A la fin de la semaine dernière Laurent Delahousse s’est peut-être senti obligé de faire une fleur à son ami Macron. Sans aucune raison liée à l’actualité son journal nous a gratifié d’un sujet reprenant une vieille obsession de la droite française : la méthode d’apprentissage de la lecture.

La pauvre journaliste qui a du s’y coller ose dire que dans les années 1980 la méthode globale est venue concurrencer la méthode syllabique présentée comme la manière historique nécessairement authentique. Sans doute peu familière de ces sujets elle n’a pas réalisé que les deux méthodes n’ont à peu près jamais été en concurrence mais en collaboration dans la plupart des pratiques. Témoin dans mon enfance des débats pédagogiques entre mes parents instituteurs et leurs collègues je tenais ce débat pour clos depuis soixante ans par un accord pour faire profiter les enfants des avantages des deux systèmes qui s’adressent à des aspects différents du processus. Pour mémoire l’idée de la méthode globale, pas seulement en lecture, a été introduite par le pédagogue belge Ovide Decroly mort en 1932.

Inévitablement quand les journalistes de télévision sont en mal d’explication d’un phénomène psychologique on appelle à la rescousse les neurosciences. En fait non. On se sert d’un sous-produit des neurosciences, l’imagerie du système nerveux central humain pour impressionner les spectateurs ce qui dispense d’explication argumentée. Que feraient les professionnels de la télévision et les politiciens sans l’imagerie neurologique? La sempiternelle « activation de la zone » de ceci ou de cela dispense de démonstration. Circulez il y a quelque chose à voir mais rien à comprendre.

On connait depuis longtemps la tendance du cerveau humain à fonctionner par manipulation de formes dès le plus jeune âge. Il a même existé une école de pensée, la « gestaltpsychologie » (de l’allemand gestalt=forme) pour généraliser la reconnaissance de formes structurées comme base du psychisme.

L’importance accordée aux langues mortes, latin ou grec, et à la filiation lexicale dans la maitrise de la langue n’aurait donc d’ailleurs aucun sens dans une approche purement syllabique.

Plus encore l’acharnement des politiciens de droite à crier haro sur toute forme de globalisation cache une sacrée hypocrisie. Tous ces gens sont nécessairement des praticiens du texte et de la lecture rapide, techniques basées sur l’anticipation de mots ou même de segments de phrase. C’est-à-dire sur de la globalisation. Faites ce que je dis, pas ce que je fais.

Il est tellement plus simple et réconfortant de flatter le peuple dans le sens du poil et de promouvoir des idées simples qu’il doit être capable de comprendre : assemblez de lettres pour former des sons et grouper les en mots. N’imaginez pas que votre esprit puisse fonctionner de manière plus ou moins complexe et laissez nous nous occuper de tout cela.

Le plus sidérant est encore que tout cela dure depuis si longtemps.