Tous les prétextes sont bons. Avais-je besoin de tirer arguments de quelques cartes manquantes pour mes prochaines marches pour m’autoriser un petit passage à la manifestation organisée par François Ruffin?

Sorti du RER je n’ai pu résister à l’attrait de ma boutique d’engins à écrire à l’entrée de la rue Saint Martin. Il me restait à traverser la Seine quand le bruit des sirènes du convoi de police m’a reporté cinquante ans moins un jour en arrière. Ce Lundi 6 Juin vers vingt-deux heures nous passons Boulevard du Palais derrière la Préfecture de police sur le chemin de la station de métro. Une colonne de flics sort de chaque porte. Nous voilà coincés. Je viens de me faire rafler pour la première fois. Peut-être fallait-il faire le quota du jour. Faute d’avoir interpelé assez dans la journée on a fait le complément.

Sous le soleil éclatant de ce début d’après-midi mon lointain souvenir a plutôt de quoi faire sourire. Le temps d’acheter mes cartes et je peux rejoindre la fin du cortège; serré de près par quelques voitures tous clignotants dehors. Malgré le danger assumé par les autorités de bloquer des rues latérales par des barrières au risque de priver les manifestants de voie de replis en cas d’incident la posture adoptée est manifestement moins agressive que ce que l’on a pu connaître sous Hollande lors des manifestations contre la loi travail quand la présence de policiers en équipement de maintien de l’ordre sur les trottoirs même du cortège visait manifestement à intimider sinon provoquer les réactions. Après les débordements verbaux du pouvoir à la suite du Premier Mai on pouvait craindre la fuite en avant. Le caractère pacifique parfois familial du rassemblement s’est révélé la meilleure défense contre les tentations qui ne manquent pas de travailler les pouvoirs trop sûrs d’eux.

Le symbole de ce pacifisme circulait à vélo, une réincarnation de Mouna que les plus jeunes ne peuvent pas connaître.

Au-delà de la polémique sur le nombre de participants quels enseignements tirer de cette journée?

Le succès ne se mesure pas seulement en terme quantitatifs. Si le contrat minimum a été rempli en occupant significativement le pavé parisien la qualité de la mobilisation et son inscription dans une dynamique peuvent faire la différence entre un baroud d’honneur et étape vers l’avant. Nous verrons dans les jours à venir si les graines semées continuent à pousser.

La nouveauté même de la méthode et le style de François Ruffin sont plutôt encourageant. Mobiliser sans consignes partisanes à partir de considérations concrètes plutôt que de proclamations idéologiques voilà de quoi rendre discrets tous les Comité Invisibles de la terre.