En nous faisant le « cadeau » de la taxe d’habitation Emmanuel Macron nous aurait-il privé de notre esprit critique?

Sans doute convaincu de devoir présenter un contre-poids à la suppression de l’ISF, l’impôt des riches, il a voulu agir avec en symétrie sur  un impôt des gens ordinaires. Il a pu s’appuyer  sur les dysfonctionnements de l’impôt de proximité pour ironiser sur les taxes stupides et insister sur la nécessité de baisse de la pression fiscale qui sert depuis longtemps à la droite pour justifier la destruction de l’état social.

Que signifie la taxe d’habitation?

Pourtant si nous revenons au principe voilà bien un impôt juste dans son principe et éminemment concret. Je paie pour que mes ordures soient collectées, pour les fossés le long de la maison soient nettoyés, pour que l’école des enfants soit confortable. De plus ces services sont organisés par une équipe municipale constituée d’élus de proximité que je rencontre dans la rue et qui souvent me connaissent.  Il n’existe pas de circuit politico-fiscal plus court que celui-là. Le détruire est détruire un élément vital de notre vie commune.

Que signifie sa suppression?

Au risque de répéter une évidence on doit redire que cette suppression participe du mouvement général de recentralisation imposé par l’autoritarisme macronien. Ce mouvement de la part d’un gouvernement de droite pourrait étonner vu la tendance générale des néolibéraux à saper les régulations et l’état en général.

Après l’état gaullien des trente glorieuses qui a voulu rebâtir une France industriellement forte nous assistons depuis plusieurs décennies à une déconstruction de l’état social qui vise à réorienter vers le capital le plus possible de moyens et à lui redonner les leviers de pouvoir.

La décentralisation sont on me rebat les oreilles depuis le début de ma vie d’adulte en est le plus visible label sous prétexte de rapprocher les centres de décision des populations concernées.

Le retour de l’état fort que Macron prétend impulser pourrait bien, au-delà du syndrome personnel  d’un mégalomane de salon signifier que nous sommes entrés dans une nouvelle phase. L’argent-roi a de nouveau besoin de l’autorité régalienne pour assurer son pouvoir et la collecte de ses bénéfices. Les gouvernements successifs ont concocté des lois dites « travail » qui ont provoqué sous Hollande comme sous Macron des réactions massives contre lesquelles on a vu une évolution nette de la doctrine policière anti-manifestation vers l’agressivité. Cette évolution s’est accentuée contre les gilets  jaunes.  Ce raidissement  répressif d’un pouvoir de plus en plus autoritaire serait-il plus que circonstanciel?  Pour sauver le règne de la finance d’un peuple qui ne la supporte plus jusqu’où ce pouvoir se sent-il en droit d’aller?

Quel avenir pour la taxe d’habitation?

Si rien ne justifie les écarts importants entre communes ou les augmentations brutales il serait stupide de vouloir loger tout le monde à la même enseigne. En fonction des différences de situations locales, de projets des équipes municipales, de services rendus il est utile que les impositions diffèrent. Comme il est indispensable que des mécanismes de modérations et de partage entre territoires voisins, pas nécessairement municipaux existent.

Le correctif le plus important reste cependant d’ordre politique. Dans nos sociétés baignées dans une information circulante et non-contrôlée nous ne pourrons plus jeter négligemment un bulletin dans un urne et ne plus nous en préoccuper pendant plusieurs années. Le dialogue avec les équipes élues doit devenir permanent et être doté des moyens de coercitions des citoyens (révocation peut-être).

Le niveau local est celui où la politique devient concrète. le rétablir dans sa plénitude sera un des moyens de reconstruction de la  civilité. Jusqu’au rétablissement d’un impôt de proximité compris et accepté par tous car ils sauront à la fois à quoi il sert et comment il est piloté.

Quel responsable politique aura l’audace de se prononcer pour le retour d’une taxe d’habitation démocratique?