Kim-Jong-Un a gagné une manche de la bataille médiatique autour des Jeux Olympiques d’hiver. Mais chaque défaite de Donald Trump aggrave les risques de surenchère et de perte de contrôle.

On se demande de plus en plus souvent à quoi peuvent bien servir les Jeux Olympiques. La « victoire » de Paris pour l’obtention des Jeux de 2014 est le dernier avatar de la ridicule course au douteux honneur de gaspiller nos ressources. Et pourtant les Jeux en Corée du Sud fournissent la scène d’un théâtre politique intéressant.

Premier round, avantage Kim.

Alors que Donald Trump n’en pouvait plus de rouler les mécaniques du bruit et de la fureur destinés à anéantir la Corée du Nord Kim-Jing-Un a gagné la bataille médiatique. Trump battu au jeu dont il se sent le maître (comme de toutes choses par ailleurs) rumine peut-être la vengeance qu’il pense sans aucun doute mériter. L’agitation provoquée autour de la Maison Blanche par les questions de harcèlement sexuel le détourne peut-être de la scène internationale mais il y reviendra assurément. Ne serait-ce que par besoin de faire diversion.

Le coup a été magistralement jouée par les dirigeants nord-coréens. Les annonces d’ouverture envers le Sud avec la participation aux Jeux, l’équipe conjointe, les entraînements mixtes sur les deux territoires ont été distillées au bon rythme, une surprise après l’autre. Les pom-pom girls nord-coréennes peuvent même être considérées comme un clin d’œil ironique en direction de Donald Trump. La manœuvre s’est poursuivie jusqu’à la cérémonie d’ouverture avec la sœur de Kim, tailleur stricte et sourire juste assez réservé pour envahir tous les écrans reléguant le vice-président des États-Unis d’Amérique dans un coin des écrans de la multidiffusion mondiale. Les réalisateurs l’ont même écarté de l’essentiel des prises de vue. Pour voir Mike Pence et sa femme il fallait plutôt consulter les médias américains. Comble d’ironie la plupart des photos que j’ai vues les montrent tous les deux dans un coin du cadre, isolés par la technique même. Pence n’a pu du reste qu’étaler sa suffisance ne se levant que pour le passage de sa délégation. Même certains athlètes de son pays lui ont fait l’affront de ne pas le rencontrer comme Adam Rippon, patineur homosexuel refusant de serrer la main du bigot.

Le message retransmis par toutes les télévisions du monde est donc en opposition avec la posture belliqueuse de l’administration Trump : les deux Corée sont sur le chemin du dialogue. Personne n’est dupe de cette phase essentiellement tactique des opérations. Mais même Pence a du admettre que la porte de la négociation restait ouverte. Il a rappelé au passage que tout devait être sur la table -sous-entendu la dénucléarisation de la Corée du Nord- sans insister outre mesure.

Le nucléaire nord-coréen.

Si la Syrie semble devenir un terrain d’affrontements plus chaud ces derniers jours avec la confrontation de plus en plus directe entre armes russes et celles des États-Unis d’Amérique il n’est pas exclu que la Corée revienne au premier plan rapidement.

Je fais partie de ceux qui pensent que la nucléarisation militaire de la Corée du Nord n’est pas négociable pour le régime car elle représente la garantie de sa survie qui est son objectif prioritaire. La réunification vient bien loin derrière et pose de telles questions que l’envisager à court terme n’est pas raisonnable. Il n’est par contre pas impossible qu’elle se produise plus tôt que nous ne l’attendons -rappelez-vous l’Allemagne- mais ce serait à la suite d’événements impossibles à prévoir dans le détail. Une Corée du Nord reconnue de fait dans sa légitimité de puissance nucléaire ne serait plus le même facteur d’instabilité mais deviendrait peut-être plus instable intérieurement car confrontée à l’impatience de la population.

Mais la question du nucléaire nord-coréen est plus vaste. De quel droit les grandes puissances pourraient-elles interdire aux petits de faire ce qu’elles ont réalisé : se doter d’armements nucléaires? Du droit du plus fort évidemment. Est-ce moralement et pratiquement tenable?

Personne aujourd’hui ne discute les dizaines ou centaines de bombes nucléaires d’Israel, tout aussi illégales au regards des procédures internationales que celles des nord-coréens. De plus le laxisme vis-à-vis d’Israel montre l’asymétrie de jugement si on considère l’accord sur le nucléaire iranien. Malgré tout je pense que cet accord a permis de diminuer les risques de conflit majeur et qu’il représente dans la pratique un progrès qui nous écarte de la rhétorique belliciste d’un Donald Trump dont la pensée binaire consiste à résoudre in fine les différents par la force. Allons-nous regretter l’équilibre de la terreur du temps quand la guerre froide équilibrait peu ou prou les menaces ?

Les enjeux d’une nouvelle guerre en Corée.

Et que pourrait-il se passer si la situation dégénérait et que la guerre ouverte éclate ? Vox a tenté de répondre à la question. Au passage on peut remarquer les bisbilles entre médias de gauche avec la réaction publiée sur Alternet aux articles de Vox jugés pro-gouvernementaux.  L’hypothèse qui semble la plus probable serait celle d’un frappe des États-Unis d’Amérique destinée à éliminer les capacités de frappes nucléaires du nord. Ces frappes ne devraient pas être nucléaires (ou de petites bombes nucléaires tactiques)  pour au moins faire mine de rester dans une relative réserve et pourraient utiliser des bombes de masse comme celle larguée  en Afghanistan il y a quelques mois. Le jeu est plus que risqué car non seulement il faut éliminer toutes les capacités de riposte nucléaire mais aussi toutes les capacités de riposte conventionnelle et détruire la chaine de commandement. C’est probablement impossible. Les capacités d’attaque conventionnelles et chimiques de la Corée du Nord viseraient en réponde les troupes US en Corée du Sud, la ville de Séoul, le port de Pusan au Sud, indispensable au débarquement de moyens militaires mais aussi probablement en fonction des moyens restant la Japon et l’île de Guam. Les pertes se compteraient en centaines de milliers de morts. Voire en millions.

Le pire est encore à venir. Il vient de Chine. On peut prévoir que les chinois, même s’ils n’apportent pas d’aide militaire active directe aux nord-coréens n’accepteront pas de voir s’installer les États-Unis d’Amérique à leur frontière et occuperont le nord. Ils créeront ainsi une nouvelle situation d’affrontement direct entre les deux plus grandes puissances économique du monde actuel. La géographie leur donne un avantage logistique dans l’occupation du terrain de la Corée du Nord où ils devraient battre leurs concurrents de vitesse. Le résultat serait une frontière directe entre la Chine et le pays de Trump forcément omniprésent sur les ruines d’une Corée du Sud dévastée là où aujourd’hui la Corée du Nord sert de tampon. Instabilité et insécurité garanties. Quant aux répercussions sur l’économie mondiale …