Avant-hier Je m’ apprêtais à me livrer à un de mes exercices favoris , me mettre mas amis (politiques) à dos, jouer le provocateur réac, le donneur de leçons, bref j’allais dire du mal de Bernie Sanders.
Evidemment avec un peu de second degré il s’agissait de relever dans la phase qui se termine les raisons d’un peu d’optimisme
Donc j’allais dire, alerté par les inquiétudes exprimés par Bob Cesca dans un article de Salon , qu’il fallait se méfier de l’amertume de Bernie, de sa capacité à jouer la vendetta politique voire de son ambition évoquée ici. L’inquiétude de voir gaspillés les efforts de milliers, (millions?) de personnes dans la campagne des primaires, l’inquiétude de voir des espérances qui n’auraient vécu qu’un printemps. Et je me suis laissé dépassé par les événements et la vivacité des acteurs politiques.
La chronologie.
L’accélération nécessite de rappeler la chronologie des derniers jours.
- Dès Lundi Associated Press publie le résultat d’un comptage minutieux des délégués élus et conclut que Clinton a déjà engrangé la majorité nécessaire garantir sa nomination.
- Les primaires de Mardi se déroulent donc dans cette ambiance particulière où les résultats sont pour certains déjà acquis. Ce qui ne manquera pas les jours suivant de soulever la discussion sur la démotivation des électeurs de Bernie Sanders découragés de se déplacer pour une cause déjà perdue. En effet, surtout en Californie où a porté le plus gros de l’effort de la campagne les résultats sont décevants pour lui.
- Dès le lendemain les médias font le plus grand bruit de la victoire de Clinton sans prêter trop d’attention au discours de Bernie Sanders à Santa Monica le soir même qui annonce tout ce qui va suivre, à savoir continuer la lutte des idées mais rester dans la ligne déjà affirmée de battre Trump. Dès ce moment les rumeurs un peu folles qui courraient comme de rejoindre la candidature de Jill Stein tombent une fois pour toutes.
- On annonce que Sanders va rencontrer Obama à la Maison Blanche. Ceci confirme que l’unité du camp Démocrate est en route et que l’annonce du soutien de Clinton par Obama va suivre. On le disait impatient d’entrer dans la danse.
- La chorégraphie, probablement pilotée depuis la Maison Blanche se déroule sans accroc et même s’accélère. Obama rend l’hommage de circonstance à Sanders. Celui-ci annonce son intention de rencontrer Clinton prochainement afin de préparer au mieux la campagne pour battre Trump. Sans rien dire de formel il réaffirme son intention de continuer jusqu’à l’ultime primaire du 14 Juin dans le District de Columbia qui compte pour très peu dans le décompte des délégués. Il est clair qu’il s’agit de gérer la transition de la campagne militante des primaires à la campagne politique de la Convention avant de revenir sur le terrain pour la campagne des élections générales.
- Dans la foulée Obama annonce son soutien à Clinton et le confirme par une prestation télévisée dans laquelle on aimerait imaginer nos présidents.
- Le lendemain arrive l’annonce du soutien de Clinton par Elizabeth Warren, étape importante représentative des efforts de séduction envers « l’armée de Bernie » et la gauche Démocrate en général. Sans qu’elle prenne l’initiatitive Warren est interrogée sur la possibilité qu’elle accepte la candidature à la vice-présidence et se dit disponible.
- Le lendemain, Vendredi, Clinton poursuit sur un terrain favorable en même temps que très tactique vu la misogynie de Trump. Elle se rend à l’assemblée de Planned Parenthood (Planning Familial) où elle consolide son image féministe. Planned Parenthood s’était prononcé pour Clinton dès le mois de Janvier.
Les Démocrates.
La séquence Démocrate a donc été rondement menée. Cela ne signifie pas que tout va bien car l’équilibre entre les progressistes autour de Bernie Sanders et Elizabeth Warren d’une part et le camp conservateur-centriste ami de Wall Street autour des Clinton d’autre part n’est pas établi . Les risques commencent la semaine qui vient avec les discussions de la commission de préparation du programme. Un sujet, mineur dans le débat national, mais très différenciant mérite attention : les relations avec Israël. Hillary Clinton est sioniste jusqu’à provoquer l’écœurement alors que certains participants désignés par Sanders sont connus pour des positions inverses.
