Je ne sais plus par quelle suite de liens j’ai découvert l’homme dont je vais vous parler même si cela semble assez stupide.

L’objet que j’ai reçu présente les dimensions habituelles d’un CD. Cela permet de le ranger avec les autres. La largeur est plutôt celle d’un livre de plus de cent pages. Beaucoup plus de lecture que vous n’en trouverez dans aucun boitier de disque.

Que vous commenciez par l’écoute ou par la lecture vous irez de découverte en émerveillement.

La première chanson, « One Great Mornin’ (The South’s Gonna Rise Again)« , nous fait voir le Sud des États-Unis comme nous ne l’avons jamais imaginé. Old Dixie devient la terre de tous les possibles. Je me souviens du professeur qui m’enseigna au lycée le trépied des trois traditions fondatrices : le puritanisme de la Nouvelle-Angleterre, la violence aventureuse et débridée de la Frontière du le Far-West et enfin le romanesque sudiste d’  « Autant en emporte le vent », la douceur de vivre, les cajuns ou l’esclavage. De la troisième nous n’avons retenu que ce dernier trait malgré la fraternité chantée par le blues, les Freedom schools  ou l’humanité de la musique country. Notre chanteur n’a rien oublié de la jeunesse partagée dans son coin de Floride, et surtout pas l’espoir.

Ensuite il ose tout. De la facilité faussement macho de « A filled-out shirt » (je vous laisse traduire) au romantisme absolu de « Nineteen years old » en passant par le manifeste politique de « Behind every great fortune ». Il n’hésite même pas à citer Balzac, inattendu sous la plume auteur de chansons populaires américaines. N’oubliez « We shall overcome« , chanson emblématique à laquelle il donne toute sa puissance, instrumentale jusqu’à chanter une seule fois la fameuse proclamation « We shall overcome, some day … ». Oui nous gagnerons un jour.

Le morceau de bravoure achève de nous mettre sur le cul. Une chanson de 27 minutes, « All in the Timing« , déborde de références et d’allusions qui justifient la rédaction des cent-quatre-vingt-quinze notes  sans nous ennuyer une seule seconde.

Aucun album ne m’a fait une telle impression d’originalité depuis « Goodbye and hello » de Tim Buckley. Un curieux hasard (quel hasard?) fait que la structure des deux albums culmine avec une chanson de longueur inusitée juste avant la fin même si Tim se contente de huit minutes et demi.  Par ailleurs les deux albums ont peu en commun. Tim Buckley se concentre plus sur la forme musicale.

Permettez-moi de vous présenter Monsieur Michael Koppy.

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Michael Koppy et ses choristes favoris. Photo de Noriko Wada.

Ceci dit Michael Koppy est assez grand pour se présenter lui-même :

http://www.michaelkoppy.com
http://www.cdbaby.com/Artist/MichaelKoppy

Vous pourrez lire qu’il est fier d’appartenir entre autres à l’I.W.W.

J’ai fâcheusement tendance à interpréter le I de « Industrial Workers of the World » comme « International » et non « Industrial ». Michael Koppy nous rappelle que nous avons tendance à ignorer que l’histoire sociale nord-américaine n’est pas aussi vide que la situation actuelle nous laisse imaginer. Avant la première guerre mondiale le mouvement ouvrier et syndical aux États-Unis d’Amérique a même été au moins aussi  riche et divers qu’en Europe. Le courant anarchiste n’avait pas été marginalisé de la même manière. L’I.W.W. a connu ses grandes heures dans la première partie du vingtième siècle organisant les luttes autour du slogan « One Big Union » qui dénote à la fois l’inspiration anarcho-syndicaliste et le refus de tous les corporatismes . Le hasard  (quel hasard?) faisant bien les choses cette organisation a produit au fil des années de nombreux  poèmes et chansons. Le plus connu des auteurs est sans doute Joe Hill, exécuté à Salt Lake City en 1915 après une sombre histoire d’assassinat où rien ne fut prouvé. Sa plus célèbre chanson : « Rebel Girl »  évoque une de ses camarades, Elizabeth Gurley Flynn, qui repris ce titre pour ses mémoires.

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L’affiche de la chanson « Rebel Girl » Domaine public

https://www.youtube.com/watch?v=hR7fBCENkN0

Ne vous laissez quand même pas impressionner par mes réactions passionnelles. L’album « Ashmore’s Store » (chez Good Track Records) avant toute chose est un très grand disque. L’humanité y transpire de tous les pores et Michael  Koppy nous fait le grand cadeau de nous rappeler que nos petites humeurs contre les  américains incultes  ne sont que des réactions épidermiques.

Merci Michael.

Si vous êtes intéressé par l’I.W.W. vous pouvez toujours chercher ici: 
http://www.pmpress.org/content/staticpages/index.php/search_results?cx=008208239971096824769%3A7wlvahsgfqs&cof=FORID%3A11&ie=UTF-8&q=IWW&sa=OK