Après la tuerie de  Las Vegas en Octobre 2017 (58 morts 546 blessés) j’ai ressenti dans les réactions de l’opinion et des politiciens aux États-Unis d’Amérique quelque chose de nouveau mais après la fusillade de Floride tout s’est accéléré.

La tuerie de Las Vegas et ce qui change.

Souvenons-nous de la scénographie de ce soir d’Octobre 2017 Côté jardin la sombre haute silhouette de l’hôtel Mandala Bay. A ses pieds le grand espace ouvert de l’espace du concert qui attend son public. Un dispositif ne suffit pas à créer une dramaturgie. Il a besoin de personnage. Caché dans son haut château l’ange exterminateur prépare ses meurtrières alors que la foule des victimes expiatoires, gens ordinaires sans relation avec l’assassin, s’assemble et se réjouit. Rarement, si jamais, une scène de tuerie de masse à la mitraillette aura été si ouverte et si évidente, prête à être reproduite à l’envie sur les tous les écrans de diffusion de masse. Mais cette évidence n’aurait pas suffit si les gens n’avaient pas communiqué en temps réel les images et les sons du massacre. Autant, plus peut-être, que le nombre des victimes la mise en scène médiatique et la diffusion par les téléphones mobiles du vécu de l’intérieur des événements ont changé la perception par l’inconscient collectif.

Les jours suivant la NRA, le lobby des armes, et les habituels soutiens virulents du Second Amendement, se sont montrés curieusement modérés et discrets. La NRA a même fait mine d’être favorable à de nouveaux contrôles sur les achats d’armes à feu. Cela n’a pas duré plus que quelques jours. Comme l’explique « The Trace« , un des sites les plus intéressants parmi les résistants à la furie des armes à feu, l’émotion produite par ces massacres présente un profil particulier. Elle est immédiatement intense après chaque événement mais retombe très rapidement permettant ainsi la récupération par les discours politiques dès que la pression diminue.

La tuerie de Floride et les téléphones portables.

La fusillade de Parkland en Floride la semaine dernière semble à première vue très différente. Entièrement à huit-clos elle n’a pas donné lieu à la reproduction à grande échelle par les médias du théâtre des opérations. La diffusion en direct par les élèves de ce collège Marjory Stonewal Douglas a pris d’autant plus de relief en l’absence d’autres images. Un relief assez grand pour être perceptible jusqu’en France. J’avais remarqué la prestation d’Emma Gonzales, l’élève qui a interpellé Donald Trump pour ses liens avec la NRA. Mais le lendemain mon épouse m’étonne et me raconte la même histoire vue sur France Info. Les nouvelles ont donc été assez fortes pour traverser l’Atlantique. La passion salutaire de la jeune fille nous frappe en plein visage. Mais elle fait plus. Elle rapporte la somme des dons de la NRA pour le président au nombre de victimes et chiffre donc à 5800 dollars par personne le prix d’une vie. Elle personnalise et rend sensible le lien de l’argent politique avec les armes à feu. Les vidéos, parfois brutales, des salles de classe où résonnent les détonations exposent concrètement le déploiement de violence.  Cette violence apportée sous les yeux du plus grand nombre a donné naissance à un mouvement encore embryonnaire de résistance mené par de jeunes inconnus. Ils veulent pérenniser leur action par une grande marche sur Washington. Peut-être s’est-il vraiment passé quelque chose.

Et les Républicains, et la NRA ?

La NRA n’a pas toujours été le lobby qu’elle est actuellement. D’ailleurs la majorité des possesseurs d’armes  (85%) non membres de la NRA seraient favorables à des contrôles renforcés. C’est autour de 1977 qu’une fraction d’extrême-droite y prend le pouvoir de fait tout en laissant les postes les plus représentatifs à des personnalités plus respectables comme Charlton Heston. Mais l’évolution la plus significative est dans doute l’irruption de l’argent de l’industrie des armes qui se met à couler à flot. La NRA peut ainsi plus facilement intervenir auprès des parlementaires pour modeler les lois sans tenir compte de la représentativité réelle de l’association. Et récemment la patte de la Russie dans le financement de la NRA aurait été identifiée par le FBI. comme cible légitime d’investigation.

L’impact de la tuerie de Parkland propagé par les réseaux sociaux et porté par le jeunesse a eu suffisamment de force pour ébranler la muraille Républicaine. Le gouverneur de l’Ohio, John Kasick, un des ténors Républicains les moins virulents, en a profité pour se rappeler au bon souvenir de ses compatriotes en proclamant la nécessité d’une réforme de l’accès aux armes à feu. Mais la confirmation ultime est venu de sa majesté Donald Trump lui-même qui vient de faire dire par le porte-parole de la Maison Blanche que des améliorations des contrôles des antécédents des acheteurs d’armes sont nécessaires. Comme d’habitude cette intervention est motivée principalement par l’opportunisme mais cela même montre combien la question est sensible.  Si la question reste au premier plan des discussions et surtout si la marche des jeunes pour le contrôle des armes à feu se tient il sera clair que les choses bougent. Et pour la première fois depuis des décennies une mobilisation autonome de la jeunesse, hors des encadrements politiques classiques se dessine.

Remarques :

Aussi spectaculaires que soient les tueries de masses elle ne représentent que 4 pour cent des morts par armes à feu dont la plus grande partie consiste en suicides.

La proportion des armes semi-automatiques parmi les meurtres montre que l’interdiction aux civils de ces armes serait une parade efficace.

Quelques sources d’information au sujet des armes à feu et des tueries :

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