Je préférerais voir Warren rester hors de la Maison Blanche et aiguillonner le pouvoir de l’extérieur. Sa présence sur le « ticket » avec Hillary ressemble un peu à une neutralisation. Elle apportera son dynamisme à la campagne mais que fera–t-elle ensuite dans l’ombre présidentielle ? Sans compter l’enjeu de la majorité au Sénat. Quittant son siège celui-ci sera pourvu par le gouverneur Républicain du Massachusetts.
Bernie Sanders n’a sans doute pas abandonné complètement l’idée d’une inculpation de Clinton en cours de route. La situation serait inédite, pas vraiment prévue dans les textes et difficilement prévisible. Une décision rapide serait nécessaire et un candidat de rechange, Sanders ou Warren, indispensable. Si l’inculpation directe pour l’affaire des e-mails semble peu probable, une autre affaire dérivée vient de surgir. ABC News a sorti le piston de Clinton pour placer dans un organe de conseil stratégique (« International Security Advisory Board ») auprès du gouvernement un de ses généreux donneurs pas spécialement compétent. Clinton ne risque guère d’inculpation mais une dégradation de son image qui serait mal venue.
Côté Républicain.
Du côté Républicain la cacophonie continue. le Drumpf a fait une pause. On l’a vu tenir deux interventions publiques avec un prompteur pour lire des propos un peu plus « présidentiels ». Cela n’a pas duré. Les gants de boxe sont ressortis. L’entrée en lice d’Elizabeth Warren qui lui mène une guerre permanent sur Twitter n’a pu que renforcer son envie de replonger.
Il se confirme que la campagne de Donald Trump n’a ni queue ni tête. Il est très en retard dans sa collecte de fonds et a beaucoup changé d’avis sur le sujet. Affirmant d’abord pouvoir réunir 1 milliard de dollars il a ensuite affirmé ne pas en avoir besoin vu sa facilité à obtenir des passages télévisés gratuits. Il manque là complètement de vision stratégique car tous les passage à l’écran ne se valent pas et il est nécessaire d’en avoir la maîtrise.
Il affirme viser en particuliers des états qui semblent à peu près inaccessibles.
La Californie, terre Démocrate où les hispaniques votent en nombre attire car elle apporte un grands nombre de grands électeurs mais semble un pari des plus improbables et des plus coûteux en publicité et en campagne de terrain. New-York a beau être l’état de Trump il ne se présente pas mieux. Il vise aussi le New-Jersey et le Maryland, bien accrochés à l’autre camp.
La campagne ne se structure pas. Trump lui-même affirme préférer la souplesse d’une petite équipe. Sa manie de tout contrôler a déjà provoqué des changements dans son équipe et ne facilite pas la construction d’un ensemble efficace.
Mitt Romney qui reste un des hiérarques Républicain les plus visibles, a annoncé examiner la candidature du Gary Johnson du Parti Libertarien et ne pas exclure voter pour lui. La campagne des Libertariens a le vent en poupe. L’instabilité persistante du camp Républicain pourrait être le meilleur allié des Démocrates.
Et Bernie dans tout cela.
Les craintes qu’exprimaient les commentateurs de gauche la semaine dernière d’un éclatement de la campagne Sanders ou son départ vers l’ aventure suicidaire d’une candidature indépendante se sont dissipées mais des questions demeurent. La bataille continue au sein du Parti Démocrate avec la préparation de la Convention et de la plate-forme mais aussi à côté. Que fera Clinton d’une plate-forme de campagne tirée vars la gauche ? Peu importe l’important se passera ensuite.
Les réunions organisées autour et indépendamment de la Convention par les groupes qui soutenaient Bernie Sanders prennent maintenant leur sens d’étapes de suite de la construction d’un mouvement durable. On n’est pas toujours à l’abri d’une bonne nouvelle. Et pour répondre à la question du titre Bernie a évité l’irresponsabilité, il ne s’est pas (encore ?) vendu à l’appareil Démocrate et il a suffisamment gagné pour concrétiser une campagne historique. Peut-être pourrions nous y penser ?
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