Le numéro de Mother Jones daté de Septembre-Octobre commence par un article qui m’a étonné. Jack Hitt y explique une cause inattendue de l’intensité des violences policières envers les noirs pauvres aux États-Unis d’Amérique. Sous le titre explicite « Collect and Serve » -déclinaison de la devise de la police « Protect and Serve »- il développe chiffres à l’appui combien l’inflation des amendes diverses a des effets pervers. En 2010 la collaboration entre la police et la justice locale à Ferguson, la ville où Michael Brown a été tué il y a un an relançant les polémiques sur les violences raciales, avait produit un revenu de 1,4 million de dollars pour la ville. Cette année le montant est monté à 3,1 millions pour un budget total de 13 millions, soit près du quart. La quasi totalité de ces amendes venant de la fraction la plus pauvre de la population noire. L’article cite d’autres faits qui montrent que cette situation ne concerne pas cette seule municipalité mais semble bien être le cas général des petites villes qui trouvent dans la multiplication des délits locaux passibles d’amendes une source de financement indispensable à leur survie
En clair il existe une pression budgétaire qui incite les policiers locaux à multiplier les contrôles afin d’infliger des amendes qui vont constituer au final un flux de revenus conséquent pour la collectivité. La pression policière résultant des cette attitude provoque en retour une grande défiance de la population, en particulier de ses éléments les plus pauvres, qui développent des conduites d’évitement plus ou moins systématiques.
Les effets secondaires sont impressionnants. La liste des ces délits tend à prendre des proportions kafkaïennes. La peur du policier devient pour la population pauvre, en particulier noire, la peur de l’amende qui risque de mettre en danger leur mode de vie. Ainsi Darren Wilson, le policier qui a tiré sur Michael Brown le 9 Août 2014 s’est intéressé à lui parce qu’il marchait dans la rue ce qui est selon la Section 44-344 des règlements locaux un délit. Entre 2011 et 2013 95 % des coupables de cette atrocité se sont avérés être noirs. Ceci fait dire à l’auteur de l’article que « marcher en étant noir » est un crime. Le genre de crime (en droit français de délit) pour lequel la police de Ferguson a en 2014 inquiété les trois-quart de la population devenus les financiers auxiliaires de la cité.
Poussé aux limites ce mécanisme débouche sur l’absurdité totale. Les amendes concernées étant de relativement faibles montants mais la sévérité de rigueur pour garantir la rentrée des fonds il arrive que les juges prononcent des emprisonnements. Et donc que le budget se trouve avoir à débourser les 4000 $ que coûte un emprisonnement pour une dette de 500. Plus grave encore pour les personnes visées si le versement de l’amende ne les marginalise pas, les sortir de leur boulot en les incarcérant le fera multipliant au final le coût social (peut-être pas sur les mêmes budgets).
La composante raciste ne peut pas être éliminée de ces affaires. Se limiter à une explication trop simple peut satisfaire notre bien-pensance d’intellectuels européens. Comprendre le monde réel demande souvent de regarder un peu plus loin même si le résultat n’est ni plus agréable à voir ni plus facile à comprendre.
Commentaires récents