?) montré plus récemment avec sa maladresse habituelle la totale vanité de cette affirmation.

La grande absente du flot hagiographique qui dégouline de nos ondes  étonne ceux qui ont connu la mise sur orbite de Giscard comme économiste en chef. A aucun moment il n’est question d’économie.

Et pourtant le parcours du pouvoir français de De Gaulle à Giscard en passant par Pompidou confine à la caricature. Le général qui saisit les reines après la seconde guerre mondiale se trouve à la tête d’un pays dans l’évolution capitaliste structurelle a pris du retard dans le dernier quart du dix-neuvième siècle. Plutôt que de réformer la campagne et d’industrialiser le pays la bourgeoisie française a préféré tirer ses profits en priorité de l’aventure coloniale. Il faut donc dans les années soixante à marche forcée concentrer l’industrie autour de champions nationaux. Mais le capital industriel, c’est la loi de l’évolution, doit céder la place au capital bancaire. Georges Pompidou, passé par la banque Rotschild, devient président (jusqu’à la caricature on vous dit).  Tout naturellement Giscard incarne la suite, la domination du capital financier.

Détail de conjoncture par ces temps quand les violences policières sont à la une. Je me souviens aussi de l’évolution de la doctrine de maintien de l’ordre. Le service d’ordre de la campagne présidentielle de Giscard avait été assuré en partie par des groupes liés à l’extrême-droite. Dès son arrivée à la présidence ces groupes se sont vu facilité la capacité de se manifester en public et l’encadrement des manifestations, au moins celles de gauche dont je me souviens,  est devenu bien plus strict.

En fin de compte un assez triste sire nous a quitté.